L’un des premiers actes de souveraineté du nouveau pouvoir intérimaire irakien aura donc été le rétablissement de la peine de mort, avec l’intention annoncée de l’appliquer à Saddam Hussein. On a tout dit, tout écrit sur cette autorisation légale de tuer et nous ne reprendrons pas ici le débat, mais nous nous contenterons de quelques réflexions.
Certains se demandent s’il est vraiment choquant d’appliquer la peine de mort à un dictateur accusé de l’avoir tant de fois utilisée sans procès sur d’innocentes victimes ou s’il n’y a pas de meilleures causes à défendre que celle de Saddam Hussein pour combattre cette peine. Avec ce raisonnement, autant refaire le procès Ceausescu. Pourtant, depuis cette lamentable parodie de justice, la communauté internationale s’est dotée de nouveaux organes judiciaires que sont les Tribunaux pénaux internationaux (TPIY pour l’ex-Yougoslavie et TPIR pour le Rwanda), les tribunaux dits mixtes (Sierra Leone, Est-Timor et bientôt Cambodge) et aujourd’hui la Cour pénale internationale. Ce faisant, elle s’est également dotée de nouveaux standards juridiques pour juger les principaux responsables politiques ou militaires, accusés des plus grands crimes. Or la peine maximale prévue par les textes adoptés par les États pour un génocide, le « crime des crimes », est la prison à perpétuité. Il faut rappeler avec force que la peine de mort a été abolie devant les juridictions pénales internationales.
Le Tribunal spécial irakien pour les crimes contre l’humanité (TSI), créé le 10 décembre 2003, a expressément prévu dans ses statuts (articles 6 et 8) que les juges et procureurs, qui seront irakiens, pourront être assistés dans leur tâche par des conseillers internationaux, recherchant par là une justice aux standards internationaux. Alors pourquoi et comment justifier le maintien de la peine de mort qui est aujourd’hui incompatible avec les standards internationaux ? Le débat sur la peine de mort pour Saddam Hussein et ses coaccusés est double : il est d’abord éthique car on ne saurait dénoncer un dictateur et utiliser ses méthodes et puis juridique, le tribunal pénal irakien ne saurait prétendre à respecter les standards internationaux tout en appliquant la peine de mort. Il faut mobiliser la communauté internationale contre l’usage de cette peine.

Source
Libération (France)
Libération a suivi un long chemin de sa création autour du philosophe Jean-Paul Sartre à son rachat par le financier Edouard de Rothschild. Diffusion : 150 000 exemplaires.

« Saddam Hussein ne doit pas être condamné à mort », par François Roux, Libération, 25 août 2004.