Q- Tout à l’heure vous avez parlé de progrès, est-ce qu’on peut savoir encore plus sur ces progrès, de quel genre de progrès s’agit-il ?

R - Nous pensons depuis le début de ce conflit qu’il faut cesser immédiatement les hostilités. Je vois déjà qu’hier au Conseil de sécurité des Nations unies, pour la première fois, il est écrit "cessation des violences". Il n’y a pas marqué "cessation immédiate". Je le regrette. Mais pour la première fois, c’est un signe positif. Ensuite, ce matin en effet, j’ai rencontré le Premier ministre Fouad Siniora, M.Nabih Berry, président du Parlement, et mon homologue. Et puis à déjeuner, j’ai rencontré beaucoup de membres du gouvernement, y compris, évidemment des membres de différents partis politiques. Je me rends compte qu’il existe des convergences très fortes entre le plan français - c’est-à-dire la résolution au Conseil de sécurité des Nations unies que nous venons de déposer à New York - et le plan du gouvernement libanais, qui a été, et je le dis parce que c’est très important pour nous, voté à l’unanimité du Conseil des ministres. Cela veut dire que pour nous, pour la communauté internationale, cela a une force sans précédent de voir l’unité nationale libanaise. Il en va en effet de la crédibilité internationale du gouvernement libanais, qui aujourd’hui, est fort en raison de cette unité.

Q - Ces progrès, c’est quoi au juste ?

R - Nous avons pu évoquer certains sujets. C’est beaucoup trop tôt aujourd’hui pour tirer des conclusions. Ce qui est sûr c’est que, dans les sujets qui comptent, figure le problème des prisonniers israéliens. Il y a également le problème du règlement de la question des prisonniers libanais qui sont aujourd’hui détenus en Israël. Il y a le problème des fermes de Chebaa, avec cette possibilité évoquée par certains, de pouvoir passer en deux temps les fermes de Chebaa sous souveraineté libanaise, par l’intermédiaire entre temps d’une juridiction des Nations unies. Il y a aussi le déploiement de la force militaire libanaise au Sud-Liban et puis il y a, si l’accord politique existe, la possibilité d’une force internationale dans laquelle la France pourrait jouer un rôle, une fois de plus, à une condition, c’est qu’il y ait un accord politique. Nous avons abordé tous ces sujets avec les uns et les autres. Il est important aussi de savoir ce qu’en pensent les Israéliens, ce qu’en pensent les Américains.

Mais je sens que peut se dessiner, peut se décider, un accord politique. Je l’espère, mais je ne sais pas quand. Je dis simplement maintenant que le temps presse.

Q - Qu’est-ce qui bloque la solution ?

R - D’abord il faut se mettre d’accord sur le calendrier : cessation immédiate des hostilités, accord politique, donc cessez-le-feu durable, et à partir de là uniquement, une force internationale. Une force multinationale d’ailleurs qui serait sous mandat de l’ONU, dans laquelle le Secrétaire général des Nations unies jouerait le rôle principal. Ce serait une force dans laquelle les Français pourraient jouer un rôle.

Q - Est-ce que vous croyez que la solution serait acceptable sans un désarmement du Hezbollah ?

R - Dans les conditions politiques, figurent les accords de Taëf et la résolution 1559. Les accords de Taëf comprennent le désarmement des milices.

Q - Est-ce que le Hezbollah est une milice ou bien une résistance ?

R - En tout cas je sais que les membres du gouvernement libanais ont accepté cet accord de Taëf, ce qui veut donc dire qu’il y a un accord politique pour que l’objectif qui est celui du désarmement des milices puisse être atteint par des moyens politiques et non pas par des moyens militaires. Nous ne croyons pas à une solution purement militaire du conflit israélo-libanais, et en particulier s’agissant du désarmement des milices.

Q - Vous avez proposé une proposition française, vous ne vous attendez pas à une autre proposition. Américaine peut-être ?.

R - Nous souhaitons que cette résolution soit étudiée le plus vite possible. Ce qui est le cas d’ailleurs actuellement au moment où je vous parle. Nous souhaitons que cette résolution puisse être améliorée, pourquoi pas, par différents partenaires. Vous avez parlé des Américains, et il y a en d’autres. Simplement, il y a deux choses dont nous sommes très sûrs. C’est qu’il ne faut pas qu’il y ait un déploiement d’une force multinationale, même sous mandat de l’ONU, avant qu’il n’y ait un cessez-le-feu durable, c’est-à-dire avant un accord politique. Nous pensons également qu’il faut cesser le plus rapidement possible, immédiatement les hostilités.

Q - Vous ne croyez pas que le projet de solution permet au Hezbollah, avec l’arrêt la fin des hostilités, une position plus favorable au niveau du dialogue national ?

R - Nous pensons depuis le début que le dialogue national est une bonne chose. Il faudra savoir, concernant le désarmement des milices, ce que cela veut dire exactement. Est-ce que dans le cas du dialogue national, de la défense nationale du Liban, il n’y a pas des solutions à trouver ? Ce sont des solutions, encore une fois, qui devraient être trouvées entre le gouvernement libanais et le Hezbollah. Nous avons toujours prêché pour la souveraineté garantie de l’Etat libanais, pour son indépendance et son intégrité territoriale. C’est la voix de la France depuis toujours, celle du président de la République, Jacques Chirac en particulier. Il l’avait dit au sujet de l’Irak. On voit bien que cela ne sert à rien de piétiner une souveraineté. Et d’ailleurs, permettez-moi de vous dire que la communauté internationale, et en particulier Israël, ont tout intérêt à parler avec un gouvernement libanais fort, comme ils ont intérêt à parler avec une Autorité palestinienne forte. Car sinon, on se trouve d’un côté face au Hamas, de l’autre côté, au Hezbollah.

Q - Des analystes politiques voient dans le conflit actuel, une opposition entre deux projets régionaux . Le nouveau Moyen-Orient et les ambitions iraniennes et même ce que l’on appelle le croissant chiite. Qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que ce que vous proposez n’est pas à mi-chemin entre les deux, surtout vous reconnaissez l’important rôle iranien ?

R - Je crois que tous les acteurs de cette région, la communauté internationale en général, reconnaissent que l’Iran est un acteur principal de la région. Ce qu’il ne faudrait pas, c’est que le Liban soit déstabilisé. Car si le Liban est déstabilisé, personne n’a à y gagner, et en tout cas pas Israël. Si le Liban est déstabilisé, la région peut l’être et au-delà de la région, il peut y avoir un conflit un jour entre le monde musulman et l’Occident. Ce serait terrible, dramatique. Ce serait une sorte de guerre de civilisations, de guerre des cultures que la France, par les valeurs universelles qu’elle porte, ne peut accepter. Jusqu’au dernier moment par des moyens diplomatiques, par des moyens politiques, la France fera tout pour l’éviter.

Q - Une dernière question, on a entendu parler que le projet de solution commun entre la France et l’Amérique a été entravé. Pour quelle raison ?

R - Il y a un projet de résolution au Conseil de sécurité des Nations unies que la France a présenté, il y a quelques heures. Nous faisons circuler ce projet de résolution maintenant auprès de nos partenaires, y compris nos partenaires américains, et nous avons hâte au contraire d’entendre ce qu’ils en pensent. Et je suis sûr qu’on pourra enrichir cette résolution par les arguments des uns et des autres, et pourquoi pas par ceux des Américains./.

Source
France (ministère des Affaires étrangères)