Inquiet de la dérive idéologique observable particulièrement depuis le 11 septembre 2001, le commissaire européen britannique chargé des relations extérieures Chris Patten prend le monstre du « clash des civilisations » par les cornes. Il révèle par la même occasion pourquoi il n’est pas aujourd’hui à la tête de la Commission européenne. Car malgré des compétences indiscutables pour le poste et une popularité s’étendant bien au-delà du Royaume-Uni, il a été (discrédité par Le Monde qui l’a accusé à tort d’être pro-guerre d’Irak et) récusé par Washington au profit d’un Premier ministre portugais peu apprécié même chez lui. Côté arabe, Patten souligne que les cercles académiques, auxquels il s’adresse dans cette tribune publiée par le Daily Star de Beyrouth, sont bien moins belliqueux que l’extrême droite ultra-religieuse états-unienne. Il dénonce des sites internet en langue arabe qui appellent au djihad et pourraient d’ailleurs, notons-le au passage, être l’œuvre de provocateurs. Enfin, il insiste sur la volonté pacifique de coopération d’une écrasante majorité des musulmans du monde : voilà nos vrais interlocuteurs, répète-t-il, et mettons fin une bonne fois pour toutes aux procès d’intention.
Dans une théorie complexe, l’expert pro-Israélien Michael Ledeen affirme dans le Jerusalem Post que les Iraniens veulent gonfler le prix du pétrole pour faire élire John Kerry. Il préconise donc de changer le régime à Téhéran et assure que c’est possible sans coup férir. Sachant que les renseignements pétroliers dans la région n’ont jamais été aussi jalousement gardés, le lecteur hochera la tête aux imputations de l’ « expert ». D’autant que Ledeen n’en est pas à sa première affirmation péremptoire : il avait déjà promis, en Afghanistan puis en Irak, un accueil triomphal des GI’s par des populations incapables d’assumer leur destin, et des lendemains démocratiques radieux imposés à la baïonnette.
Cette fascination pour le secret et la parole d’expert, un auteur prétendument « anonyme », mais dont toute la presse connaît l’identité, l’exploite sans vergogne. Dans le Los Angeles Times, Michael Scheuer, puisque c’est son vrai nom, donne des gages « anti-bushiens » aux lecteurs californiens, pour mieux reprocher aux conservateurs leur manque de fermeté face à la terrible menace Al Qaïda. Comme John Kerry, il critique la méthode, mais s’aligne sur le fond. L’ancien expert d’Al Qaïda au sein de la CIA conclut néanmoins en pointant ce qui est réellement menacé, à savoir le mode de vie états-unien basé sur le gaspillage énergétique.
Dennis Ross du WINEP souligne dans le Washington Post que l’Égypte pourrait jouer en Palestine le rôle tenu jusqu’ici par les États-Unis : unifier les factions pour affaiblir à la fois Arafat et le Hamas. Il omet d’évoquer les préoccupations du Caire quant à la possible exploitation des gisements de gaz au large de Gaza, une fois cette bande de territoire évacuée par Tsahal.
Enfin, un collectif d’intellectuels français prend dans Le Monde la défense de Leila Shahid, déléguée générale de l’Autorité palestinienne en France, accusée de corruption par des militants de la liste Euro-Palestine auxquels elle avait demandé de renoncer à se présenter aux élections européennes. Quoi que l’on pense de cette affaire, on ne peut qu’être attéré devant l’irresponsabilité de militants et de personnalités, tous attachés à la cause du Peuple palestinien, qui se trompent de combat au point de se déchirer à propos d’un diplomate.