J’ai l’intention de soutenir cinq propositions pour le G8 de Sea Island, auquel je suis invité.
 Financement du développement : les niches de gaspillage. La corruption pose un grand obstacle à la bonne distribution de l’aide bilatérale ou multilatérale, mais il n’en existe pas moins des gaspillages involontaires, liés aux procédures, aux gestions ou aux mauvais choix. C’est ce que nous proposons d’appeler les « niches de gaspillage ». Il faut que nous apprenions à les identifier et à les réduire. Nous avons demandé à Kofi Annan de créer une Commission de l’ONU sur ce point et nous demandons l’aide du G8 pour cette initiative
 Contre-transfert des cerveaux. De nombreuses déclarations ont été faites sur le "transfert des cerveaux" des pays en voie de développement vers les pays développés, mais rien n’a été fait. Les pays en voie de développement forment des cadres qui sont absorbés par les pays riches. Il faut donc organiser des compensations en envoyant des experts des pays développés dans les pays en voie de développement.
 Passeports d’affaires. Notre époque voit un recul de l’État sur le secteur privé, mais la personne humaine a été oubliée dans ce processus et notamment sa liberté de déplacement. Il faut créer un « passeport d’affaires » destiné à mettre fin aux obstacles dressés devant la liberté de circulation des personnes qui sont des agents économiques. Le passeport d’affaires permettrait aux opérateurs économiques de se déplacer librement et plus facilement pendant une durée limitée, par exemple six mois. Il pourrait permettre de procéder à des opérations financières de paiement ou d’achat sans difficultés.
 Dialogue islamo-chrétien. L’idée d’une conférence mondiale sur le dialogue islamo-chrétien, proposée par le Sénégal, est très bien accueillie par l’opinion mondiale, les dirigeants religieux et les chefs d’État. Il ne s’agira pas cette fois de rencontres entre religieux, mais d’une rencontre mondiale entre dirigeants de hauts niveaux afin d’instaurer une nouvelle ère de compréhension. La présence des chefs d’État du G8 et des chefs d’États musulmans est indispensable.
 Degré zéro de la corruption, avec l’efficacité en plus. Il est souvent allégué, avec juste raison d’ailleurs, que les ressources octroyées par les bailleurs de fonds aux pays en voie de développement, singulièrement l’Afrique, sont très souvent affectées par la corruption. Je souhaite la suppression totale des pots-de-vin dans les financements extérieurs de nos projets de développement. Il faut donc travailler davantage avec les pays donateurs sur les dossiers pour gagner du temps sur leur constitution. Cela pourrait passer par une expérience franco-sénégalaise que je propose ici aux autorités françaises : La France, offrant au Sénégal la construction par exemple de 200 km de route, accompagne son don de la désignation d’une entreprise française, sélectionnée en France selon les normes françaises. Cette entreprise doit sous-traiter l’activité à une entreprise sénégalaise. Le Sénégal sera ainsi débarrassé de toute la paperasserie. De plus, ne recevant pas d’argent, aucun de ses citoyens ne pourra être soupçonné de corruption. Il conservera tous les avantages de l’investissement, notamment la main-d’œuvre et la distribution des revenus, sans les inconvénients et, surtout, les pertes de temps.

Source
Le Monde (France)

« 5 idées pour le G8 », par Abdoulaye Wade, Le Monde, 9 juin 2004.