Certains opposants voient, à tort, la démission de George Tenet comme la première réaction aux travaux de la Commission d’enquête sur 11 septembre et la reconnaissance du fait que la CIA a échoué face au terrorisme islamiste. On accuse les services de renseignement états-uniens de ne pas avoir tenu compte de la « sagesse conventionnelle » sur les risques d’attentat et de ne pas avoir unifié les dossiers des différents services sur Ben Laden.
Il faut pourtant rappeler qu’avant le 11 septembre, la « sagesse conventionnelle » affirmait que le principal risque était le terrorisme nucléaire, biologique ou chimique et on pensait que les cibles seraient la Maison-Blanche ou le Capitole. De leur côté, les services de renseignement avertissaient, dès 1995, que la principale menace pour les États-Unis était les réseaux islamistes issus de la guerre d’Afghanistan. Ils pointaient la vulnérabilité du réseau aérien des États-Unis. À l’époque, analyste en chef des questions de terrorisme à la CIA, je travaillais avec le FBI pour convaincre l’industrie aéronautique du bien fondé du renforcement des mesures de sécurité dans ce domaine, sans résultat. Dans le même temps, la CIA créait la première cellule concentrée sur l’étude d’un seul homme : M. Ben Laden.
Aujourd’hui, la Commission d’enquête sur le 11 septembre semble vouloir construire une fable présentant les services de renseignement comme ignorants les risques d’attentats. Les vraies leçons à retenir du 11 septembre, c’est qu’il faut un désastre pour que les politiques changent. L’opinion publique états-unienne doit être mieux informée sur le terrorisme et le fonctionnement des services de renseignement.

Source
New York Times (États-Unis)
Le New York Times ambitionne d’être le premier quotidien global au travers de ses éditions étrangères.

« A Scapegoat Is Not a Solution », par Paul R. Pillar, New York Times, 4 juin 2004.