Le Los Angeles Times a ouvert un débat sur la démission de Donald Rumsfeld. Pour Jeffrey H. Smith, le départ du secrétaire à la défense est le seul moyen de restaurer l’image des États-Unis dans le monde. Il faut qu’une tête tombe pour marquer une rupture avec les erreurs qui viennent d’être commises. Au contraire, pour Midge Decter, amie et biographe de Rumsfeld, cette question ne devrait pas se poser. Le secrétaire à la défense n’a pas démérité et ce sont les démocrates qui portent atteinte à l’image des États-Unis en le mettant en cause pour des motifs purement électoralistes.

Les démocraties occidentales sont bien malades.
En premier lieu, elles se surestiment. Ce qui conduit Azmi Bishara à s’étonner dans Dar Al-Hayat des réactions occidentales à la torture en Irak. Alors que les faits sont établis depuis des mois, les États-uniens et Européens ne se sont indignés de ces pratiques que depuis qu’elles ont été montrées par CBS. Ce ne sont donc pas les faits qui leur importent, mais l’image de soi. D’autre part, les commentateurs les plus scandalisés sont ceux-là mêmes qui, il y a deux ans, préconisaient dans leurs éditoriaux l’usage de la torture contre les terroristes. Ils s’indignent donc d’avoir été suivis. Enfin, comment peut-on s’imaginer que la torture est incompatible avec la démocratie ? En fait, la torture ne dépend pas du régime, mais des conditions politiques. Elle existe toujours dans une situation d’occupation, y compris lorsque l’occupant est une démocratie, comme Israël le montre en Palestine. La seule chose qui varie selon le régime, ce sont les tortionnaires : en démocratie, ce peut être n’importe qui.
En second lieu, les démocraties s’imaginent transparentes. Ainsi Geoff Mulgan, conseiller de Tony Blair, dénonce dans le Guardian les mensonges des médias. Selon lui, les États démocratiques seraient des parangons de vertu. Ce serait les médias contemporains, disposant de moyens financiers considérables, qui fausseraient la vérité, et par conséquent le débat démocratique. Le lecteur reste pantois devant cet énoncé. Comment, au pays d’Hobbes, peut-on penser que l’État ne soit pas essentiellement un Léviathan ? Comment peut-on réduire la démocratie à un système institutionnel et croire qu’il suffît à maîtriser le Léviathan ? Comment un conseiller de Tony Blair qui accéda au pouvoir en faisant alliance avec Rupert Murdoch, peut-il considérer que les pouvoirs politique, économique et médiatique sont séparés ? Comment un conseiller d’un gouvernement qui a fait un grand usage de la propagande, peut-il défausser toute responsabilité sur les médias ? Tout se passe comme si le cabinet Blair recherchait un bouc émissaire pour s’exonérer de ses fautes.
Enfin, les démocraties sont d’autant plus fragiles que, comme les États-Unis, elles ne reconnaissent pas le suffrage universel. À ce propos, Norman Ornstein, de l’American Entreprise Institute, regrette dans le Washington Post que la Chambre des représentants n’ait pas réussi à adopter une loi sur la continuité des institutions en cas d’attaque terroriste. Observant qu’en cas de catastrophe majeure ayant coûté la vie à de nombreux parlementaires, il serait en réalité impossible d’organiser rapidement de nouvelles élections, il préconise un système de nomination des remplaçants. Mais en réalité, derrière ce débat, apparemment technique, reviennent des discussions qui divisèrent les pères fondateurs des États-Unis. La nomination des parlementaires fédéraux par les États fédérés est un procédé équivalent au suffrage censitaire pour permettre un contrôle du Congrès par les notables de province au détriment du peuple.

Aleksander Kwasniewski, président de la République de Pologne, a prononcé un discours devant l’University College de Londres, dont The Independent reproduit des extraits. Coincé entre les intérêts de la nouvelle classe économique dirigeante, qui a lié son sort aux États-Unis, et ceux de la majorité de sa population, hostile à l’intervention en Irak, M. Kwasniewski cherche, comme d’autres, une porte de sortie. S’appuyant sur le précédent de l’OTAN en Afghanistan, il souhaite donc une internationalisation de l’occupation de l’Irak.