Le journaliste Charles Najman assure dans Libération que si Aristide a tué moins d’Haïtiens que les Duvalier, il est un plus grand criminel car il assassiné leur espoir. Louant les mérites du rapport Debray et de l’interventionnisme de Dominique de Villepin, il déplore la timidité de son successeur Michel Barnier. Exerçant son droit de réponse, ce dernier rétorque que la France n’a jamais été aussi présente en République d’Haïti, où il s’est déjà rendu deux fois en quelques mois, où un millier de soldats ont été déployés et où une aide financière a été apportée.
Cette fausse polémique en cache une vraie. M. Najman a souvent manifesté sa sympathie pour André Apaid, que les États-Unis destinaient à succéder à Aristide. Il s’est enthousiasmé du départ d’Aristide et s’inquiète du refroidissement français dans cette affaire. Il feint de croire que le repositionnement politique de Paris est lié au changement de ministre et tente d’exercer une pression sur lui. Nos lecteurs se souviennent que le Réseau Voltaire révéla le rôle de la mission Debray tel qu’il a été interprété par le gouvernement haïtien, ainsi que la manière dont les Forces spéciales US enlevèrent le président Aristide. Nos articles, qui furent repris par la presse hispanophone et firent le tour du monde provoquèrent la colère des États des Caraïbes, émurent le Conseil de sécurité de l’ONU et incitèrent le gouvernement français à réviser sa politique peu avant le remaniement ministériel. Parmi les nombreux éléments que nous avions mis en lumière apparaissait le rôle de l’association Fraternité universelle, présidée par Véronique Albanel, sœur de Dominique de Villepin. Or nous avions négligé de préciser, en mars dernier, une information qui semblait alors sans importance : cette association se targuait du soutien d’un commissaire européen de l’époque… Michel Barnier. En d’autres termes, avant même de rejoindre le Quai d’Orsay, M. Barnier, passant outre son statut européen, était activement impliqué dans la politique française en Haïti. Mais, au grand dam de son contradicteur, il a suivi l’évolution de cette politique et la prise de distance avec Washington.
Six mois après l’intervention états-unienne, chacun peut dresser un bilan : le nouveau régime s’est installé dans le sang et a trouvé le moyen de mettre en coupe réglée le pays le plus pauvre de la planète, notamment par le biais de la surfacturation des deux seuls services qui fonctionnaient encore, l’électricité et du téléphone. Sans que l’opinion internationale ne perçoive de lien avec les événements d’Haïti, la société Halliburton a annoncé cet été que des gisements pétroliers avaient été découverts au large de l’île et de Cuba depuis plusieurs années et que leur existence avait été gardée secrète. La France aura beaucoup à faire pour réparer son erreur de jugement.

Également mis en cause dans Le Figaro, cette fois pour avoir laissé l’influence française s’effriter à la Commission européenne, Michel Barnier use de son droit de réponse dans un entretien accordé au quotidien. Il peine à convaincre que le commissaire français Jacques Barrot détient un portefeuille clé : les Transports. À l’évidence, le ministre des Affaires étrangères cache son jeu. Tout laisse à penser que la stratégie de Paris est à l’inverse de son discours : puisque l’Union européenne à 25 est politiquement bloquée quand elle n’est pas sous influence états-unienne, autant en faire son deuil. Le nouveau président de la Commission, José Manuel Barroso, a été publiquement imposé par George W. Bush. Il a composé une équipe de libéraux et d’atlantistes forcenés. Il est vain d’affronter ce dispositif, mieux vaut le paralyser délibérément et initier, par ailleurs, une intégration politique franco-allemande.

Le Prix Nobel de la Paix José Ramos Horta dénonce dans The Age le pacifisme occidental qui, après avoir longtemps abandonné le Timor à son sort, refusait d’intervenir en Irak pour faire cesser les crimes de Saddam Hussein et freine aujourd’hui une action au Darfour. Cependant une analogie ne vaut pas raisonnement. À supposer que le lecteur partage les présupposés de M. Ramos Horta, la nécessité d’agir au Darfour ne signifie pas que l’action doive être armée. Par ailleurs, l’auteur suggère que les pacifistes s’alignent sur les intérêts arabes en s’opposant à la guerre en Irak et à Gaza et en protégeant les milices arabes au Soudan. Il s’agit là d’une imputation non-étayée qui ressort du procès d’intention raciste.

Yossi Beilin, fondateur du Yahad, stigmatise dans le Jerusalem Post les velléités du Parti travailliste, qu’il a quitté, de participer à un gouvernement d’union nationale avec Ariel Sharon. Par aveuglement (ou par intérêt personnel) les dirigeants de la gauche israélienne sont prêts à soutenir une stratégie qui est à l’opposé de leur programme.

Deux parlementaire britanniques, Boris Johnson dans le Daily Telegraph et Adam Price dans le Guardian, expliquent leur volonté d’engager une procédure d’Impeachment contre Tony Blair. Le lecteur se reportera à notre article de « une » pour en situer le contexte.

Deux sénateurs, le républicain Trent Lott (qui a des comptes personnels à régler avec son parti) et le démocrate Ron Wyden, alertent les lecteurs du New York Times sur le danger que fait courir à la démocratie l’excès du secret-Défense. Depuis les attentats du 11 septembre, l’administration Bush classifie presque tout ce qu’elle produit au motif que les terroristes ne doivent rien en savoir. Mais c’est surtout un moyen pour cacher ce qu’elle fait aux parlementaires et échapper à leur contrôle. Les deux sénateurs proposent donc la création d’une Commission indépendante chargée d’évaluer le bien-fondé de ces classifications.
Enfin, Noel Koch, un ancien de l’équipe Nixon, déplore dans le Washington Post la campagne de presse conduite par les républicains contre le candidat démocrate à propos de ses états de service au Vietnam. Il souligne le caractère malsain de cette polémique qui oblige les héros à se justifier. Cette tribune inattendue est une aubaine pour John Kerry, mais elle ne suffira certainement pas à renverser la tendance aux yeux de l’état-major. Le problème n’est pas en effet de savoir si Bush s’est planqué dans la Garde nationale ou si Kerry a enjolivé ses faits d’armes, mais sur lequel des deux hommes les généraux peuvent compter. Et sur ce point, Kerry est toujours le plus mal placé.