Dans le cadre de ses réunions d’information mensuelles sur la situation au Moyen-Orient, y compris la question palestinienne, le Conseil de sécurité a entendu ce matin une présentation du Coordonnateur spécial pour le processus de paix au Moyen-Orient et Représentant personnel du Secrétaire général, Terje Roed-Larsen, qui a insisté sur les nouvelles perspectives de paix apparues avec le plan de retrait de Gaza et de la Cisjordanie présenté par le Premier Ministre Ariel Sharon, plan qui devrait selon lui s’inscrire dans le contexte de la mise en œuvre de la Feuille de route. Selon M. Roed-Larsen, un retrait effectué de manière appropriée peut ouvrir la voie au rétablissement de la paix au Moyen-Orient. Au contraire, un retrait effectué de mauvaise manière conduirait à une recrudescence de la violence et pourrait encore aggraver la tragédie israélo-palestinienne. Il a estimé que nous sommes à une croisée des chemins et engagé la communauté internationale à s’impliquer rigoureusement, sous la direction du Quatuor et du Conseil, pour aider les parties à faire le bon choix. 

Terje Roed-Larsen a indiqué que les choix que feraient les parties dans les prochaines semaines façonneraient l’avenir du Moyen-Orient pour de nombreuses années. Il n’y a pas de formule magique pour ramener la paix, a-t-il reconnu, mais seul un règlement politique pourrait inverser la situation actuelle tant au niveau sécuritaire qu’humanitaire. Il a rappelé son optimisme du mois de février dernier, lors de l’annonce du plan de retrait de Gaza par le Premier Ministre israélien, Ariel Sharon. A cette date, la plupart d’entre vous étaient sceptiques, a-t-il poursuivi, alors que j’étais convaincu que ces mesures contribueraient à relancer le processus de paix et à faire avancer la réalisation de la vision de deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte à côte, dans la paix et la sécurité, conformément aux dispositions de la Feuille de route présentée par le Quatuor. 

Le Coordonnateur spécial a estimé que tout retrait israélien de Cisjordanie et de Gaza constitue un développement heureux. Le plan de retrait permettrait aux Palestiniens de reprendre le contrôle de la quasi-totalité des 40% de leurs terres qui demeurent sous occupation à Gaza, a-t-il noté, ajoutant que la communauté internationale devrait certainement aider les Palestiniens à recouvrer leurs terres à Gaza comme en Cisjordanie. Cependant, pour que ce retrait marque le début d’une ère de paix, il doit rassembler deux éléments, a estimé M. Roed-Larsen. Il doit n’être autre que la fin de l’occupation, ce qui suppose que les Palestiniens puissent vivre à Gaza sans craindre de nouvelles incursions militaires israéliennes, que les Palestiniens puissent se rendre à l’étranger. Or, la garantie de la fin de l’occupation suppose des mesures administratives claires, a estimé M. Roed-Larsen, avant de reconnaître la légitimité des craintes israéliennes au plan sécuritaire, seul aspect qui risque de compromettre le plan de retrait total. 

C’est pourquoi, pour s’assurer que ces aspects sécuritaires sont pris en compte, il importe que l’Autorité palestinienne place ses services de sécurité sous l’autorité d’un seul et même ministère de l’intérieur. L’Autorité palestinienne doit lutter efficacement contre les cellules terroristes, a-t-il dit, ajoutant que la communauté internationale jugerait l’Autorité palestinienne sur ses résultats. De son côté, le Gouvernement israélien devrait retirer les avant-postes sécuritaires mis en place depuis mars 2001 et geler toutes les colonies de peuplement en Cisjordanie. En appui à ce processus, a indiqué M. Roed-Larsen, la communauté internationale devrait envisager le déploiement d’une présence internationale avec le consentement des parties afin de garantir la mise en œuvre des arrangements sécuritaires et de faciliter le retrait israélien de Gaza.

Revenant sur la mise en œuvre de la Feuille de route, qui contient des dispositions claires et prévoit des mesures réciproques et parallèles de la part des parties israélienne et palestinienne afin d’inverser la tendance actuelle, le Représentant spécial du Secrétaire général a souhaité que le plan de retrait s’inscrive dans ce processus. La Feuille de route représente le document consensuel de la communauté internationale et, bien qu’elle n’ait pas été mise en œuvre à ce jour, les parties ne peuvent considérer pour autant qu’elle soit devenue caduque. Les deux parties n’ont pas réellement respecté leurs obligations au titre de la Feuille de route, a insisté M. Roed-Larsen, constatant que l’Autorité palestinienne n’avait pas réformé son appareil sécuritaire afin de lutter contre le terrorisme, et déplorant, entre autres, que le Gouvernement israélien ait poursuivi certaines pratiques telles que les exécutions extrajudiciaires, n’ait pas démantelé les colonies de peuplement, et ait envisagé la construction de la barrière de sécurité. 

