L’histoire le montre, les Etats fauteurs de guerre se sont toujours efforcés de tromper l’opinion sur les raisons et causes de leur agression. Un exemple parmi d’autres est la fausse attaque de la station de radio de Gleiwitz, organisée par les Nazis, qui fut le prétexte de l’attaque de la Pologne et marqua ainsi le début de la Deuxième Guerre Mondiale. Ou encore « l’incident » de la Baie de Tonkin qui fut fabriqué par les États-Unis afin d’avoir un prétexte pour envahir le Vietnam. Ou, plus récemment, la falsification des preuves concernant les soi-disant armes de destruction massive de Saddam Hussein et qui permirent à l’administration états-uniennes, aux mains maculées de pétrole et de sang, de dépecer l’Irak et de s’emparer de ses ressources pétrolières.

Israël vient d’apporter sa contribution à cette pyromanie mondiale, organisée par « l’Internationale démocratique » et menée avec un entrain redoublé depuis que Bush junior et ses comparses sont au pouvoir. Les raisons de l’attaque israélienne sont multiples : depuis des années, Israël s’efforce, avec l’aide active des États-Unis, de balkaniser le Moyen-Orient afin de garantir son hégémonie vis à vis de ses voisins arabes, toujours présentés comme « menaçant l’existence de l’État hébreu » . Dans cette stratégie, l’État d’Israël s’est fixé, entre autres « objectifs stratégiques » , de sécuriser sa frontière au Nord et d’éliminer définitivement la résistance libanaise du Hezbollah, qui garde la frontière côté libanais.

La pseudo « Révolution des Cèdres » au Liban n’a pas profité à Israël ; le nouveau gouvernement à Beyrouth est faible et s’avère incapable de répondre aux exigences de l’administration états-unienne et à celles du gouvernement de Tel-Aviv. Il est notamment incapable de désarmer véritablement la milice chiite. Au contraire.

Par ailleurs, peu avant le début de la guerre, Israël se retrouvait dans la situation d’un boxeur K.O., allongé sur le ring. En effet, des preuves avaient été découvertes par les Libanais qui démontraient que les services secrets de l’État hébreu étaient activement impliqués dans des activités terroristes au Liban : notamment des attentats à la bombe, des voitures piégées et des assassinats de cadres palestiniens et d’élus du Hezbollah. Par ailleurs un faisceau d’indices était mis au jour et qui semblait désigner Israël et non la Syrie comme étant l’instigateur de l’attentat sanglant qui avait coûté la vie à l’ancien Premiers ministre libanais, Rafic Hariri.

Le fait que cette guerre, pourtant planifiée de longue date par Israël, ait été déclenchée dans l’urgence face aux découvertes embarrassantes des Libanais et qu’elle se soit muée en une débâcle pour l’agresseur n’a finalement pas beaucoup d’importance. Elle aura au moins prouvé une chose : la guerre menée par la machine militaire surpuissante contre le Liban est représentative des futures batailles du XXIème siècle, menées sans complexes et avec une cruauté criminelle. On cible désormais la population civile avec des actes de terreur et on détruit sciemment des infrastructures vitales afin de faire souffrir la population et la briser. Ni « l’Internationale démocratique » ni l’ONU se sont véritablement opposés à la punition collective imposée aux Libanais. Ils restèrent muets face aux innombrables bombardements d’infrastructures civiles, d’usines de lait en poudre, d’écoles, d’hôpitaux, d’ambulances, de convois de réfugiés, de voitures individuelles ou de motocyclettes, de quartiers d’habitation densément peuplés ainsi que la quasi totalité des routes et ponts autoroutiers du pays. Bien au contraire, les politiques des États-Unis et l’Union européenne, dont la Première Ministre allemande Angela Merkel, accordèrent indirectement un blanc-seing à l’agresseur israélien en refusant de mentionner, et encore moins de condamner, l’utilisation par Israël d’armes interdites par la communauté internationale, par exemple que des obus au phosphore, des bombes à sous munitions et apparemment également des obus contenant de l’uranium appauvri.

L’opération commando israélienne

Quelques jours après que le ministre israélien de la Défense, Amir Peretz ait poussé son cri de guerre et ordonné, le 12. juillet 2006 à son aviation de « détruire les villages du Hezbollah ainsi que l’infrastructure du Liban » , le Premier ministre libanais, Fouad Siniora a pu constater que ce n’était pas le Hezbollah mais son pays qui avait été détruit. A Tel-Aviv on a pris pour prétexte la capture des soldats Ehud Goldwasser et Eldad Regev par la milice chiite, au matin du 12 juillet, pour déclencher sans attendre une guerre dévastatrice et sans aucun égard pour les vies innocentes.

