Le Los Angeles Times donne la parole à deux points de vue opposés sur les principes des frappes préventives et de la guerre préventive. Pour Ivo H. Daalder et James Lindsay de la Brookings Institution, les Etats-Unis peuvent toujours frapper préventivement des camps terroristes, mais ils doivent admettre qu’après le fiasco irakien, ils ne pourront plus conduire de guerre préventive. Au contraire, pour Gary Schmitt du Projet pour un nouveau siècle américain, cette distinction entre frappes et guerre est superflue. Les États-Unis devront toujours faire usage de la force pour se défendre, et l’attaque sera parfois la meilleure défense.
Pour le moment, les États-Unis sont en Irak et s’y trouvent bien seuls. Deux militants atlantistes, Pierre Lellouche et Christoph Bertram, s’efforcent de démontrer aux lecteurs de l’International Herald Tribune que les Allemands et les Français doivent s’impliquer en Irak. Selon eux, un « échec » états-unien ouvrirait une nouvelle période isolationniste préjudiciable à tous. Il faut donc aider Washington à se sortir du guêpier dans lequel il s’est fourvoyé. On observera avec bonheur que les auteurs admettent aujourd’hui que la guerre était une erreur. Puis, on se demandera pourquoi une défaite US, comme au Vietnam, renverrait à une politique isolationniste.

Le sous-secrétaire à la Défense Douglas J. Feith proclame dans le Wall Street Journal que les États-Unis sont partisans de la Convention de Genève et l’appliquent. Il attend en retour que l’on traite des GI’s prisonniers avec le respect dû à des prisonniers de guerre. Cependant, poursuit-il, les terroristes n’étant pas des soldats réguliers, ils ne peuvent pas bénéficier de la protection de cette Convention. Cette position pose deux problèmes : d’une part, elle élude la question des mercenaires (dits « contractants civils »), et d’autre part, elle ne répond pas à la situation actuelle où le Pentagone a déclaré la guerre à des populations et doit affronter une résistance civile.
En outre, cette position officielle semble bien loin des pratiques. Le pasteur Jesse Jackson note à ce propos, dans El Periodico, que Donald Rumsfeld a déclaré assumer l’affaire d’Abou Ghraib, mais a préféré poursuivre des lampistes que de démissionner. Il souligne aussi que cette affaire n’est que la pointe émergée d’un iceberg qui comprend, entre autres, les centres « d’interrogatoire » secrets de la CIA et le camp de Guantanamo.

Nous avions déjà alerté nos lecteurs sur l’installation de fondamentalistes chrétiens à la tête des grandes institutions médicales états-uniennes et sur leur programme obscurantiste (cf. « Santé et environnement : Bush écarte les scientifiques », Voltaire, 27 février 2004). La journaliste scientifique Laurie Garrett en dénonce aujourd’hui les conséquences dans le Los Angeles Times. Les fondamentalistes chrétiens ont obtenu que les crédits des associations et chercheurs ayant pris position en faveur de la promotion du préservatif ou du droit à l’avortement soient coupés. Du coup, les principales conférences mondiales de lutte contre le sida sont toutes réduites, voire annulées.
De son côté, Joshua Muravchik appelle à voter George W. Bush dans le Los Angeles Times. Selon cet ancien propagandiste de la Guerre froide, Bush fils a l’étoffe d’un Truman ou d’un Reagan pour faire face aux menaces extérieures. M. Muravchik souligne que son jugement est d’autant plus indépendant qu’il avait appelé à voter démocrate, en 1999. Cependant, le lecteur observera que loin d’être un signe d’indépendance, c’est au contraire un signe de constance : fonctionnaire à la National Endowment for Democracy, voici vingt ans que M. Muravichik appelle à voter pour l’équipe sortante, c’est-à-dire pour son patron du moment.

Le général-président Pervez Musharraf rappelle dans le Washington Post que si l’extrémisme trouve ses racines dans l’injustice économique et politique, le meilleur moyen de le combattre, c’est la réforme. Il appelle donc les États-Unis à soutenir les institutions capables de favoriser le changement et en premier lieu l’Organisation de la conférence islamique. Le propos est d’autant plus provocant que les adversaires du président pakistanais lui reprochent de jouer un double jeu en entretenant secrètement l’islamisme pour se présenter publiquement comme un rempart face à l’islamisme.

Enfin, le vice-président colombien, Francisco Santos Calderón, dénonce dans l’International Herald Tribune l’hypocrisie de l’Europe vis-à-vis de son pays. C’est la demande européenne et états-unienne de cocaïne qui a poussé les paysans à produire de la coca pour l’export et a permis le développement des cartels. C’est elle qui a contraint la Colombie à se doter de lois d’exception pour lutter contre les trafiquants. Et pourtant, l’Europe, source de ces maux, condamne aujourd’hui les lois qui les répriment. Si cet argumentaire est convaincant, il est par contre plus douteux de diaboliser les cultivateurs de coca en leur faisant endosser toute la responsabilité dans la destruction de la forêt tropicale.