Les situations en Afghanistan et en Irak ont fait naître, sans surprise, de sérieux doutes au Moyen-Orient, et même aux États-Unis, sur la capacité de Washington à soutenir la démocratisation. Dans ces conditions, il est important de démontrer nos capacités dans ce domaine, surtout dans les pays musulmans et notamment au Pakistan.
Richard L. Armitage a qualifié Pervez Musharraf de « bon homme à la bonne place » et W. Bush a demandé au Congrès un nouvel accroissement de l’aide économique au Pakistan. Pourtant, le Pakistan a contribué aux programmes nucléaires de l’Iran, de la Corée du Nord et de la Libye, mais Washington reste persuadé que les militaires pakistanais sont le seul rempart contre l’islamisme.
Avant que le Congrès n’accepte de financer ce « rempart », il serait bon de considérer ceci : en 1993, lors des élections nationales, les islamistes obtinrent neuf sièges sur deux cent dix-sept, en 1997 ils n’en avaient plus que deux, mais aux dernières élections, organisées trois ans après le coup d’État des militaires, ils en ont eu quarante-cinq. Dans la province stratégique longeant l’Afghanistan, il en ont même obtenus quarante-huit sur quatre-vingt dix-neuf. Les militaires et Musharraf ont contribué à cette situation en interdisant les rassemblements des partis démocratiques, mais pas ceux des islamistes. Il a également été décidé qu’il fallait posséder un diplôme pour se présenter, ce qui avantage les étudiants des madrasas. Les militaires soutiennent les islamistes, mais l’essentiel des aides états-uniennes vont à l’armée et pas à l’éducation alors que c’est le manque de moyens qui pousse les parents à envoyer leurs enfants dans les écoles religieuses.
Si les islamistes progressent au Pakistan et que la démocratie y est faible, c’est parce qu’aucun gouvernement démocratiquement élu n’a terminé son mandat en 56 ans d’existence du pays.

Source
Washington Post (États-Unis)
Quotidien états-unien de référence, racheté en août 2013 par Jeff Bezos, fondateur d’Amazon.

« Pakistan’s Real Bulwark », par Alfred Stepan et Aqil Shah, Washington Post, 5 mai 2004.