Les milices des tribunaux islamiques ont affirmé lundi avoir remporté la sanglante bataille de Mogadiscio, après près de quatre mois de combats face aux chefs de guerre qui régentaient la capitale somalienne depuis 15 ans et avaient récemment reçu un soutien des Etats-Unis.

Selon des habitants interrogés par l’AFP, des miliciens de chefs de guerre ont commencé à remettre leurs armes aux combattants des tribunaux dans le quartier de Daynile, à Mogadiscio.

Aucun combat n’avait été signalé dans la ville lundi en fin de journée, selon les mêmes sources.

L’annonce de la chute de Mogadiscio est intervenue au lendemain de la prise par les tribunaux de Balad (30 km au nord de la capitale), ville clé pour l’approvisionnement des chefs de guerre.

La bataille de Mogadiscio est l’une des plus sanglantes depuis le début de la guerre civile en 1991 : les hostilités à l’arme lourde ont fait au moins 347 morts et plus de 1.500 blessés, civils pour la plupart, depuis février.

"L’alliance des tribunaux islamiques (JIC) n’est pas intéressée par la poursuite des hostilités et fera régner pleinement la paix et la sécurité dans la capitale somalienne après le changement réalisé à la suite de la victoire du peuple et du soutien d’Allah", selon un communiqué lu sur les radios somaliennes lundi.

"La JIC prendra soin de la sécurité du peuple et de la liberté des individus", affirme le chef de la JIC, Sheikh Sharif Sheikh Ahmed, dans ce texte.

"C’est une nouvelle ère qui commence pour Mogadiscio, sans les chefs de guerre", a ensuite affirmé M. Ahmed à l’AFP.

Les habitants de la capitale préféraient eux rester prudents. "En 1991, quand (l’ancien dictateur) Mohamed Siad Barre a été renversé, les gens pensaient qu’il y aurait la paix, mais cela a été bien pire", s’est rappelé Mohamud Haji Omar, homme d’affaires retraité de 70 ans. "Je veux attendre et voir", a-t-il expliqué.

"Ce dont j’ai peur, c’est qu’ils (les tribunaux islamiques) interfèrent dans l’éducation et imposent la religion dans les écoles", a estimé Asha Idris, mère de cinq enfants, se faisant l’écho d’une préoccupation répandue dans la ville.

Mais dans l’immédiat, nombre d’habitants préféraient ne pas penser à l’avenir. "Qu’importe qui dirige la ville, nous voulons juste la paix", a lancé un autre habitant, Ali Muhyadin.

Depuis le début de la guerre civile, Mogadiscio était aux mains de chefs de guerre rivaux. Mais depuis 2004, ces derniers ont vu leur pouvoir remis en cause par la montée en puissance des tribunaux islamiques.

En février dernier, les chefs de guerre ont formé l’Alliance pour la restauration de la paix et contre le terrorisme (ARPCT), qui a reçu un soutien financier américain dans le cadre des opérations secrètes de lutte antiterroriste.

Dès sa création, l’ARPCT a engagé la bataille pour le contrôle de Mogadiscio contre les tribunaux, fortement soupçonnés par les services de renseignements occidentaux d’abriter des extrémistes liés au réseau Al-Qaïda.

Les tribunaux, qui démentent tout lien avec ces extrémistes, ont eux déclaré la "guerre sainte" aux chefs de guerre.

Des représentants des tribunaux islamiques rencontraient lundi des chefs coutumiers pour discuter des modalités de reddition des armes de l’ARPCT, selon des sources des tribunaux islamiques.

L’un des fondateurs de l’ARPCT, Mohamed Afrah Qanyare, a quitté Mogadiscio dimanche, apparemment en direction de Jowhar (90 km, nord de Mogadiscio), où les chefs de guerre ont de solides points d’appui.

Il est l’un des quatre chefs de guerre de l’ARPCT qui occupaient des portefeuilles ministériels dans le gouvernement de transition et dont le limogeage a été annoncé lundi.

Le gouvernement, instauré en 2004, qui n’a pas réussi à imposer son autorité, avait appelé les tribunaux islamiques au dialogue ludi, avant la prise de la capitale.