Que s’est il exactement passé ce jour là ? Ce mercredi, à 9h05 exactement, un communiqué de l’organisation résistante, lu sur l’antenne de la station de télévision du Hezbollah, Al Manar, annonçait que, ses « soldats ont attaqué une patrouille israélienne près de la frontière et fait prisonnier deux soldats. » Hassan Sayyed Nasrallah, chef de la milice chiite, expliqua que « cette opération était planifiée depuis 5 mois » par son organisation. Comme l’explique Philip Abi Akl dans le journal conservateur libanais Daily Star, la milice affirmait vouloir, par cette action, « tenir une promesse vis à vis du peuple libanais. L’enlèvement permettrait d’échanger les soldats israéliens contre des prisonniers libanais retenus en Israël » [1]. Le Dr. Mazin Qumsiyeh, ancien enseignant à la Duke & Yale University, et auteur du livre Partage de la terre de Canaan précise : « Le Hezbollah est un mouvement libanais de résistance armée, fondé après l’invasion israélienne du Liban en 1982. Il est important de rappeler, pour ceux qui auraient la mémoire courte, que - pour la seule année 1982 - des dizaines de milliers de Libanais et de Palestiniens (ces derniers étant déjà des réfugiés de la guerre israélienne de 1948) furent assassinés par les troupes d’occupation israéliennes dans le Sud du Liban. Le Hezbollah a connu une grande popularité et obtenu le soutien d’une bonne partie de la population libanaise (y compris chez les chrétiens) à cause de sa victoire sur la brutale machine militaire d’occupation israélienne, victoire ayant permis de chasser Israël et ses vassaux de la plus grande partie du territoire libanais. Bien sûr, Israël continue d’occuper illégalement Gaza, la Cisjordanie (y compris Jérusalem-Est), les « fermes de Chebaa » ainsi que le plateau du Golan. De la même manière Israël continue à s’opposer au droit international en interdisant aux réfugiés palestiniens de retourner dans leurs maisons et de retrouver leurs terres. Plus important encore : l’armée israélienne continue a garder prisonniers de très nombreux citoyens libanais ainsi que plus de 10.000 prisonnier politiques palestiniens. L’histoire des enlèvements de Libanais et de Palestiniens par Israël remonte à loin. Par ailleurs ces prisonniers sont régulièrement torturés. » [2].

Le Hezbollah lui même n’a donné aucune indication quand au lieu de l’enlèvement. Ce n’est que le lendemain de l’enlèvement que l’AFP indique : « Aux dires de la police libanaise, les deux soldats ont été faits prisonniers sur territoire libanais, dans la région de Aïta Al-Chaab, proche de la frontière israélienne, région qui avait été la cible d’une incursion de l’unité israélienne tôt dans la matinée. » La lettre d’information française Réseau Voltaire indique de son côté, « De manière délibérée, Tsahal (l’armée israélienne) a envoyé un commando dans l’arrière-pays libanais à Aïta al Chaab. Il a été attaqué par le Hezbollah, faisant deux prisonniers. Israël a alors feint d’être agressé et a attaqué le Liban » [3]. Le quotidien italien La Reppublica cite des sources au sein du Hezbollah pour affirmer que « la capture a eu lieu dans la zone Aïta Al Chaab, non loin du village Zarit » , les deux se situant au Liban. Les Français dénoncent par ailleurs le fait que, « à la demande du colonel Sima Vaknin-Gil, chef de la censure militaire israélienne, la presse occidentale a accepté de relayer une version tronquée des événements survenus ces derniers jours au Proche-Orient. (...) Sur injonction de la censure militaire israélienne, les agences de presse et médias ayant des journalistes accrédités en Israël ont renoncé à informer leurs lecteurs du lieu où les soldats israéliens ont été faits prisonniers » . La journaliste suisse Silvia Cattori, travaillant pour le Réseau Voltaire s’est vue enlever son accréditation de travail en Israël pour avoir refusé de d’obéir aux consignes de la censure militaire » [4].

