Il y a deux ans cette semaine, le président George W. Bush énonçait sa doctrine des frappes préventives à West Point. Dix mois plus tard, il la mettait en application en Irak. Mais aujourd’hui la doctrine des frappes préventives passe par des moments difficiles car loin de la valider, la guerre d’Irak en a montré les limites et il est désormais improbable que cette doctrine soit appliquée ailleurs.
La doctrine de Bush allait bien au-delà de ce qu’aucun président n’avait fait par le passé. Certains présidents avaient mené des frappes préventives, mais la doctrine de Bush va plus loin que ces cas de dangers imminents. Il l’a utilisée pour renverser des régimes. Les États-Unis affirment avoir le droit de chasser tout dirigeant qui leur déplaît bien avant qu’il puisse menacer leur sécurité. Cette doctrine s’est fondée sur deux croyances qui se sont révélées erronées : le fait que nous disposions de renseignements crédibles sur les intentions et capacités de nos adversaires, le cas irakien a prouvé que c’était faux et on a toujours pas retrouvé d’armes de destruction massive ; et le fait que notre avancée technologique permettait aux États-Unis de mener des guerres à un coût acceptable, les insurrections de Falludja et de Nadjaf ont démontré le contraire et cette idée n’incluait pas le prix à payer pour l’occupation. C’est surtout l’occupation qui suit qui rend les guerres préventives bien moins attractives.
Aujourd’hui, une majorité d’Américains pensent que la guerre préventive en Irak était une erreur et il sera difficile de la convaincre de se lancer dans une autre guerre de ce type. Aujourd’hui, notre armée est sur-déployée, mais elle reste capable de frapper des camps terroristes. Par contre, elle ne peut pas mener des guerres préventives. En outre, l’Iran et la Corée du Nord, les autres pays de l’« Axe du mal », ont plus de capacité de défense que l’Irak. Bush ne le reconnaîtra pas, mais sa doctrine est morte.

Source
Los Angeles Times (États-Unis)

« Shooting First », par Ivo H. Daalder et James Lindsay, Los Angeles Times, 30 mai 2004.