Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères - La France a demandé la réunion à laquelle nous venons de participer, Catherine Colonna et moi-même. Et je voudrais d’emblée remercier la présidence finlandaise d’avoir accepté d’organiser cette réunion, et en particulier remercier M. Tuomioja, notre collègue finlandais.

Les Européens vont constituer la colonne vertébrale de la FINUL renforcée. Les Européens confirment et concrétisent leur engagement au service de la résolution 1701, qui est la résolution de la paix et de la stabilité du Liban et de la région.

Nous avons noté avec plaisir que, après l’annonce hier du président de la République française, il y a eu comme un effet levier, puisque l’Italie, l’Espagne, la Pologne, l’Allemagne, la Belgique, les pays nordiques ainsi que d’autres pays - vous le saurez tout à l’heure lors de la conférence de presse de la présidence - viennent rejoindre ceux qui contribuent à cette FINUL II, cette FINUL renforcée.

Nous avons fait part de cet engagement européen directement à Kofi Annan, Secrétaire général des Nations unies, qui a souhaité rencontrer l’Union européenne avant de partir dans la région. Il y part avec l’appui politique de l’Union européenne, et avec les moyens européens qu’il sollicitait.

Les Européens ne doivent pas être seuls. Nous souhaitons en particulier que des pays membres permanents du Conseil de sécurité s’engagent également, tout comme les pays musulmans, dont la présence enverra un signal important.

Vous le savez, la résolution 1701 vise à restaurer l’autorité du gouvernement libanais sur la totalité de son territoire et implique le retrait de l’armée israélienne et le déploiement de l’armée libanaise au Sud-Liban, appuyée par la FINUL renforcée.

Kofi Annan nous a confirmé que les règles d’engagement de la FINUL renforcée permettraient à cette force de se déployer dans les conditions d’efficacité et de sécurité que nous exigeons. Nous avions demandé des garanties, nous les avons obtenues, en particulier en ce qui concerne les règles d’engagement, les garanties de sécurité et la chaîne de commandement.

Dans ces conditions, j’ai confirmé, comme l’a dit le président de la République hier soir, que la France avait décidé de prendre toute sa part au renforcement de la FINUL en mettant à disposition des Nations unies deux bataillons supplémentaires. Il y aura donc au total 2.000 soldats français sous casque bleu au Liban.

J’ajoute que le président a souhaité également que perdure l’opération "Baliste" de 1.700 hommes, qui sont aujourd’hui sur les bâtiments de la Marine nationale au large du Liban. Nous souhaitons simplement que le travail de ravitaillement que les Français effectuent aujourd’hui puisse être remplacé par d’autres prochainement.

J’ai ajouté qu’il sera nécessaire de faire le point dans six mois et de réexaminer les modalités des différentes contributions.

Au cours de la discussion, j’ai également rappelé que le rétablissement de la pleine souveraineté du Liban sur son territoire supposait la levée du blocus maritime et aérien israélien à l’encontre du Liban et la mise en œuvre, bien sûr, de l’embargo sur les livraisons d’armes à destination du Liban. Il faut qu’à terme, on aboutisse à un désarmement des milices.

J’ai aussi attiré l’attention de mes collègues sur l’impérieuse nécessité d’aider le Liban à se reconstruire et les Libanais à retrouver des conditions de vie décentes. Nous ne pouvons laisser le monopole de l’aide aux populations aux forces les plus radicales. Tous les partenaires concernés doivent prendre leur part de responsabilité. La France et l’Europe apporteront leur contribution. La conférence de Stockholm, qui aura lieu le 31 août, y sera d’ailleurs consacrée. Mais je voudrais aussi souligner devant vous le fait que d’autres pays, en particulier ceux du Golfe, doivent aussi contribuer à cet effort collectif. Il est nécessaire qu’ils assument cette importante responsabilité en vue de la stabilisation de la région.

J’ai enfin redit à mes collègues que toutes ces préoccupations à court terme, bien qu’essentielles ne pouvaient suffire. Il est plus que jamais temps de nous lancer dans une réflexion globale sur la situation régionale et reprendre les efforts en vue d’une solution globale au conflit israélo-arabe, tout particulièrement au conflit israélo-palestinien, qui connaît actuellement une violence de plus en plus importante et une situation humanitaire de plus en plus préoccupante. C’est un sujet que nous devrions aborder entre Européens au Gymnich de la semaine prochaine.

Catherine Colonna, ministre dékguée aux Affaires européennes - J’ajouterai un seul commentaire à ce que vient de dire Philippe Douste-Blazy. Il est évident que l’Europe à un rôle à jouer dans cette opération, dans une région dont la stabilité la concerne. Il était donc important que l’Union européenne puisse aujourd’hui confirmer son soutien à la mise en œuvre de la résolution 1701 et manifester ce soutien par l’annonce de gestes concrets. C’est ce qu’elle a fait et je veux donc simplement souligner devant vous que l’Europe aujourd’hui a pris toutes ses responsabilités. Nous souhaitons qu’elle ne soit pas la seule à le faire et qu’en effet d’autres sachent le faire.

Q - Avez vous parlé de délais pour le déploiement des contributions européennes ?

R - Le ministre - Chaque pays va être responsable du déploiement de ses forces. Comme vous l’avez vu, il y aura d’un côté le déploiement de forces terrestres - c’est dans ce cadre que la France va intervenir, tout comme d’ailleurs l’Italie et l’Espagne - et puis il y a d’autres pays qui interviendront sur le plan plutôt du support maritime - je prends par exemple le cas de l’Allemagne, de pays nordiques, ou d’autres. Chaque pays aura son rythme de déploiement. Ce que je peux dire c’est que la France enverra très vite, dans les semaines qui viennent, d’abord un premier bataillon, puis un deuxième bataillon. La ministre de la Défense précisera cela au jour près.

