Les États-Unis sont un bien étrange pays. Ils pensent être une démocratie alors que leur président n’est même pas élu, mais nommé, et en tirent la conclusion qu’il doivent sélectionner eux-mêmes les présidents des autres.
À ce petit jeu, le représentant Curt Weldon, qui ambitionne toujours la présidence de la Commission des Forces armées, distribue un mauvais point à Jacques Chirac dans le Washington Times. La France qui doit tout aux États-Unis et qui fut grande, se complairait à saboter l’OTAN pour se rendre intéressante. Chirac-l’ingrat ne serait préoccupé que des avantages économiques qu’il peut retirer du sacrifice désintéressé des GI’s. Le lecteur observera que le point de vue de M. Weldon serait bien légitime s’il ne se fondait sur une série d’imputations qui relèvent de propagande et non de la réalité. Ainsi, il est persuadé que les États-Unis ont mis fin à la dictature talibane et apporté la démocratie en Afghanistan, alors que ce sont eux qui ont installé cette dictature et qu’ils y ont substitué un gouvernement élu par 2% de la population. Il est également persuadé que les États-Unis sont intervenus au Kosovo à la demande des Européens menacés d’invasion par Milosevic, alors que la petite Yougoslavie ne risquait pas de faire peur à qui que ce soit et que Washington cherchait désespérément une raison d’intervenir là-bas.
Laura Silber se réjouit dans l’International Herald Tribune de la victoire de Boris Tadic à l’élection présidentielle serbe. Elle lui attribue un bon point parce qu’il s’est engagé à faire entrer son pays dans l’Union européenne, tandis que son adversaire nationaliste se proposait de conduire une politique isolationniste à la biélorusse. Cependant l’enthousiasme de Mme Silber doit être tempéré : les Serbes ne se reconnaissent pas dans leurs institutions prétendument démocratiques au point qu’ils ont boycotté les urnes une fois de plus. Les trois scrutins précédents avaient été annulés, faute d’avoir recueilli le quorum de 50%, et celui-ci n’a pu être validé que parce que la règle du quorum a été abrogée. Dans de telles conditions, on peut se réjouir du programme du nouveau président, certainement pas d’un consensus populaire qui n’existe pas.
Bien qu’il manque de notoriété, José Manuel Barroso, nouveau président de la Commission de Bruxelles, mérite aussi un bon point. C’est un homme capable affirme dans le même quotidien José Cutileiro. Mais au fait qui est Cutileiro ? Bien que manquant de notoriété, c’est un danger public. Cet atlantiste forcené est l’auteur de l’Accord de Lisbonne, de sinistre mémoire, qui prévoyait pour plaire à Washington de diviser la minuscule Bosnie-Herzégovine en trois États distincts mono-ethniques. Le voici donc de retour avec comme seuls arguments que M. Barroso est un homme d’expérience et qu’il est, lui aussi, atlantiste. De son désastreux bilan de Premier ministre au Portugal mieux vaut ne pas parler !

Les États-Unis pensent aussi qu’ils sont un état de droit, alors qu’ils ont institutionnalisé la corruption en l’appelant lobbying et qu’ils refusent de reconnaître le Tribunal pénal international.
L’ancien président de la Reserve Bank, Paul A. Volker, entend clore la polémique entretenue par le Wall Street Journal sur les détournements de fonds du programme pétrole contre nourriture. En sa qualité de président de la Commission d’enquête de l’ONU, il entend rassurer les lecteurs du quotidien d’affaires sur le fait qu’il dispose de tous les moyens d’investigation nécessaires et qu’il rendra public son rapport final. Soyons donc rassuré, un homme qui a autorisé des multinationales comme Enron à truquer leurs comptes fera un bon témoin de moralité.
Quant à Tom Parker, conseiller de la Coalition pour la constitution du tribunal chargé de juger Saddam Hussein, il se félicite dans l’International Herald Tribune du dispositif mis en place. Le dictateur sera jugé par des Irakiens, et non par la Coalition, et son procès retransmis à la télévision devrait servir de thérapie au pays. Preuve qu’il a raison : c’est lui qui a rédigé le Code de procédure et composé le tribunal, lequel est présidé par le neveu d’Ahmed Chalabi. Les Irakiens ne s’y trompent pas comme le montrent leurs réactions à la diffusion des premières images de l’interrogatoire de Saddam Hussein. Dès que le président élu d’Irak a commencé à aborder les questions de fond, la censure US a coupé le son.