Bunia, province de l’Ituri (République démocratique du Congo) - Des milliers d’anciens rebelles, appelés ici « ex-combattants », dont les mains naguère empoignaient des fusils et des grenades, manient aujourd’hui des outils de mécanicien et d’agriculteur grâce à un programme novateur associant les États-Unis, la République démocratique du Congo (RDC), la Banque mondiale et l’Organisation des Nations unies.

M. Ron Mininger, directeur de projet pour « Chemonics International », l’entreprise basée aux États-Unis qui administre sous contrat le programme « Réinsertion des ex-combattants de l’Ituri » pour l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), a accordé, le 7 juin, un entretien au « Washington File ».

M. Mininger a d’abord rappelé les faits : de 1999 à la fin de 2003, les quelque 4 millions d’habitants de l’Ituri se sont trouvés pris dans le feu croisé d’un conflit qui opposait les deux principales ethnies de la province, les Hémas et les Lendus. Près de 50.000 d’entre eux ont péri, tandis que 100.000 autres ont dû se réfugier dans des camps.

Le projet de réinsertion, qui se termine en juin, a aidé à désarmer plus de 11.000 combattants et de récupérer plus de 6.000 armes. Les 4.000 soldats de maintien de la paix affectés à l’Ituri dans le cadre des opérations de la Mission des Nations unies en République démocratique du Congo (MONUC) ont participé à son exécution.

Cette brigade se compose de 4 bataillons d’infanterie, venus respectivement du Pakistan, du Maroc, du Bangladesh et du Népal, et de 2 unités aériennes des armées de l’air de l’Inde et du Bangladesh. Le succès de la campagne de désarmement est dû en grande partie aux nombreuses patrouilles et opérations sur le terrain entreprises par la brigade dans l’Ituri.

Depuis la fin de 2003, lorsque la MONUC a chassé les rebelles de Bunia, la capitale de la province, et a entrepris des opérations actives dans toute la campagne, des milliers de combattants appartenant à sept groupes distincts ont renoncé à la lutte armée et déposé leurs armes, selon la responsable de l’information de la MONUC, Mme Jennifer Bakody.

Celle-ci a précisé que le projet de réinsertion dans l’Ituri s’inscrivait dans le programme général de désarmement et de réinsertion de la RDC visant à mettre fin à la violence au Congo oriental. Cette violence, a-t-elle fait observer, était causée en partie par la richesse des ressources naturelles de la région. C’est ainsi que l’Ituri est une importante région aurifère.

 La réinsertion, élément « essentiel » à la démocratie

Le gouvernement de transition de la RDC a déjà englouti des dizaines de millions de dollars dans ses programmes de réinsertion, dont l’une des particularités est le versement de paiements aux ex-combattants de l’Ituri par l’intermédiaire de la CONADER, l’organe officiel de coordination des programmes de réinsertion.

L’un des grands objectifs des pouvoirs publics congolais, en effet, est d’assurer la sécurité dans la région orientale à temps pour les élections nationales prévues pour le 30 juillet, les premières à avoir lieu dans toute le pays depuis la montée au pouvoir de Mobutu Sese Seko en 1965.

M. Nicholas Jenks, directeur des programmes de l’USAID à Kinshasa, la capitale du pays, a déclaré au « Washington File » qu’il jugeait la réintégration des anciens combattants dans la société congolaise « absolument essentielle » au maintien de la démocratie après les élections.

À cette fin, l’USAID a affecté 9 millions de dollars aux programmes de réinsertion en RDC au cours des 3 dernières années, dont 2 millions de dollars pour le projet de l’Ituri. La Banque mondiale y a contribué, pour sa part, à hauteur de 6,5 millions de dollars, a indiqué M. Jenks.

Dans l’Ituri, le programme a « littéralement transformé la vie de la population en rendant la région beaucoup plus sûre », a affirmé M. Mininger. « Le facteur qui a vraiment assuré le succès durable du programme, c’est le fait qu’il a engagé plus de 4.000 villageois dans le programme de formation de 4 mois mis sur pied pour les ex-combattants. » Ainsi, les collectivités locales se sont senties parties prenantes au programme, ce qui a beaucoup facilité l’intégration dans les villages de ces hommes dont un grand nombre avaient commis des actes de violence lorsqu’ils étaient miliciens, a indiqué le responsable de « Chemonics International ».

Le programme de formation mettait l’accent sur plusieurs thèmes, comme la démocratie, la gouvernance, la réaffirmation de valeurs telles que la paix, la réconciliation et le règlement des différends, ainsi que sur l’agriculture et la santé. La CONADER a payé les frais de subsistance des anciens rebelles pendant leur période de formation.

Outre cette initiation pratique et théorique destinée à inciter les ex-combattants à renoncer à la violence et au chaos et à s’insérer dans une société structurée, le projet de l’Ituri a fourni aux ex-miliciens des nécessaires de démarrage de microentreprises d’une valeur de 175 dollars. Ces kits visent à aider les bénéficiaires à créer des entreprises telles que la vente de carburant, les cultures vivrières, le petit commerce, les ateliers de réparation mécanique et la menuiserie.

« L’un d’entre eux nous a fait part de son grand bonheur, car avec sa formation et son kit pour démarrer un commerce de carburant, il avait pu commencer une nouvelle vie, d’autant que son épouse, ancienne rebelle elle aussi, avait reçu un nécessaire de petit commerce », a déclaré M. Mininger.

« Maintenant, ils sont impatients de rentrer dans leur village et d’y ouvrir une petite boutique qui pourrait un jour leur permettre de prospérer et de se racheter un peu pour les actes qu’ils avaient commis lorsqu’ils étaient rebelles. »