Mais, pour le Premier ministre israélien Ehud Olmert les soldats ont été enlevés sur territoire israélien. « Les évènements de ce matin ne sont pas une attaque terroriste, mais l’action d’un État souverain qui a attaqué Israël sans raison. Le Liban en paiera le prix » a t’il menacé lors d’une conférence de presse en présence du premier ministre japonais Junichiro Koizumi tout en annonçant une riposte « très douloureuse et très étendue » . Son ministre de la Défense Amir Peretz et les services secrets avaient de toute évidence prévu le coup depuis longtemps et tout préparé. C’est la raison pour laquelle, le jour même de l’enlèvement des deux soldats, le 12 juillet, l’armée israélienne envahit le Liban tandis que la rapide mobilisation des réservistes et l’extension des opérations démontrent clairement qu’Israël avait tout planifié longtemps à l’avance, et ne réagissait donc pas simplement à l’enlèvement de ses deux soldats. Outre les bombardement extrêmement ciblés - qui montrent à quel point les services israéliens et leurs collaborateurs sur le terrain avaient repéré les cibles au Liban, l’armée israélienne disposait par ailleurs des coordonnées détaillées de chaque restaurant, de chaque usine de savon, de chaque école, le tout repéré depuis longtemps en prévision de cette guerre. Peretz savait parfaitement ce qu’il disait quand il menaçait de « ramener le Liban 50 ans en arrière » avec ses bombardement. Ce n’étaient pas des paroles de vantard, il savait qu’il en avait les moyens [5].

Le Liban : une guerre préparée en laboratoire

« De toutes les guerres qu’Israël a menées depuis 1948, celle-ci [contre le Liban] est la seule pour laquelle le pays était parfaitement préparé » , a déclaré Gerald Steinberg, professeur d’études politiques à l’université Bar-Ilan de Ramat Gan, quelques jours après le début du conflit. Cet universitaire, qui travaille pour le ministère israélien des Affaires étrangères et de la Sécurité nationale, ajoute : « Dans un certain sens, les préparatifs ont débuté dès le mois de mai 2000, juste après le retrait israélien [du Liban]. En 2004 la campagne militaire, prévue pour une durée de trois semaines et à laquelle nous assistons en ce moment, était déjà planifiée et a été simulée et testée en laboratoire depuis un ou deux ans. » . [6].

Matthew Kalman confirme ces dires le 21 juillet 2006 dans le San Francisco Chronicle : « Il y a plus d’un an, un haut gradé de l’armée israélienne a commencé à présenter à des diplomates, des journalistes et des think tanks états-uniens et autres, des simulations PowerPoint non destinées au public et comportant des détails révélateurs de l’opération actuellement en cours. » L’identité de ce gradé, selon Kalman, a été tenue secrète. Ce militaire a présenté les plans d’une « campagne de trois semaines » contre le Liban en ces termes : « La première semaine sera consacrée à la destruction des roquettes puissantes et de longue portée du Hezbollah, au bombardement du poste de commandement et de contrôle et à rendre impraticables les grands axes de transport et de communication du pays. La deuxième semaine devra être principalement consacrée aux attaques contre des localités abritant des rampes de lancement de missiles ou des dépôts d’armes. La troisième semaine, on enverra un effectif plus important de forces terrestres […] pour détruire les cibles repérées au cours des missions de reconnaissance [...] Par contre il n’est pas prévu d’occuper à nouveau le Sud-Liban pour une longue période. » .

Moshé Marzuk, un ancien membre des Services secrets militaires israéliens, aujourd’hui chercheur à l’Institut du contre-terrorisme d’Herzlia, ajoute : « Israël a tiré les leçons des guerres précédentes au Liban, en Cisjordanie et à Gaza, tout comme des expériences des États-Unis en Afghanistan et en Irak : l’armée à compris qu’un campagne militaire classique serait inefficace » . Néanmoins, cela faisait dix ans qu’Israël projetait d’attaquer à nouveau le Liban, quelle que soit la stratégie employée [7]

Clean Break – Déclaration de guerre à l’Orient arabe

Wayne Madsen, un ancien agent de la NSA, une des agences de renseignement états-unienne, écrivait le 22 juillet 2006 : « Les 17 et 18 juin 2006, au cours d’une conférence de l’American Enterprise Institute (néo-conservateur), à Beaver Creek. (Colorado), l’ancien Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahu, Nathan Sharansky [8], un membre de la Knesset et le vice-président des États-Unis Dick Cheney sont tombés d’accord pour envahir le Liban » Cheney « a donné son feu vert » poursuit Wayne Madsen. Netanyahu est retourné en Israël où il a fait part, « au cours d’une rencontre entre anciens Premiers ministres, du soutien de l’administration Bush » [9]

La rencontre entre Cheney et Netanyahu, rapportée par Madsen présente un caractère quelque peu explosif. En 1996, le Study Group on a New Israeli Strategy Toward 2000, un groupe de néo-conservateurs américains du think tank privé The Institute for Advanced Strategy and Political Studies, avait élaboré pour Netanyahu, alors Premier ministre israélien, le projet tristement célèbre A Clean Break : A New Strategy for Securing the Realm [10].

