Quelques semaines ont été imparties à Téhéran pour examiner les nouvelles propositions destinées à convaincre l’Iran de cesser ses activités en matière d’enrichissement d’uranium. En tout cas c’est ainsi que l’on perçoit la situation à la Maison-Blanche. "Pour les Iraniens l’heure de vérité est arrivée, ils sont placés devant un choix crucial. S’ils n’acceptent pas ces propositions, nous serons contraints d’emprunter une autre voie". Tels sont les propos que la secrétaire d’Etat américaine, Condoleezza Rice, l’idéologue numéro un des "stimulants et des sanctions dans la même enveloppe", a tenu pour décrire la situation.

Téhéran a relevé le défi. "Nous devons étudier attentivement les propositions avancées, une fois cela fait nous reprendrons les négociations pour aboutir à un résultat raisonnable", a déclaré le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranien, Ali Larijani, après avoir rencontré à Téhéran le Haut représentant de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, Javier Solana.

Il est évident que la mission de Javier Solana à Téhéran ne consistait pas seulement à remettre les propositions en question à la partie iranienne. Le Haut commissaire européen devait aussi "bien faire comprendre" aux dirigeants iraniens que si cette initiative, la dernière comme c’est évident maintenant, n’était pas acceptée, l’Iran se retrouverait très probablement dans l’isolement le plus total.

Depuis plusieurs années une situation paradoxale prévaut autour du programme nucléaire iranien. Comme l’expert russe Alexeï Arbatov l’a fort justement relevé, chacune des parties à la crise iranienne a raison à sa façon et la situation glisse inexorablement vers un conflit.

Effectivement, l’Iran a pleinement le droit de développer ses propres technologies nucléaires, un droit qui lui est garanti en tant que signataire du Traité sur la non prolifération des armes nucléaires (TNPAN), et c’est d’ailleurs ce qu’il revendique. Seulement l’Occident craint que certains éléments du programme nucléaire iranien puissent être utilisés par ce pays pour se doter de l’arme nucléaire, d’où les suspicions à l’égard de l’Iran. Dans cette situation deux solutions s’offraient pour trancher le "noeud gordien" iranien : soit consentir à des concessions réciproques, soit recourir à la force.

La Maison-Blanche préconisait une solution mixte.

Evidemment, pendant longtemps Washington avait envisagé une solution musclée à l’égard de Téhéran, mais il a néanmoins été obligé de se résigner à ne pas faire figurer dans le projet de résolution du Conseil de sécurité de l’ONU une clause autorisant le recours à la force armée. Cependant, si jamais l’Iran repoussait les propositions compromissoires, Washington disposerait quand même d’autres possibilités de sanctions pour placer l’Iran dans un isolement économique, technologique, financier et diplomatique complet "avec le "plein soutien de la communauté internationale".

C’est vrai que l’Iran est déjà sous le coup des sanctions américaines qui avaient été prises en 1979, date du renversement du schah. Par conséquent l’éventualité d’un isolement partiel ou total de ce pays doit faire l’objet d’un débat à part. Ce qui importe ici c’est la question de savoir ce que Washington a proposé à Téhéran en remplacement des sanctions. Parce que les stimulants doivent avoir un poids au moins égal aux sanctions, sinon plus.

Au moment où un débat animé était mené autour de l’enveloppe (encore secrète) contenant "le bâton et la carotte" adressée à Téhéran, le directeur de la Brookings Institution de Washington, Flynt Laverett, de passage à Moscou, avait rappelé la "Grande transaction" proposée quasi-officiellement par la Maison-Blanche à l’Iran en 2003. Une "transaction" qui avait été décryptée au même moment par Martin Walker dans UPI (en citant le même Laverett).

Cette proposition devait assurer : l’accord de l’Iran avec la stratégie des "deux Etats, Israël et la Palestine" dans la question proche-orientale, le renoncement de Téhéran à appuyer les organisations considérées comme terroristes par les Américains, la coopération de l’Iran avec les Etats-Unis en Irak et en Afghanistan, la lutte commune contre Al-Qaïda et, enfin, la conclusion par l’Iran d’un accord global de sécurité avec les pays du Golfe persique, prévoyant notamment le renoncement à y déployer des armes nucléaires.

En contrepartie l’Iran demandait aux Etats-Unis la reconnaissance diplomatique totale, la levée des sanctions unilatérales et l’abandon des plans de remplacement du régime iranien.

D’après ce que l’on sait, en sus des propositions de 2003 le président iranien actuel insistera sur le droit du pays de se livrer à la recherche-développement, y compris dans le domaine de l’enrichissement d’uranium. Pour l’Iran il s’agit là d’une question de principe qui n’a rien à voir avec la bombe atomique. Dans un article dont une traduction partielle a été publiée il y a quelques jours dans le quotidien russe Izvestia, l’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Joschka Fischer, écrit que "le fond du problème (iranien) réside dans la volonté du régime iranien d’être la principale puissance islamique et régionale et de se placer au même niveau que les Etats les plus puissants au monde".

On peut donc supposer que cette fois la "transaction" aboutira. Et si pour Téhéran ce sera "l’heure de vérité", pour la Maison-Blanche se sera un enseignement montrant comment il convient de discuter avec l’Iran.

Le président des Etats-Unis a sûrement apprécié la première réaction de Téhéran aux propositions des Six. Elle a la résonance d’une réponse positive. Les Etats-Unis se déplaceront et s’assoiront à la table de négociation avec eux s’ils sont prêts à cesser l’enrichissement (d’uranium) de manière vérifiable", a déclaré George W.Bush qui se trouvait mardi dans l’Etat du Nouveau-Mexique.

Mais de toutes façons l’histoire ne s’arrêtera pas là. Téhéran a déjà démontré maintes fois que l’expression "la politique, c’est l’art du possible" est loin d’être un axiome pour lui.

Source
RIA Novosti (Fédération de Russie)