On trouvera ci-dessous le discours prononcé par le Vice-Secrétaire général de l’ONU, Mark Malloch Brown, à la Conférence internationale sur le Liban qui a lieu aujourd’hui à Stockholm :

Je tiens à adresser mes remerciements au Gouvernement suédois, qui nous accueille, et à vous tous aussi, qui êtes venus ici pratiquement au pied levé. Je vous prie d’excuser le fait que c’est moi qui vous parle, et non Kofi Annan ; comme vous le savez, il est sur place, dans la région, où il cherche une solution politique qui permette au Liban et à Israël d’avancer.

Malheureusement, c’est un nouvel épisode violent de l’histoire du Liban qui nous réunit. Après des dizaines d’années de guerre civile et d’instabilité, ce qui aurait dû être un été scintillant pour le Liban a fait place en un instant à un conflit aussi inattendu que malvenu. Alors qu’un nombre record de visiteurs étaient attendus, ce sont les bombes qui ont plu.

Les dégâts faits par la guerre sont terribles, et terriblement déprimants : les fruits d’années de patiente reconstruction anéantis en un éclair ; des immeubles, des quartiers et des équipements, auxquels il ne manquait parfois que la dernière touche, réduits en cendres une nouvelle fois.

Je suis heureux que tant de nations soient représentées ici. Je sais que si vous êtes des nôtres, c’est parce que vous êtes sensibles aux pertes humaines et matérielles qu’a subies le Liban, et parce que vous êtes, comme nous, déterminés à aider ce pays à se remettre le plus vite possible. C’est aussi parce que l’objet de notre réunion est d’aider le Liban non seulement à se reconstruire physiquement, mais aussi à triompher, spirituellement, des bombardements.

Le peuple et le Gouvernement libanais ont déjà reconstruit leur pays, ils y parviendront certainement à nouveau. Ils ne manquent ni des ingénieurs, des planificateurs et des entrepreneurs dont ils ont besoin, ni de l’esprit d’entreprise, de la volonté et de l’ambition nécessaires.

Ce qui ne veut pas dire qu’ils doivent être livrés à eux-mêmes. Ayant été incapable de mettre fin rapidement aux combats, la communauté internationale ne doit pas aggraver son cas aux yeux des Libanais en restant absente après le conflit.

Aujourd’hui, les Libanais attendent de cette conférence un signe que la communauté internationale est effectivement prête à les aider à reconstruire un Liban stable, indépendant, démocratique et prospère, en paix avec lui-même et avec ses voisins. À redonner vie à leurs cafés et à leurs restaurants, à refaire des rues de leurs villes un kaléidoscope harmonieux d’hommes et de femmes des différents groupes religieux et ethniques de la région.

Une double tâche nous attend : répondre aux besoins immédiats du Liban et, dans les semaines à venir, aider le Gouvernement à donner un démarrage énergique à son programme de relèvement, pendant que nous préparons une conférence internationale sur les besoins du pays à plus long terme.

Vous le savez, une fois que les hostilités ont cessé, l’action humanitaire est passée à la vitesse supérieure. Elle a été vigoureuse et efficace.

Bien que le blocus aérien et maritime israélien continue d’entraver les secours, ceux qui sont dans le besoin reçoivent en quantités de plus en plus importantes des articles de première nécessité : vivres, médicaments, couvertures et carburant. Ceux dont le logement a été détruit trouvent à s’abriter chez d’autres gens du lieu. Les munitions non explosées, dont des centaines de bombes-grappes lâchées les derniers jours du conflit, sont désamorcées pour que les villageois puissent rentrer chez eux sans danger et se remettre à travailler la terre.

Toutefois, il ne faut pas sous-estimer les effets du blocus sur l’économie civile libanaise, et donc aussi sur nos efforts. Apporter des secours à des gens en situation de blocus, c’est un peu comme les mettre sous respirateur alors qu’on leur écrase la trachée-artère. Il faut que le blocus prenne fin immédiatement et qu’une solution politique aux problèmes sous-jacents soit trouvée, sans quoi les secours risquent de se substituer à la vraie source d’oxygène que sont les investissements privés, lesquels n’arriveront pas si le risque de conflagration reste élevé.

Cela étant, la situation humanitaire s’est stabilisée et le Liban progresse rapidement vers les premiers stades du relèvement et de la reconstruction. L’appel éclair en faveur du Liban, dont mon collègue Jan Egeland vous parlera tout à l’heure, a été révisé en conséquence.

Si l’appel a pu être révisé comme il l’a été, c’est grâce à la remarquable unité nationale du peuple libanais. Pendant toute la durée du conflit, tous les Libanais ont soutenu leurs frères du sud et généreusement aidé les déplacés. Cet esprit de solidarité a permis d’éviter une catastrophe humanitaire.

C’est aussi ce qui explique que, sous la direction du Gouvernement, la phase humanitaire fasse déjà place à celle du relèvement et, à terme, de la reconstruction du pays.

Avec l’appui de l’ONU, le Gouvernement a institué au sein du cabinet du Premier Ministre une cellule de relèvement et de coordination, et il procède actuellement à une évaluation approfondie en vue de l’élaboration d’un plan de relèvement national à plus longue échéance.

C’est du relèvement immédiat que nous devons nous préoccuper de toute urgence. Nous devons, rapidement, soutenir les Libanais dans ce qu’ils font déjà eux-mêmes pour redonner un semblant de normalité à leur vie.

