L’assassinat de centaines d’otages à Beslan qui devrait susciter un élan de solidarité internationale avec les Russes est au contraire exploité contre le gouvernement Poutine, tour à tour rendu responsable de la situation dont il a hérité en Tchétchénie et de l’issue tragique à Beslan.
Avec empathie, Jean de Boishue relève dans Libération que la Russie n’a pas encore appris à gérer ce type de crise de manière démocratique et a fait le constat de son impuissance, ou plutôt de ses anciens réflexes hérités des dictatures tsaristes et communistes.
Involontairement, Konstantin Sonin confirme cette analyse dans le Moscow Times : il préconise de marier les habituelles méthodes expéditives et la démocratie en s’inspirant du modèle israélien. Assassiner méthodiquement toutes les personnes impliquées dans l’organisation de cette prise d’otages, où qu’elles se trouvent et quel que soit le temps nécessaire, serait une marque de fermeté compatible avec le maintien de la démocratie.
De son côté, l’un des dirigeants tchétchène en exil, Ahmed Zakaev, condamne dans le Guardian les méthodes du commando tout en lui exprimant sa compréhension. Il en profite pour réitérer sa position selon laquelle la Tchétchénie est victime d’une occupation de type colonial. Pourtant, d’une manière générale autant qu’au regard de la brutalité de l’histoire russe contemporaine, les horreurs de la répression ne font pas la preuve du bien-fondé de la rébellion.

Surfant sur l’émotion suscitée par le massacre de Beslan, Daniel Pipes demande dans le Jerusalem Post que l’on nomme un chat, « un chat », et les preneurs d’otages des « terroristes ». Il déplore particulièrement la complaisance de l’agence Reuters qui a donné consigne par écrit à ses journalistes d’éviter l’usage du mot « terroriste ». M. Pipes voit dans ce comportement un parti pris pro-palestinien, alors que la note de Reuters porte sur les attentats du 11 septembre. Quoi qu’il en soit, il est de la fonction des intellectuels de trouver les mots justes pour faciliter des analyses précises, et il est du rôle des propagandistes de mettre en avant des concepts fourre-tout qui entraînent des amalgames. D’ailleurs, à ce jour, aucune instance internationale n’a été en mesure de donner une définition univoque du terrorisme.

Les États-uniens persistent à faire confiance à leurs institutions pour défendre les libertés individuelles. Ils espèrent que le Congrès jouera son rôle de contre-pouvoir, qu’il mettra fin aux violations des droits de l’homme qu’il constate, et qu’il sanctionnera les coupables. L’avenir proche nous dira s’ils ont raison ou s’ils sont naïfs, c’est-à-dire si leur pays est une démocratie en crise ou si elle est devenue un régime autoritaire.
Richard Ben-Venise et Lance Cole, qui ont tous deux participé à la Commission présidentielle sur le 11 septembre, déplorent dans le New York Times que les recommandations de leur Commission en matière de libertés publiques aient fait l’objet d’une application déformée. Alors que la Commission préconisait de circonscrire les pouvoirs d’exception à la seule lutte anti-terroriste en soumettant leur exercice à la surveillance d’une instance indépendante, George W. Bush s’est contenté d’installer une sorte de Bureau des plaintes à la Maison-Blanche. Les deux auteurs espèrent maintenant que le Congrès les entendra.
Le professeur Steve Andreasen s’étonne dans le Washington Post des conclusions de la Commission Schlessinger sur les tortures à Abu Ghraib. Il n’est pas sérieux de faire porter la responsabilité exclusivement sur des militaires alors que les mémos du département de la Justice, par exemple, attestent du soutien d’autres départements administratifs. Là encore, il place son espoir dans le Congrès pour faire toute la lumière.

Enfin, John Prendergast de l’International Crisis Group dénonce une nouvelle fois la passivité du Conseil de sécurité de l’ONU face au drame du Darfour. Le génocide est comparable à celui du Rwanda, assure-t-il dans le Washington Times, et personne n’a l’excuse de ne pas savoir. Il s’agit-là d’un argument répété à satiété par les commentateurs anglo-saxons, comme le fruit d’une évidence. Pourtant, l’ONU et diverses autorités africaines contestent à la fois les faits et leur analyse, rejetant par voie de conséquence d’agir comme on les presse de faire. D’un autre côté, le fait que les Anglo-saxons aient un intérêt économique et stratégique à intervenir ne signifie pas que leur analyse soit totalement erronée.