Dans ce pamphlet militariste, les stratèges néo-conservateurs exhortaient Israël à dénoncer l’intégralité des accords de paix d’Oslo avec les Palestiniens, à envahir les territoires autonomes et à « attaquer le Hezbollah, la Syrie et l’Iran, les trois principaux agresseurs du Liban » . Le groupe qui avait rédigé le pamphlet était supervisé par Cheney et dirigé par Richard Perle, surnommé le « prince des ténèbres » , membre du premier gouvernement de Bush Jr et l’un des pires fauteurs de guerre lors de la préparation de l’invasion de l’Irak. Parmi les rédacteurs figuraient d’autres membres du cabinet Cheney, tels que Douglas Feith et David Wurmser ; toutes ces personnes sont également membres du fameux « Golden Circle » , qui regroupe les dirigeants de l’United States Committee for a Free Lebanon (SCFL), une officine dont nous aurons l’occasion de reparler.

Le Clean Break affirme : « La Syrie menace Israël depuis le territoire libanais. Israël devrait attaquer le Hezbollah, la Syrie ainsi que l’Iran, qui sont les principaux agresseurs du Liban : mener des attaques contre les installations militaires syriennes au Liban et, si cela devait s’avérer inefficace, attaquer des objectifs ciblés en Syrie même » [11]. Israël doit en outre « utiliser les groupes d’opposition libanais pour affaiblir le pouvoir syrien au Liban » . Les groupes libanais, associés à Israël, pourraient « attaquer les objectifs militaires syriens présents sur leur territoire » ou « si cela devait s’avérer insuffisant » , Israël pourrait même « attaquer des objectifs ciblés en Syrie » et montrer ainsi que « le territoire syrien n’est plus considéré comme un sanctuaire » . Bien sûr il faut également renverser le régime de Saddam Hussein en Irak. Finalement un « nouveau Proche-Orient » devrait voir le jour, composé d’États affaiblis et morcelés, sans unité interne et dirigés par des marionnettes, tandis qu’Israël jouirait d’une hégémonie incontestée sur la région. Autrement dit, un projet qui ressemble énormément au « nouveau Proche-Orient » dont Condoleezza Rice, la secrétaire d’État des États-Unis, rêvait publiquement en juillet dernier, au début du conflit.

Ce genre de projets est tout à fait du goût de Daniel Pipes [12] directeur de la « revue de géopolitique renommée » Middle East Forum et thuriféraire anti-arabe patenté. Pipes s’évertue depuis des années à prêcher une politique états-unienne au Moyen-Orient orientée vers une solide alliance avec Israël, la Turquie et d’ » autres démocraties, si elles adviennent » , car pour lui, le Moyen-Orient est « une source majeure de problèmes pour les États-Unis à cause de la quantité prodigieuse de dictatures, d’idéologies radicales, de conflits existentiels et de frontières, de violence politique et d’armes de destruction massive qui s’y trouvent » . [13].

Une grande partie des membres du comité exécutif de ce forum semblent entretenir par ailleurs des liens étroits avec l’American Enterprise Institute de Cheney et Perle ainsi qu’avec l’United States Committee for a Free Lebanon (USCFL). Ziad K. Abdelnour, le président du comité et influent banquier de Wall Street (à une époque on le considérait comme un futur Ahmed Chalabi libanais), savait dès juillet 2002 que « le meilleur moyen pour les Libanais d’accéder à la paix passe par un alignement sur la politique états-unienne. ».

« Le règlement de la guerre au Liban ne se situe pas au Moyen-Orient. Ni au Liban. Ni même sur le sol libanais. Nous ne gagnerons jamais sur le sol libanais. Les cartes sont à Washington. » Depuis longtemps Abdelnour avait déclaré la guerre totale à son pays natal, un pays dont il disait que « c’est un État -Gestapo, exactement comme la France sous l’occupation nazie allemande » [14]. Abdelnour et Pipes entretiennent des liens inquiétants ; ils ont publié ensemble, en mai 2000, sous le titre « En finir avec l’occupation syrienne au Liban, le rôle des États-Unis » ( « Ending Syria’s Occupation of Lebanon : The U.S. Role » ) une étude élaborée dans le cadre d’un soi-disant Groupe d’études libanaises (Lebanon Study Group). Cette publication va-t’en-guerre milite pour une intervention militaire contre la Syrie afin de détruire les prétendues armes de destruction massive qui y seraient dissimulées et mettre fin à la présence militaire syrienne au Liban..