Q - A propos du commandement de la FINUL.

R - Le ministre - C’est au Secrétaire général des Nations unies de le dire. Comme vous le savez, le commandement est actuellement celui du général Alain Pellegrini, qui est Français. Il continuera à commander la FINUL renforcée jusqu’en février et, ensuite, le Secrétaire général choisira. Peut-être son choix ira-t-il alors vers l’Italie.

R - La ministre déléguée - Il vous fera sans doute part de ses intentions tout à l’heure.

Q - A propos des effectifs de la FINUL renforcée.

R - Le ministre - Nous avons voté dans la nuit du 11 août à New York la résolution 1701 qui prévoit une FINUL renforcée. Dans le cadre du renforcement de la FINUL, le chiffre maximal, plafond, de 15.000 hommes, a été donné. Maintenant, c’est la situation sur le terrain qui nous permettra de savoir combien d’hommes il faut véritablement sur le terrain. Je crois qu’avec ce type d’engagement, déjà, rien qu’autour de la table, nous sommes à 6500-7000 soldats sur le terrain, ce qui veut dire que la colonne vertébrale de la FINUL renforcée sera européenne. Ensuite, faudra-t-il arriver jusqu’au chiffre plafond, c’est le terrain qui nous le dira. En tout cas, je pense que ce ne sera pas le cas.

Q - A propos du désarmement du Hezbollah.

R - Le ministre - Comme vous le savez, la résolution 1701 prévoit le désarmement des milices en rappelant, dans le corps de la résolution, à la fois la résolution 1559 et les accords de Taëf qui ne sont que la version nationale libanaise de la résolution 1559. Nous sommes les coauteurs de la résolution 1559 et notre objectif est clair, c’est le désarmement des milices et du Hezbollah. La méthode, pour nous, est politique. C’est donc aux forces intra-libanaises d’arriver, par un accord politique au désarmement du Hezbollah, parce que nous n’avons jamais cru - et l’expérience militaire israélienne récente le montre - qu’une solution purement militaire est possible pour désarmer le Hezbollah. La seule solution est, en effet, politique.

Je me permets d’ajouter que lors les quatre visites que j’ai faites à Beyrouth durant le dernier mois, j’ai été marqué par une chose, c’est la volonté d’unité de la coalition gouvernementale présidée par Fouad Siniora. Le 16 août au soir, il y a eu une unanimité au conseil des ministres libanais pour dire qu’ils étaient d’accord sur la résolution 1701, sur le déploiement de l’armée libanaise au sud. Or c’est un fait politique absolument majeur car, jusque là, depuis l’an 2000, cette partie du Sud-Liban était contrôlée, comme on le sait, par le Hezbollah. Il y a là, me semble-t-il, un fait politique important. Au conseil des ministres, il y a deux ministres proches du Hezbollah, celui du Travail et celui des Affaires étrangères. Donc je crois pouvoir répondre à votre question comme cela.

Q - A propos de possibles difficultés avec l’Italie.

R - Le ministre - Pas du tout. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec l’Italie depuis le début. Je m’étais rendu, d’ailleurs, à la Conférence de Rome, où j’avais demandé très fortement la cessation immédiate des hostilités - c’était l’époque du calendrier diplomatique français en trois temps. Nous avons travaillé la main dans la main avec l’Italie depuis le début et, d’ailleurs, nous avons demandé, exactement comme l’Italie, les mêmes garanties au Secrétaire général des Nations unies concernant nos armées. J’ai lu, ici où là, qu’il y avait eu une sorte de changement de cap. Tout cela est totalement faux. Depuis le début, la France soutient la paix. Dans un premier temps, sur le plan diplomatique, en faisant voter la résolution 1701 qui prévoit le renforcement de la FINUL.

Dans un deuxième temps, sur le plan militaire : il y a une demande d’urgence de renforcement de la FINUL et c’est la France qui est le premier pays, et le seul, à l’avoir renforcée en urgence avec 200 hommes qui se sont ajoutés aux 200 premiers déjà présents dans la FINUL. C’est la France qui ravitaille la FINUL avec les 1.700 hommes de l’opération "Baliste". Simplement, nous avons demandé, comme c’est une résolution sous chapitre VI, des garanties en termes de commandement, en termes de règles d’engagement, en termes de garanties de sécurité, et c’est normal. Le chef de l’Etat, qui est le chef des Armées, se devait de demander des garanties. Nous avons obtenu ces garanties dans ces conditions et le président de la République a décidé d’envoyer 1.600 hommes de plus.

Q – Pouvez-vous détailler un peu plus ces garanties ?

R - Le ministre - Je ne vais pas trop entrer dans le détail sur les garanties de sécurité ou alors nous y passerons trop de temps. Plutôt que de faire un long listing - tout le monde l’a lu, il s’agit de légitime défense, tomber sur des gens armés qui veulent tirer et que l’on peut désarmer - il y a un élément qu’il me paraît important de souligner parce que c’est une grande novation. C’est la France qui l’a demandé et c’est la France qui l’a obtenu et je pense que c’est un tournant dans les opérations de maintien de la paix. Nous avions demandé une chaîne de commandement courte et, surtout, nous avions demandé à qui devait-on référer au niveau de l’ONU parce qu’on commande la FINUL. Là, pour la première fois, le général Pellegrini qui commande la FINUL renforcée, réfèrera également à un militaire, un général de corps d’armées, ce qui permettra aussi d’avoir des réactions plus rapides et de ne pas revenir aux errements du passé, sans citer d’exemples précis./.

Source
France (ministère des Affaires étrangères)