Des employés de l’ambassade de Russie en Irak viennent d’être ajoutés à la longue liste des victimes du chaos qui perdure depuis trois ans dans ce pays. L’attaque dont a été la cible une voiture de la mission diplomatique a coûté la vie à une personne et quatre autres ont été enlevées. On ignore qui se trouve derrière cette tragédie. Les réalités irakiennes sont telles que toute hypothèse est plausible. Les motivations peuvent tout aussi bien être politiques, économiques ou crapuleuses. L’enquête devra faire la lumière sur ce qui s’est produit. Pour les autorités russes et irakiennes, ce qui est essentiel présentement, c’est de localiser et de libérer les employés de l’ambassade. D’autant que dans ces situations un préjudice est causé aussi aux Irakiens. Le coup est porté surtout contre eux, contre leurs espoirs d’un retour rapide à la stabilité dans le pays.

En Irak il ne se passe pas une journée sans que l’on annonce des assassinats ou des enlèvements. Et le fait que cela ne concerne que trois des dix-huit provinces irakiennes ne saurait rassurer. N’oublions pas que la capitale, Bagdad, le centre de la vie politique et économique, reste l’un des endroits les plus périlleux du pays. Personne ne peut s’y sentir en sécurité, quelle que soit la croyance à laquelle on appartient, quelles que soient les opinions politiques que l’on peut avoir.

Les diplomates n’ont pas été une exception. Le fait que la Russie était opposée à la guerre en Irak n’a joué ici aucun rôle et les Russes qui travaillent dans ce pays en sont tous pleinement conscients. Qui plus est, il est significatif que les agressions visent en premier lieu les ressortissants des pays qui étaient contre la guerre et qui ne font pas partie de la force multinationale. C’était devenu évident au mois d’août 2003, lorsque la mission de l’ONU en Irak avait été plastiquée. Depuis ce moment tous ceux qui viennent en Irak ne peuvent miser que sur la chance, y compris ceux qui bénéficient d’une garde rapprochée, les politiques et les diplomates.

Un exemple : le mois dernier un diplomate de l’ambassade des Emirats Arabes Unis a été kidnappé, en 2005 deux diplomates algériens et un égyptien ont été assassinés. Au cours des trois années qui ont suivi le renversement du régime de Saddam Hussein des employés des ambassades du Japon, d’Allemagne, d’Iran et de Jordanie ont été victimes de violences. Même des Américains résidant pourtant dans le secteur le mieux protégé de la capitale irakienne ont été agressés.

Les Russes n’ont pas oublié les événements de 2004, quand des employés de la société "Interenergoservis" avaient été attaqués à plusieurs reprises. Cela avait incité la plupart des ressortissants russes à quitter l’Irak. Les compagnies russes encore sous contrat opèrent depuis la Jordanie : des moyens de communication modernes leur permettent de donner des consultations à leurs collègues irakiens, d’envoyer des équipements et des dossiers techniques. Evidemment, cette situation ne favorise pas le développement de la coopération économique entre la Russie et l’Irak et elle est surtout préjudiciable aux Irakiens.

Nous le répétons, ce sont les Irakiens les premières victimes du chaos observé dans leur pays, même lorsque les agressions sont perpétrées contre des ressortissants d’autres pays. Pour des raisons de sécurité les ambassades, les sociétés et les grands moyens d’information étrangers fonctionnent au ralenti. Dans ce contexte on voit mal comment la communauté internationale pourrait prêter assistance à l’Irak.

A qui cela profite, qui a besoin d’un Irak affaibli ? Diverses réponses peuvent être données ici. Tout comme il est malaisé de dire a qui incombe la responsabilité de la tragédie dont ont été victimes les Russes et bien d’autres. Qui est responsable du maintien de la situation politique en Irak au bord de la guerre civile, qui s’est employé à ce que la formation du nouveau gouvernement dure plus de quatre mois et à ce que les chefs des ministères de la Défense et de l’Intérieur - des département clés surtout quand le chaos règne - n’ont toujours pas été nommés ? Quelle est la part de responsabilité ici des politiques irakiens et quelle est celle des Américains qui, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU, auraient dû, dans un premier temps en tant que forces d’occupation et ensuite à la tête de la force internationale, concourir à la stabilisation de la situation en Irak ?

Evidemment, pour la Russie au moment présent il n’y a rien de plus important que de sauver la vie de ses ressortissants, mais il faut aussi que des réponses soient données aux questions posées plus haut. C’est important pour Moscou, pour Bagdad et pour tous les membres de la communauté internationale.

Source
RIA Novosti (Fédération de Russie)