Des plans d’attaque prêts depuis 2004

Ziad K. Abdelnour souhaite débarasser le Liban de la Syrie - par quelle que manière que ce soit - et renverser le régime syrien afin de transformer la région en une zone économique capitaliste. Pour arriver à ces fins il semble qu’il entretienne depuis des années des contacts et des échanges avec des dirigeants et des responsables tant à Tel-Aviv qu’à Washington, qui lui fournissent des informations. Dans son livre sur l’affaire Hariri, paru en mars 2006 en Allemagne sous le titre Mordakte Hariri – Unterdrückte Spuren im Libanon , l’auteur de cet article publie un interview de Ziad K. Abdelnour, où ce dernier fait allusion à une montée de la menace de guerre :

Interview de Ziad K. Abdelnour, réalisé le 24. Dezember 2005 :

Q :En septembre 2003, vous teniez un discours très optimiste : « Au Liban, un millier de guerilleros libanais n’attendent qu’un signal (de votre part) pour lancer l’insurrection et repousser tant les Syriens, qui ont la haute main sur tous les leviers de la politique libanaise depuis une génération, que le Hezbollah, le groupe terroriste chiite qui s’est installé dans le Sud à partir de l’étroite zone qui longe la côte orientale de la Méditerranée. Tout ce dont nous avons besoin, c’est d’un soutien de l’aviation de guerre américaine. »

R : Je ne me souviens pas avoir jamais fait une telle déclaration et je me demande d’où vous tirez ces propos déformés.

Q :Vous avez même déclaré : « Cela ne durera pas trois semaines comme en Irak. Cela durera 48 heures. L’expulsion (des Syriens) devrait prendre encore 48 heures de plus. C’est un boulot soit pour les Israéliens, soit pour les Américains. » Pourquoi ceci devrait-il être un « boulot » pour les Israéliens ? Vous voulez dire l’Armée du Liban Sud (ALS), ou bien Tsahal (IDF), ou encore les deux ?
A : Pourquoi j’ai dit que c’était un boulot pour les Israéliens ? Eh bien, il est évident que ce sont soit les Américains soit les Israéliens qui auront à se charger de ce travail, dans un avenir assez proche.

Q : Votre hypothèse d’un « prise de contrôle en 48 heures » est erronée ; elle se fonde sur le scénario « soulèvement armé de la population et soutien aérien » , un scénario qui était également celui d’Ahmed Chalabi, l’ancien chef du Congrès national irakien. Ce scénario rencontre-t-il la même adhésion chez les hommes politiques états-uniens de premier plan ?

R : Mon hypothèse d’une prise de contrôle en 48 heures ? De quoi parlez-vous, je vous le demande ? C’est de la science-fiction que vous écrivez, c’est un livre de propagande politique, qu’est-ce que vous écrivez au juste ? Ca me dépasse là, vraiment. [15]

Q :Ces propos de votre part figurent dans une interview que vous avez accordée en septembre 2003 à Mr. Spencer Ackerman et dans laquelle vous avez ébruité ce plan. Je vous ai déjà fait parvenir la version intégrale de cet entretien. [16]

R : Toutes ces sources (articles de journaux) que vous citez proviennent de journalistes libéraux ou de gauche bien connus qui tournent les choses de telle manière qu’en fin de compte elles plaisent à leurs patrons... c’est de la daube, de la pure propagande, mon cher . [17]

Commentaire de Spencer Ackermann : « Il est étonnant d’entendre Ziad dire qu’il n’a aucun souvenir de ces citations. Je suis absolument certain du contraire. De fait, quand l’article est paru en 2003 dans le journal New York Press, il m’a écrit pour me dire qu’il le considérait comme incisif mais néanmoins objectif — pour autant que je sache, il n’en a jamais contesté un seul mot auprès de moi ni de qui que ce soit au journal. En tout cas, je voudrais que ce soit bien clair : le ton de mon article était ironique, mais lors des événements des années 2002 et 2003, au moment où j’ai interviewé Ziad, il souhaitait très sérieusement se trouver à la pointe de la lutte pour libérer le Liban de la Syrie. » [18]

