Les pays sont de plus en plus nombreux, de par le monde, à adopter des lois visant à prévenir la traite des personnes et à poursuivre en justice les criminels qui se livrent à cette forme d’esclavage du XXIe siècle, indique le département d’État dans son rapport 2006 sur la traite des personnes dans le monde, rendu public le 5 juin.

Ce rapport, le plus exhaustif à ce jour sur les activités de traite dans le monde, constate que les tribunaux ont prononcé plus de 4.700 condamnations en 2005 pour des crimes liés à la traite, contre environ 3.000 l’année précédente.

Le directeur du Bureau de la surveillance et de la répression de la traite des personnes, M. John Miller, interprète cette augmentation comme le signe d’une évolution favorable de la lutte contre ces violations des droits de l’homme.

« Nous savons que 41 États ont adopté de nouvelles lois en matière de traite des personnes. Cela aussi est un bon signe », a-t-il déclaré.

M. Miller a noté en particulier certaines mesures positives prises par des gouvernements déterminés. Au Malawi, par exemple, État d’Afrique australe qui s’est hissé cette année à la plus favorable des catégories établies par le département d’État, les pouvoirs publics se sont attaqués avec énergie au problème de la traite, et leur action satisfait pleinement aux normes internationales s’y rapportant.

« Avec ses 15 condamnations de trafiquants et ses programmes nationaux de sensibilisation, le Malawi est réellement monté au créneau. Ce pays tropical d’Afrique doté de ressources limitées a réussi à se placer en catégorie 1 », a déclaré le responsable du département d’État.

Selon ce rapport dont la publication annuelle est ordonnée par le Congrès des États-Unis, on estime à environ 800.000 le nombre de personnes qui ont été prises au piège de la traite au cours de l’année dernière, soit à peu près le même nombre que l’année précédente. Les auteurs du rapport reconnaissent que ces estimations sont toujours un peu floues vu la nature clandestine de ces activités.

« Les esclaves ne vont pas se mettre en rang et lever la main pour se faire compter », a-t-il observé.

 Les catégories

Le rapport 2006 analyse 149 États, chiffre sans précédent depuis sa première édition en 2001. Si un État n’y figure pas, c’est en raison du manque de données fiables et non pas nécessairement parce qu’il n’y a aucune activité de traite à y signaler. Qu’il s’agisse de pays d’origine de victimes, de pays de transit ou de pays de destination, tous les États du monde participent à cette forme moderne d’esclavage.

Le rapport répartit les États en quatre catégories en fonction des mesures qu’ils prennent pour combattre la traite, pour traduire en justice les criminels et pour soutenir et assister les victimes.

Les États qui satisfont aux critères établis par la loi de 2000 sur la protection des victimes de la traite sont placés dans la catégorie 1. La catégorie 2 comprend les États qui ont démontré leur volonté de faire face à leurs problèmes mais n’ont pas encore satisfait aux normes internationales. La « liste de veille » de la catégorie 2 englobe les États qui donnent des signes de défaillance, et M. Miller pense qu’à la notion de « veille » il faut ajouter celles de « vigilance » et d’« avertissement ».

Quatre pays de grande importance ont été classés dans la liste de veille pour la deuxième année consécutive au moins : la Chine, l’Inde, le Mexique et la Russie.

« C’est préoccupant », a dit M. Miller, d’autant que, selon les pronostics, ces quatre pays pourraient bien basculer l’année prochaine dans la catégorie 3, la moins favorable de toutes.

Douze pays figurent cette année en catégorie 3 : l’Arabie saoudite, le Bélize, la Birmanie, la Corée du Nord, Cuba, l’Iran, le Laos, l’Ouzbékistan, le Soudan, la Syrie, le Venezuela et le Zimbabwe.

En 2005, 14 États avaient été placés en catégorie 3. Après la diffusion du rapport, la loi américaine accorde 90 jours aux États visés pour démontrer qu’ils ont pris ou qu’ils prennent des mesures pour redresser la situation. S’ils ne font rien, les États-Unis pourraient leur appliquer des sanctions économiques non liées à l’aide humanitaire.

 Une analyse plus approfondie des conditions de servitude

Le rapport de 2006 accorde une attention accrue aux pratiques de servitude qui débutent par un recrutement en vue d’un emploi apparemment licite.

La dynamique économique mondiale a provoqué en 2005 d’importants flux migratoires, impliquant peut-être 120 millions de personnes, selon les statistiques de l’Organisation internationale du travail (OIT) citées dans le rapport.

Sans mettre en cause la légalité inhérente de ces mouvements transcontinentaux de travailleurs dans le contexte de la loi de l’offre et de la demande, les auteurs du rapport reconnaissent que, dans la pratique, des abus sont commis. Il est facile, disent-ils, d’exploiter des travailleurs étrangers qui ne connaissent pas la langue, la société ou le régime d’aide sociale du pays où ils débarquent.

« Lorsque les protections et la réglementation ne suffisent pas à empêcher les abus, des employeurs sans scrupules recherchent les groupes les plus vulnérables de travailleurs étrangers, aux fins d’exploitation », indique le rapport.

Le Congrès des États-Unis a d’ailleurs demandé au département d’État d’analyser de façon plus approfondie la question du travail forcé, et selon le rapport cette priorité sera maintenue encore l’année prochaine.

L’Inde a été placée sur la liste de veille de la catégorie 2 en raison de sa pratique de mise en servitude pour dettes, appliquée lorsqu’une famille reste endettée envers un employeur de génération en génération. Selon M. Miller, des centaines de milliers d’Indiens seraient assujettis à cette forme d’esclavage.

 Les objectifs du rapport

Dans son bref avant-propos, la secrétaire d’État, Mme Condoleezza Rice, déclare que l’élimination de la traite des personnes est « la grande cause morale de notre temps ». Elle indique que les États-Unis ont versé une aide totalisant 400 millions de dollars ces dernières années pour aider divers pays à améliorer leur dispositif de lutte contre ce fléau et leur assistance aux victimes.

« Tous les pays qui sont déterminés à lutter contre la traite des êtres humains trouveront un partenaire dans les États-Unis, souligne Mme Rice. Ensemble, nous continuerons d’affirmer qu’aucune vie humaine ne peut être dévaluée ou méprisée. Ensemble, nous ne reculerons devant rien pour mettre fin à l’avilissement de nos frères et sœurs humains. »