Q - Merci d’être avec nous. Alors, est-ce que notre pays va tenir un rôle central dans cette force internationale renforcée ?

R - Vous le voyez, depuis le début de cette crise, notre pays essaie, effectivement, de jouer son rôle, je dirais un peu traditionnel, au Liban, mais même au-delà qui est d’essayer de protéger les populations civiles et de mettre fin à des crises.

Q - Concrètement, combien d’hommes seront envoyés ? Combien de Français seront envoyés là-bas ?

R - Alors, si vous me permettez, je vais vous dire, la question, aujourd’hui, ça n’est pas "combien ?" et "quand ?", c’est "pourquoi faire ?" et "comment ?" Le reportage que vous venez de montrer souligne bien que, quand on envoie une force, sans que sa mission soit très précise, sans que ses moyens soient adaptés et soient suffisamment importants, cela peut se transformer en catastrophe, y compris pour les militaires que nous envoyons. Il n’est pas question…

Q - Alors, la mission telle que vous la voyez, telle que la France la voit, elle consiste en quoi cette mission ?

R - Cette mission, elle nous est fixée par l’ONU. Elle nous est fixée par la résolution et par le mandat de l’ONU.

Q - Mais, il y a beaucoup de flou dans l’interprétation.

R - C’est exactement ça, c’est-à-dire que ce mandat est aujourd’hui quelque chose de flou. Il doit être ensuite décomposé en missions, en règles de commandement, en règles d’intervention, en capacités juridiques et matérielles de pouvoir intervenir concrètement sur le terrain. Donc, c’est une fois que les missions ont été fixées, que les moyens, y compris les règles d’engagement seront fixées, qu’à ce moment-là il faudra faire ce qu’on appelle la "génération de force", c’est-à-dire voir quels sont les pays qui interviennent et à quel niveau. Ce que je veux commencer par vous rappeler - vous en avez dit un mot tout à l’heure - c’est que, d’ores et déjà, la France est dans la FINUL actuelle, nous y sommes depuis 1978. D’autre part, nous en assurons aujourd’hui le commandement et nous allons continuer d’assurer ce commandement. Nous sommes prêts à le faire jusqu’au mois de février prochain, y compris pour la FINUL élargie. Je voudrais également rappeler une chose, c’est que, depuis le début de la crise, c’est l’armée française qui assure l’intégralité du ravitaillement de la FINUL et ceci grâce aux 4 navires militaires, aux 2 avions et aux 8 hélicoptères que nous avons mis à disposition. Donc, nous sommes déjà extrêmement présents.

Q - Justement, on est très présent, mais il y a un sentiment souvent d’impuissance. Le général Pelligrini qui est à la tête des troupes ne le cache pas ce sentiment d’impuissance. On l’a vu au début du conflit. Alors, comment ne pas tomber dans une sorte de bourbier où, finalement, les hommes seraient des cibles, comme on l’a vu en Bosnie ?

R - Bien, je crois que la première des choses, c’est d’abord de tirer les conséquences de ce qui n’a pas marché jusqu’à présent, c’est-à-dire le fait d’avoir des missions imprécises. Le fait, par exemple, que la FINUL actuelle n’avait pas les moyens de renseignement qui lui permettait d’agir. Elle n’avait pas non plus les moyens matériels et les moyens d’engagement. C’est la raison pour laquelle nous demandons - et la France demande - à ce que les missions soient précises, à ce que les règles d’engagement soient bien fixées et à ce qu’il y ait de vrais moyens. Elle demande également… Et si je vous dis cela, c’est après m’en être entretenu très longuement avec le président de la République et avec le Premier ministre.

Ce qui est indispensable aussi, c’est qu’il y ait le maximum de pays européens qui participent à cette FINUL élargie et qu’il y ait aussi le maximum de représentants de pays musulmans. Alors, j’ai cru comprendre qu’un certain nombre d’entre eux avaient donné, d’ores et déjà, leur accord de principe pour participer et je pense en particulier à la Malaisie, à l’Indonésie et à Bruneï. J’ai cru comprendre, aussi, que nos amis turcs envisageaient de pouvoir y participer. Je pense que c’est une très bonne chose et qu’il y a, également, d’autres pays comme l’Australie qui sont prêts à participer à cette nouvelle FINUL, à cette nouvelle force de l’ONU.

Je crois que, ça, c’est aussi un élément de réussite qu’il n’y a pas toujours eu dans le passé. C’est la raison pour laquelle nous tenons absolument à ce que ce soit toute la communauté internationale qui s’exprime et qu’à aucun moment on ne puisse avoir l’impression que cette action va être celle du monde occidental contre le monde musulman. Non, ce que nous voulons, nous voulons agir pour que ce soit la paix contre la guerre.

Q - Mais, est-ce que vous voulez aussi que ces hommes aient les moyens de riposter en cas d’attaque ? Qu’ils aient les moyens de se défendre et d’être autre chose que ces cibles parfois au milieu de conflits qui…

R - Bien sûr ! Moi, je l’ai souvent dit, je l’ai même écrit. Malheureusement, trop souvent, les forces de l’ONU n’ont pas les moyens des missions qui leur sont demandées. Eh bien, je crois que c’est de la responsabilité de tous les responsables politiques, qu’ils soient nationaux ou qu’ils soient internationaux. Quand nous donnons des missions difficiles à des militaires, de leur donner aussi les moyens matériels et juridiques qui vont avec.

Q - Voilà, c’est ce que la France demandera notamment à l’ONU.

R - Absolument./.

Source
France (ministère de la Défense)