Six mois plus tard, la libération du Liban se faisant attendre, Abdelnour réconforte ses acolytes en leur faisant part d’informations qui circulent au sein d’un réseau confidentiel regroupant des Libanais exilés, des néoconservateurs états-uniens, des politiciens et des lobbyistes de l’administration Bush. Ci-dessous quelques unes de ces informations, peu nombreuses mais révélatrices, que le banquier politicien avait envoyé à ses amis :

De : « Ziad K. Abdelnour »
Date : Mon Apr 26, 2004 2:44 am
Je t’assure que cette administration avance à toute vapeur contre LES DEUX, la Syrie et l’Iran. J’ai eu pas moins de trois discussions privées à ce sujet avec le président et des personnalités-clés de son administration.
Meilleures salutations,
ZKA

De : « Ziad K. Abdelnour »
Date : Sat Sep 4, 2004 7:34 pm
Les jours de la Syrie au Liban sont comptés. Comme nous le disons depuis quelque temps déjà au sein de l’USCFL (United States Committee for a Free Lebanon), il n’y a pas d’autre voie que la manière forte... La force est en marche. Le Hezbollah et la Syrie, l’un comme l’autre, peuvent déjà considérer que leur grande aventure libanaise tire à sa fin, ils vont en déguerpir sous peu. Observez attentivement ce qui va se passer prochainement et souvenez-vous de ce que je vous ai dit aujourd’hui.
ZKA

De : « Ziad K. Abdelnour »
Date : Sun Sep 5, 2004 12:45 am
Commencer par l’Iran, puis redescendre la filière jusqu’au Hezbollah en passant par la Syrie. Je ne peux vraiment pas vous révéler qui va provoquer l’Iran, je trahirais l’effet de surprise ; mais je peux vous assurer qu’ils seront mis en pièces tous les trois, en commençant par l’Iran. Les plans sont déjà échafaudés.
Oui, nous allons vivre un scénario très sombre et ce sera le chapitre II de la campagne de Bush... Pas étonnant que toutes les gauches et les Arabes soient furibonds... Vous savez bien... ou au moins vous vous doutez bien de ce qui se joue ici.
Franchement, je préfère encore avoir une deuxième guerre civile au Liban que de continuer dans le statu quo actuel...Avec Bush au pouvoir, c’est garanti à 100 %. Les plans sont prêts, la tactique et la stratégie aussi.

Suite de l’interview de Ziad K. Abdelnour les 24. et 25 décembre 2005 :

Q :Après la révolution dite « des cèdres » et les premières élections « démocratiques » de mai et juin 2005, le Liban a enfin accédé au statut d’État libre. Vous pouvez donc vous retirer, vous et tous les autres, et vous concentrer sur vos projets économiques !

R : Le Liban est un pays libre depuis mai-juin ? Etes-vous sûr que nous parlons du même Liban ? On y trouve encore quantité d’agents des services secrets syriens, pleinement tolérés par le président Lahoud. Ils sont présents à tous les niveaux, jusqu’au plus petit sous-lieutenant des services secrets libanais ; ils contrôlent la moindre facette de la scène politique libanaise, ils orchestrent en permanence des attentats de grande ampleur... comme ceux contre le premier ministre Hariri, contre Samir Kassir, contre Gebran Tuesni, etc. Et vous parlez de liberté ? Il en va de même pour le Hezbollah, qui n’en fait qu’à sa tête et retient le pays en otage tout en l’inondant de tentatives d’intimidation et de propagande mensongère. Tant que le régime syrien n’aura pas été remplacé, tant que l’infrastructure militaire du Hezbollah n’aura pas été démantelée, je crains que le Liban ne puisse accéder à la liberté. Je l’ai dit il y a plus de dix ans déjà, bien avant n’importe quel dirigeant libanais. Aujourd’hui, ils commencent tous à comprendre ; mais malheureusement, au prix d’un énorme gâchis humain et financier ! Et pourtant, je garde aujourd’hui encore une grande confiance dans l’âme libanaise et je suis persuadé que nous vaincrons... et bien plus tôt qu’on ne le croit. Que Dieu protège les États-Unis d’Amérique.

