John Edwards est un homme issu d’une famille modeste de Caroline du Nord. Il a fait carrière comme avocat contre les grandes entreprises, puis est devenu sénateur en développant le thème des « deux Amériques ». Edwards aurait pu être un candidat plus sérieux contre John Kerry si les démocrates ne s’étaient pas très vite rabattus sur Kerry quand ils ont estimé que c’était lui qui avait le plus de chance de vaincre Bush. En choisissant Edwards, Kerry intègre de facto son thème de campagne.
Edwards offre surtout un lien avec la tradition démocrate du Sud et un moyen de lutter contre le conservatisme incarné par Dick Cheney dans ces régions. Le Sud a longtemps été une terre démocrate, mais ils l’ont perdu lorsqu’ils se sont divisés face à Andrew Jackson et à son vice-président John C. Calhoun. Jackson avait pour slogan « opportunité pour tous, privilèges pour personne » et Calhoun s’appuyait sur les oligarques locaux, manipulant les craintes raciales des électeurs. C’est cette dernière tendance qui l’emporta, avant de disparaître du Parti démocrate avec la loi des Droits civils de 1964. Les Républicains, qui n’étaient plus depuis longtemps le parti de Lincoln, récupérèrent cet électorat tandis que le Parti démocrate se recentra sur la tendance qu’avait incarnée Andrew Jackson, aujourd’hui représentée par Edwards. Le Sud devint républicain, mais la base républicaine n’était pas si solide que cela et Jimmy Carter et Bill Clinton gagnèrent dans cette région.
La stratégie de Bush dans le Sud est d’exploiter le patriotisme, la peur et de faire campagne sur le « conservatisme compatissant », alors que son programme est fait de dérégulation et de baisse d’impôt. Malheureusement pour lui, il a besoin d’un vote blanc presque unanime car si entre un tiers et un quart des Blancs votent démocrates, les Républicains perdent le Sud. La fragilité des Républicains dans le Sud est là, sans vote blanc solide, ils perdent. Voilà pourquoi les attaques contre Edwards ont déjà commencé.

Source
The Guardian (Royaume-Uni)

« The battle for the south has begun », par Sidney Blumenthal, The Guardian, 8 juillet 2004.