En dépit des efforts déployés par Mahmoud Abbas, un premier ministre engagé en faveur de la paix, a-t-il dit, l’Autorité palestinienne n’a pas réussi à mettre fin à la violence ou à réorganiser ses services de sécurité sous l’autorité d’un ministère de l’intérieur doté des compétences idoines. Les attaques terroristes ont continué faisant de nouvelles victimes parmi les civils israéliens innocents et conduisant les Israéliens à douter de la présence d’un partenaire palestinien engagé vers la paix. Incapable d’exercer son pouvoir, M. Abbas a démissionné, interrompant ainsi l’application de la Feuille de route. Depuis lors, a poursuivi le Coordonnateur spécial pour le processus de paix et malgré la bonne volonté de l’actuel Premier ministre Ahmad Qorïe, qui est également un homme de paix, la crédibilité de l’Autorité palestinienne diminue. En fait, a souligné M. Roed-Larsen, l’Autorité palestinienne est proche de la paralysie.

La Feuille de route ouvre la voie à une reprise des négociations visant à obtenir un « règlement définitif qui met fin en 2005 au conflit israélo-palestinien », a rappelé le Coordonnateur spécial. Les Palestiniens ont besoin d’être rassuré quant au fait qu’un accord final respectera leurs droits fondamentaux, inscrits dans tant de résolutions des Nations unies, s’agissant des réfugiés, des colonies de peuplement, des statuts de Jérusalem et des frontières, a-t-il souligné. Les Israéliens, eux, doivent être rassurés sur le fait que l’accord de paix final sera réellement définitif, mettant fin au conflit et aux exigences qui y sont associées, à la terreur et à la violence, et conduira à la reconnaissance d’Israël par tous les Etats voisins.

Selon le Représentant personnel, la Feuille de route, en présentant un horizon politique aux parties, les encourage à s’acquitter des tâches immédiates les plus difficiles, surtout sur la sécurité et les territoires. C’est la raison pour laquelle, a-t-il estimé, les deux dimensions doivent être maintenues. Toutefois, si la Feuille définit les moyens d’aboutir à un règlement définitif, la communauté internationale ne devra pas préjuger des résultats des négociations sur le statut final. C’est l’affaire des parties, a-t-il observé.

Aujourd’hui, les Premiers ministres Sharon et Qorïe ayant répété leur engagement, il existe une chance réelle de mettre en œuvre la Feuille de route, a dit M. Roed-Larsen. Aucune excuse ne pourra justifier des retards, et les deux parties doivent agir immédiatement pour respecter leurs obligations. Malheureusement, il serait irréaliste de penser que les parties, livrées à une relation antagoniste violente, prendront toutes les mesures nécessaires qui leur permettraient de revenir sur la voie de la paix, a affirmé M. Roed-Larsen.

Selon le Représentant spécial, le retrait de la Bande de Gaza ouvre la voie à la prochaine étape de la gestion du processus par le Conseil de sécurité. Les paramètres pour le succès du retrait sont clairs, car ce sont ceux énoncés dans la Feuille de route. Le Gouvernement israélien pourrait choisir la voie d’une véritable reprise du processus de paix, avec l’aide de la communauté internationale, pour créer les conditions qui aideraient l’Autorité palestinienne à agir de manière décisive contre la violence et la terreur. De même, le Président Arafat pourrait choisir de réorienter l’Autorité Palestinienne dans cette voie. La communauté internationale pourrait également s’impliquer de manière déterminée dans ce processus, pour aider à transformer le plan de retrait de Gaza en une mise en œuvre totale de la Feuille de route du Quatuor. M. Larsen a enfin exhorté les membres du Conseil de sécurité ainsi que le reste de la communauté internationale à réfléchir aux conséquences formidables de ces choix pour la paix et la sécurité de l’ensemble du Moyen-Orient. Il a conclu en citant Bonaparte, selon qui « rien de ce qui est fondé sur la force n’est permanent ».

Source : ONU
Référence : CS/2665