Q :Pouvez vous m’indiquer quelle est la voie qui permettrait au Liban de résoudre tous ses problèmes ? Le pays a un « nouveau » gouvernement suite à la révolution dite « des cèdres » . Mais c’est toujours la même équipe aux commandes, une équipe quelque peu usée, sans une seule nouvelle tête. Et en face il n’y a qu’une opposition narcissique. Comptez-vous tous les jeter à la mer ? Selon vous, qui est capable de conduire votre pays vers un avenir plus prometteur ? Joumblatt, Aoun, Siniora, Nasrallah, Berri, le blanc-bec Saad Hariri, Geagea, Pakradouni ? Pour ma part, je n’en ai pas la moindre idée. Et vous ?

R : Le Liban ne sera pas LIBRE tant que le régime syrien n’aura pas été remplacé et l’infrastructure militaire du Hezbollah mise hors d’état. Le Liban ne sera pas LIBRE tant que la vieille classe corrompue des politiciens libanais n’aura pas été dépossédée de son pouvoir, à commencer par le président Emile Lahoud. Le Liban ne sera pas LIBRE tant qu’on n’aura pas promulgué une loi donnant le droit de vote aux Libanais de la diaspora. Le Liban a des centaines, des milliers d’hommes d’affaires et de politiciens compétents, possédant le savoir-faire et les moyens nécessaires pour transformer le pays ; mais ces gens-là n’émergeront pas tant qu’il n’y aura pas de réelles élections démocratiques, libérées tant de la contrainte syrienne que des pressions du Hezbollah, ce qui nous ramène au point 1, qui est le point de départ de tout le reste.

Q :Êtes-vous impliqué dans l’évolution politique actuelle au Liban ou bien n’êtes-vous encore qu’un homme d’affaires privé ?

R : Mon activité politique a décuplé. Mais aujourd’hui, et c’est la leçon que je tire du passé, il n’y a aucune raison de faire savoir à tous les Libanais ce que nous comptons faire. Ceux qui tirent les ficelles ne sont pas toujours sous les projecteurs. Regardez l’activité des Syriens au Liban , il y a là matière à s’instruire. Vous voulez battre votre ennemi ? Jouez son jeu mieux que lui. À tous ceux qui veulent notre défaite, je dis qu’ils doivent s’attendre à voir émerger au contraire à une organisation plus puissante, qui deviendra « le pire de leurs cauchemars ».

Q :Mais la partie est terminée. L‘intervention en Irak a démobilisé les États-Unis. Que peut faire Israël tout seul ? Pour ma part je ne sais pas. Qu’en pensez-vous ?

R : Bush a encore deux années à gouverner. Le match n’est pas gagné tant que la partie n’est pas finie. Je crains que vos souhaits ne se concrétisent pas. Mais libre à vous de rêver. [19]

Les États-Unis impliqués dans les préparatifs de guerre israéliens

Seymour Hersh, un journaliste d’investigation américain mondialement connu et lauréat du prix Pulitzer, a publié le 14 août 2006 dans The New Yorker son reportage « Watching Lebanon » [20] dans lequel il affirmait que la guerre d’Israël contre le Liban avait été préparée de longue date. Hersh se réfère exclusivement à des sources anonymes au sein du gouvernement des États-Unis et des services secrets, sources qui lui ont révélé que l’enlèvement des deux soldats israéliens avait fourni le prétexte rêvé pour déclencher une guerre planifiée depuis longtemps par les stratèges israéliens.

Selon Hersh, des diplomates israéliens se seraient rendus à Washington au début de l’été, afin de demander le « feu vert » pour l’agression et prendre la mesure du soutien qu’ils pourraient attendre des États-Unis. Cette information se recoupe avec les recherches de Madsen. Les Israéliens auraient d’abord enrôlé le vice-président américain Dick Cheney. Israël avait commencé par Cheney, car, selon Hersh « convaincre Bush n’était pas un problème. » D’après un spécialiste du Proche-Orient, anonyme lui aussi, Bush avait de nombreuses raisons de soutenir l’offensive militaire israélienne. « Bush en voulait aux deux. Il en a après l’Iran — maillon de l’Axe du Mal— et à ses installations nucléaires ; d’autre part, dans le cadre de son projet de démocratisation du Moyen-Orient, projet qui sert ses intérêts, le Hezbollah était dans son collimateur. Et un Liban « libéré » aurait constitué le fleuron de son projet de construction d’un Proche-Orient démocratique. ». Et surtout Bush voulait voir l’arsenal du Hezbollah détruit afin que, dans le cas d’une attaque américaine contre les installations nucléaires iraniennes, le risque de représailles du Hezbollah contre Israël soit neutralisé.