Nous devons aider ceux dont l’habitation a été détruite à obtenir des fonds et des matériaux, et ceux qui abritent d’autres personnes à agrandir leur logement. Nous devons aider à remettre les écoles en état pour l’année scolaire qui va commencer. Nous devons aider à dégager les routes couvertes de gravats et de débris et à rétablir les systèmes d’assainissement et d’approvisionnement en eau et en électricité.

Nous devons redonner aux gens les moyens de gagner leur vie en leur offrant des subventions en espèces, en leur prêtant de petites sommes, ou en mettant sur pied des programmes d’activités rémunérées. Nous devons soutenir les petites entreprises. Et nous devons nous concentrer sur le sud, la partie pauvre du pays. Quand je me suis rendu au Liban il y a quelques années, j’ai été frappé par l’écart entre le sud et Beyrouth sur le plan des revenus et des services disponibles. Cet écart doit être comblé sans plus tarder.

Nous devons aider à remettre l’environnement en état, de toute urgence, et surtout contenir la marée noire qui menace les côtes libanaises. Nous devons aider à réparer rapidement les principales installations municipales pour que les services sociaux locaux puissent reprendre.

Ce sont là quelques-uns des objectifs immédiats du plan d’amorçage du relèvement que nous vous présentons aujourd’hui. Élaboré par le Gouvernement en consultation avec l’ONU et la Banque mondiale, ce plan reflète les besoins des Libanais et leur volonté de prendre en main et de diriger eux-mêmes le relèvement.

C’est le Gouvernement qui prendra la tête d’un processus auquel participeront aussi le secteur privé, fort d’immenses capacités et d’une grande ingénuité, et la société civile, qui fait preuve d’une résilience extraordinaire.

S’il existe une consolation après l’horreur que le Liban vient de connaître, c’est dans tout le travail de reconstruction que ce pays a déjà accompli qu’elle réside. Les dirigeants, les ingénieurs, les planificateurs et les entrepreneurs libanais savent reconstruire, pour l’avoir déjà fait, et sont à nouveau prêts à le faire.

Le plus grand hommage à rendre à M. Hariri serait peut-être de refaire ce qu’il fit pour le Liban : mobiliser les énergies du secteur public et du secteur privé pour qu’ensemble, ceux-ci redonnent à Beyrouth et à une bonne partie du Liban l’infrastructure et le niveau de confort des grandes capitales et des pays les plus avancés.

En fait, bien des activités prévues par le plan d’amorçage du relèvement sont déjà en cours. Mais étant donné l’urgence et l’énormité de la tâche, l’appui de la communauté internationale sera déterminant tout au long du processus. Pour que la dynamique se maintienne, les fonds doivent continuer d’arriver.

La course contre la montre se poursuit. Le Gouvernement libanais est visiblement très attaché à un Liban souverain, fort et uni dont les citoyens puissent compter sur l’État pour les soutenir et assurer leur bien-être.

Le Premier Ministre, M. Siniora, et les membres de son cabinet ont pris ces derniers jours des décisions courageuses et inédites. Des décisions qui ont contribué à faire cesser les hostilités et ont renforcé le désir des citoyens de voir leur pays dirigé par une autorité centrale forte, capable et représentative. Mais en fin de compte, c’est à l’aune du succès ou de l’échec de l’actuel processus de relèvement que le Premier Ministre et son gouvernement seront jugés.

C’est pourquoi les semaines qui viennent seront cruciales. Si nous, les membres de la communauté internationale, nous ne soutenons pas le Liban aujourd’hui, nous aurons manqué à notre devoir vis-à-vis des Libanais, si courageux, et nous aurons laissé échapper l’occasion de les aider à se doter, comme ils y aspirent, d’un gouvernement stable, fort et démocratique qui ne laisse personne à l’écart et apporte son soutien à chacun, partout dans le pays.

Je tiens à remercier ceux qui se sont déjà manifestés : des pays comme l’Arabie saoudite, le Koweït et d’autres nations arabes, qui ont su donner généreusement au Liban dans le besoin ; les organisations internationales, dont l’appui fait une énorme différence, et les institutions de la société civile libanaise, héroïques, qui mobilisent les collectivités locales. Et surtout, je tiens à saluer la direction du Gouvernement libanais. Les efforts énormes qui ont été déployés pour secourir les Libanais et aider le pays à se relever n’auraient pas été possibles sans son sens de l’initiative et son ingénuité.

En conclusion, permettez-moi de revenir à la visite que j’ai faite au Liban, il y a plusieurs années, en tant qu’Administrateur du PNUD. M. Siniora était alors Ministre des finances. C’était une époque d’espoir sur les plans économique et politique. Un Liban unifié s’élevait au-dessus des divisions d’une guerre cruelle, porté par la croissance et par une vision du monde qui en faisait un phare pour la région ; il semblait apporter la preuve de ce que pouvaient donner la détermination et la tolérance, combinées à parts égales. Aujourd’hui, au-delà de l’aspect financier, nous sommes à Stockholm pour manifester notre solidarité, ainsi que pour affirmer notre attachement à ces deux valeurs fondamentales, qui doivent, une nouvelle fois, s’inscrire au centre de la reconstruction du Liban.

Source
ONU (secrétariat général)

Référence : ONU DSG/SM/295