En dépit des révélations de torture, la politique de la Coalition reste inchangée bien que, menée au nom de la promotion de la liberté, elle pourrait difficilement mieux produire son contraire. Cette politique échoue par son incapacité à affronter ce qui se trouve derrière la haine. Les appels de Ben Laden trouvent un écho dans le monde musulman grâce à sa capacité à radicaliser et à mobiliser autour de thèmes comme l’occupation de l’Arabie saoudite par les États-Unis, sa condamnation d’États arabes oppressifs et corrompus vus comme inspirés par l’Occident, ses attaques contre la domination états-unienne sur le Proche-Orient et le soutien de Washington à Israël.
En répondant à ces invectives en affirmant qu’il s’agissait d’une guerre entre les valeurs islamiques et musulmanes, George W. Bush a joué le jeu d’Al Qaïda. Ben Laden peut s’appuyer sur ce discours pour recruter davantage et combattre les mouvements laïcs et pro-occidentaux dans le monde musulman. Cela peut aussi avoir un impact négatif dans les pays occidentaux où vivent de fortes communautés musulmanes. La deuxième réponse de Bush, après le discours sur les valeurs, a été de mener une guerre en Afghanistan et en Irak qui avait des objectifs géostratégiques (installer des bases) et pétroliers. Aujourd’hui, l’Afghanistan échappe de plus en plus au contrôle des États-Unis et l’Irak est encore pire.
Al Qaïda n’a pas été vaincue et les renseignements états-uniens affirment qu’elle opère dans 65 pays et qu’elle a 50 000 agents. Elle entretiendrait également des liens avec les pires organisations terroristes de Moyen-Orient. Elle a perdu 16 de ses 25 principaux dirigeants, mais elle a su s’adapter. Elle est désormais plus mobile et plus flexible ce qui fait qu’elle semble être plus active aujourd’hui qu’avant le 11 septembre.
Il faut adopter une nouvelle stratégie, plus politique pour contrer Al Qaïda en affrontant les problèmes dont elle se nourrit. Il faut un rapide retrait d’Irak et une transition contrôlée par l’Onu. Cela exige que les États-Unis renoncent à la conservation de bases en Irak ou au contrôle du pétrole. Il faut également construire un État palestinien viable.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« Playing Bin Laden’s game », par Michael Meacher, The Guardian, 11 mai 2004.