Un ancien agent des services secrets explique : « Nous avons dit aux Israéliens : si vous devez aller au charbon, nous vous soutiendrons sur toute la ligne. Et nous pensons que le plus tôt sera le mieux. Plus vous attendrez, moins il nous restera de temps pour procéder à une évaluation et faire nos plans contre l’Iran avant que Bush ne quitte ses fonctions ». Les militaires états-uniens espéraient d’ailleurs pouvoir compléter leurs informations sur l’arsenal iranien, grâce aux frappes israéliennes contre les réseaux de tunnels et de bunkers du Hezbollah, leur conception étant, aux dires des experts, semblable à celle des fortifications iraniennes. Depuis le printemps 2006, sous la pression de la Maison Blanche, des hauts responsables de la stratégie aérienne des États-Unis consultaient les militaires israéliens au sujet d’éventuelles frappes militaires contre les installations nucléaires iraniennes. « La grande question, pour notre aviation, c’était de savoir comment on allait pouvoir faire mouche sur toute une série de cibles iraniennes difficiles » ajoute l’ex-agent des services secrets, car « chacun sait que ce sont des ingénieurs iraniens qui ont conseillé le Hezbollah lors de la construction des tunnels et des arsenaux souterrains. C’est pour cela que l’aviation des États-Unis est allée soumettre ses nouveaux plans d’opérations aux Israéliens et leur a dit : « Concentrons-nous sur les bombardements et échangeons nos informations : nous vous disons ce que nous savons de l’Iran et vous ce que vous savez du Liban. ». Donald Rumsfeld, le secrétaire à la Défense, était présent lors de ces discussions.

Israël pensait en outre que ses attaques aériennes - dirigées contre les infrastructures du Liban et visant à leur anéantissement - dresseraient les populations chrétiennes et sunnites contre le Hezbollah. « La campagne de bombardements israélienne » , toujours selon Hersh, « était conçue pour être une préfiguration des plans états-uniens contre l’Iran. ». Les gouvernements de Washington et Tel-Aviv ont violemment critiqué ces révélations de Seymour Hersh.

Il est donc difficile de croire que, quand, au printemps 2006, George Bush, déclare - cité par le quotidien libanais Ad Diyar - que « l’été libanais sera chaud. », il s’agit là de l’expression d’une de ces prémonitions « envoyées par Dieu » dont se targue le Texan. À ce moment là, les préparatifs de guerre d’Olmert étaient déjà en route depuis longtemps et le boss de Washington lui avait manifestement déjà donné son accord pour la démolition du Liban et du Hezbollah.

Version française : Grégoire Seither

Deuxième partie : « Les réseaux terroristes israéliens au Liban »

[1« clashes raise familiar questions » , par Philip Abi akl, 13 juillet 2006.

[4Id.

[5« Krieg gegen Libanon ? » , par Cain Külbel, Jürgen : Provozierter, Neues Deutschland, 26 juillet 2006

[6« Jürgen : Power-Point-Inszenierung » par Cain Külbel, Junge Welt, 27 juillet 2006.

[7« Israel set war plan more than a year ago » par Matthew Kalman, : San Francisco Chronicle, 21.juillet 2006.

[8« Natan Sharansky, idéologue de la démocratisation forcée » , Réseau Voltaire, 24 février 2005.

[9« Israel and US planned Lebanon invasion in June » , Wayne Madsen Report, 22 et 23 juillet 2006.

[11« Der Ölpreis und Libanon » , Zeit-Fragen, 21 mars 2005.

[12« Daniel Pipes, expert de la haine » , Réseau Voltaire, 5 mai 2004.

[13« About the Middle East Forum », Middle East Forum

[14« Lebanese seek end to Syrian stranglehold », par Mandy Steele, WorldNet Daily.com, 15 juillet 2002

[15Toutes ces réponses s’appuient sur des communications personnelles transmises par e-mail le 24 décembre 2005

[16« Ziad Abdelnour is plotting regime change in Lebanon from Park Ave », par Spencer Ackermann, News & Columns, Volume 16, Issue 38, 17.septembre 2003.

[17Communication personnelle du 26 décembre 2005 : par cette brève déclaration, Abdel-Nour réagit globalement à un certain nombre de sources qui lui ont été soumises. C’est pourquoi cette réponse apparaît à plusieurs reprises dans ce texte.

[18Communication personnelle du 27 décembre 2005

[19Ziad K. Abdelnour par e-mail les 24, 25 et 27.décembre 2005

[20« Watching Lebanon », 14 août 2006.