Dimanche, lorsque 15 dirigeants mondiaux dont Jacques Chirac et George W. Bush se sont rassemblés sur les pages de Normandie pour commémorer le 60ième anniversaire du débarquement, il était difficile de trouver des sentiments festifs en Europe. Pourtant, 3000 soldats états-uniens sont morts le jour du débarquement et plus de 400 000 Américains ont été tués durant la Seconde Guerre mondiale. Leur sacrifice a rendu possible cette célébration et sans les États-Unis, l’unité de l’Europe se serait faite sous une bannière très différente qu’aujourd’hui.
Selon un sondage, une majorité de jeunes Européens ne savent même pas ce qu’est le « Jour J », mais la distance croissante dans nos relations avec les États-Unis n’est pas le seul fait du temps qui passe et de l’oubli. Le cœur du problème est l’antiaméricanisme dans son nouveau costume de l’anti-bushisme. Je n’avais encore jamais vu un président états-unien être aussi détesté. Il est vrai que l’administration Bush a commis des erreurs en négligeant ses alliés et en faisant preuve d’incompétence sur les questions diplomatiques. Si on ajoute à cela les actes des soldats d’Abu Ghraib et le triomphe de Michael Moore à Cannes, il n’est pas surprenant que John Kerry soit attendu comme le messie en Europe.
Toutefois, Bush n’est qu’une petite partie de l’histoire et si les gouvernements qui attaquent sa politique disent que ce n’est pas de l’antiaméricanisme, il faut reconnaître que beaucoup des politiques qu’ils condamnent existaient avant la prise de fonction de W. Par ailleurs, l’Europe ne veut pas comprendre le choc qu’a été le 11 septembre pour les États-Unis. L’Europe croît pouvoir se prémunir du terrorisme en prenant ses distances avec les États-Unis et Israël, mais les Européens n’offrent pas d’alternatives à la politique états-unienne. Plus nous demeurerons faibles, plus les États-Unis domineront. Nous avons besoin d’une communauté de démocratie.

Source
International Herald Tribune (France)
L’International Herald Tribune est une version du New York Times adaptée au public européen. Il travaille directement en partenarait avec Haaretz (Israël), Kathimerini (Grèce), Frankfurter Allgemeine Zeitung (Allemagne), JoongAng Daily (Corée du Sud), Asahi Shimbun (Japon), The Daily Star (Liban) et El País (Espagne). En outre, via sa maison-mère, il travaille indirectement en partenarait avec Le Monde (France).

« Ugly Americans : Europe cannot blame it all on Bush », par Pierre Lellouche, International Herald Tribune, 7 juin 2004.