Le point de vue de François Heisbourg « Accablant 6 juin 2004 » était particulièrement mal venu à la veille des cérémonies d’anniversaire du Débarquement qui ont souligné une grande communion des nations ayant contribué au débarquement le 6 juin 1944 avec une forte majorité de pertes américaines. Rien ne paraît autoriser les qualificatifs que M. Heisbourg applique au président George W. Bush et on peut imaginer la réaction qu’auraient eu les Français si leur président était qualifié avec la même désinvolte rhétorique.
L’auteur brocarde l’intervention des États-Unis et du Royaume-Uni contre l’Irak de Saddam Hussein. Il n’est pas inutile d’en rappeler les motifs : qui a déclaré en 1980 la guerre à l’Iran, faisant de nombreux morts, y compris par l’usage de gaz de combat ordonné par Saddam ? Qui a exterminé près de 100 000 de ses citoyens, en en gazant 5 000 avec femmes et enfants ? Qui a provoqué l’exode de deux millions de Kurdes persécutés ? Qui a pratiqué l’assassinat d’opposants politiques exilés, d’un ambassadeur d’Israël, sans parler d’une tentative contre un ancien président des États-Unis ? Qui a envahi le Koweït en 1990, avant d’en être chassé par une alliance occidentale, conduite par les Américains ? Qui a fait disparaître des centaines de prisonniers koweïtiens, saoudiens, syriens, libanais, égyptiens ? Qui a pratiqué des exécutions sommaires, mutilations ou viols de femmes sur ses propres ressortissants ? Qui a bombardé Israël avec des Scud ? Qui a contourné toutes les décisions prises par l’ONU jusqu’en 1997, au point d’obliger les inspecteurs de l’ONU à cesser leur enquête ?
Devant cette situation, il n’était pas possible de promouvoir une démocratisation du Moyen-Orient sans mettre un terme au régime de Saddam Hussein. On peut regretter que l’action salvatrice des États-Unis et de la Grande-Bretagne ait eu lieu sans l’aval des Nations unies, mais l’essentiel est l’ouverture d’une évolution positive dans le pays et donc dans la région. Le rapprochement franco-américain au cours des cérémonies du Débarquement permet d’envisager une évolution favorable acceptée par les gouvernements intéressés.

Source
Le Monde (France)

« Vive le 6 juin de Bush ! », par Pierre Marion, Le Monde, 11 juin 2004.