Le 25 mai 2000 [jour du retrait israélien du Liban] est certainement le jour de l’immense victoire historique contre l’ennemi sioniste, victoire reconnue par le monde entier, par les dirigeants politiques et militaires de l’ennemi. Mais cette victoire n’a malheureusement pas acquis son dû et cette expérience unique n’a pas acquis son droit.

En cet anniversaire, j’aborderai trois sujets : le premier concerne les particularités de la Résistance et la réalité de la Résistance au Liban, par souci de fidélité envers elle. Le second sujet concerne l’entrée du Hezbollah dans la vie politique libanaise depuis les deux dernières années, et le troisième sujet concerne la situation récente et ses conséquences sur le Liban, et notre position vis-à-vis des événements en cours.

La Résistance

Je voudrai traiter de cette question, par fidélité envers la Résistance, ses combattants et son peuple. Je voudrai éclairer un seul de ses aspects. Nous savons que dans cette Résistance, ont participé plusieurs forces islamiques et nationales à partir de 1982, et l’ensemble a participé en 1985 pour arriver jusqu’à la bande frontalière. Plusieurs forces nationales et islamiques ont poursuivi la Résistance jusqu’à ce que, avec le temps, le Hezbollah devienne la colonne vertébrale de la Résistance. La Résistance au Liban est réputée pour sa dimension militaire et sa capacité à planifier et à agir sur le terrain.

Mais l’une des caractéristiques les plus importantes, c’est son engagement. Nous, au Liban, nous avons une Résistance engagée, et je signifie par ce terme l’engagement envers l’humain, la foi, la morale et la patrie. La suppression de l’occupation de notre sol et la libération de la terre et des prisonniers furent pour nous et pour les gens de la Résistance, une cause sacrée, un devoir religieux, national et moral. Cette caractéristique s’est reflétée sur les combattants, les gens de la Résistance, ses armes, ses comportements et son action.

C’est pourquoi la Résistance fut toujours soucieuse du sang des gens, lors de ses opérations, c’est un aspect qui nous distingue de certains mouvements ou de groupes qui parlent ces jours-ci de « résistance ». Les opérations visaient les forces de l’occupation mais n’ont jamais visé les civils libanais. La Résistance n’a jamais visé les gens innocents. Plusieurs de nos opérations furent annulées à cause de la présence de civils. La Résistance se souciait des gens, et cela a eu une influence sur son action et ses opérations. La Résistance se souciait même des familles des traîtres, beaucoup peuvent en témoigner. La Résistance n’a jamais utilisé les civils pour attaquer l’ennemi. Il n’y avait aucun problème à remettre une opération à plus tard afin d’éviter la mort de civils innocents. Même envers les traîtres, notre but était de les amener à se rendre, à se repentir, et non à les tuer, même lorsque nous les menaçions de mort, nous cherchions à les faire fuir. Nos opérations étaient principalement dirigées contre les soldats israéliens. Le jour de la libération, lorsque la milice des traîtres s’est effondrée et que les centaines se sont massés devant la porte de Fatima, la Résistance pouvait en tuer un grand nombre, mais nous ne l’avons pas fait, ils ont quitté la scène et se sont enfuis.

Concernant les biens et les propriétés des gens, les populations civiles le savent : lorsque nos résistants devaient se cacher, entrer dans une maison, s’ils en prenaient de quoi se nourrir, la direction de la Résistance contactait ses habitants et remboursait. Beaucoup de gens refusaient, disant : « vous, vous donnez votre sang et nous, nous participons ainsi ».

C’est par notre engagement, notre foi et notre moralité que nous avons remporté la victoire, parce que les civils ont protégé et couvert la Résistance.

Le Hezbollah et la vie politique libanaise

Le Hezbollah est entré dans la vie politique libanaise le 14 février 2005, le jour où un tremblement de terre a frappé ce petit pays. Le terrible crime qui a assassiné le martyr Rafic Hariri et des dizaines de citoyens libanais a ouvert une nouvelle période sombre dont nous ne savions pas comment elle pouvait s’achever. Nous avons considéré, au Hezbollah, que notre devoir consistait à être présents, en force, pour aider à sauver notre pays des dangers qui commençaient à le menacer de tous côtés, dire la parole vraie même si elle est difficile à dire, agir pour protéger les intérêts natinaux, même si cela peut entraîner des sacrifices lourds. Nous ressentons aussi cette responsabilité. Beaucoup se sont sacrifiés pour le Liban, mais nous sommes ceux qui se sont le plus sacrifiés pour ce pays, et de ce fait, le Hezbollah ne peut offrir un grand nombre de martyrs pour libérer le Liban de l’occupation israélienne puis abandonner le pays à tous les vents qui l’agitent. Il y a une question de dignité, de souveraineté, d’indépendance, qui ne peuvent être divisées. Là s’est trouvée une bataille remettant en cause ces questions, nous devons être présents.

Nous avons vécu les deux expériences : l’action dans la Résistance et les combats contre Israël sont plus nobles, plus dignes, plus sacrés et meilleurs pour l’homme, sa moralité et son moral que l’action politique interne au Liban, qui est malheureusement basée sur des règles de jeu où prévalent le mensonge, la traîtrise, la tromperie, les esquives et les ruses, ce qui est difficile pour nous et que nous ne pouvons pratiquer.

C’est à cause de notre sentiment de responsabilité que nous sommes entrés en force dans la vie politique, ayant saisi les enjeux et l’importance du rôle que pouvait jouer le Hezbollah, qui fut hors du jeu politique et des conflits internes dans ce pays. Dès les premiers instants, notre priorité fut claire et fixe, il s’agissait de faire éviter une guerre fratricide, suscitée par les accusations lancées indistinctement après l’assassinat du président [du gouvernement] le martyr Rafic Hariri. Rappelons les accusations contre des partis, la tentative d’impliquer les chiites dans l’assassinat pour susciter une guerre fratricide sunnites-chiites.

Notre but fut d’éviter une guerre interne, sur une base confessionnelle (chrétiens - musulmans, ou sunnites-chiites et druzes), un conflit libano - palestinien car il y eut des discusssions sur les armes dans les camps, sur les bases militaires palestiniennes et les armes palestiniennes hors des camps, tout cela allait entraîner des heurts. Si ceux-là n’étaient pas réglés de manière appropriée, nous ne pouvions pas éviter un conflit libano-palestinien. Il fallait aussi éviter un conflit libano-syrien, à cause du climat suscité après l’assassinat et l’accusation portée contre la Syrie, lui faisant porter la responsabilité. L’ambiance était très dure envers la Syrie et si nous avions suivi cette ambiance, le Liban en entier aurait suivi une hostilité envers la Syrie. Mais aujourd’hui, nous demandons : comment vivre dans une situation où la Syrie est un ennemi, alors qu’Israël est un ennemi et non un voisin (comme le disent certains députés), surtout que ces accusations sont fondées sur un conflit politique et non sur des preuves juridiques ou criminelles.

Nous craignions l’effondrement de l’État à cause du déroulement de la situation interne, et comme nous avons pour objectif la préservation de l’État et de ses institutions sécuritaires, civiles et militaires, et surtout l’armée libanaise dont la direction connaît exactement nos positions — nous avons considéré et nous considérons que l’armée libanaise représente précisément la seule garantie pour la paix civile, la sécurité, la stabilité et l’unité nationale. Nous avons donc essayé, tout au long de ces deux années, de faire éviter l’intervention de l’armée dans les conflits internes, même si cela était à nos dépens. Parmi nos constantes aussi, pour lesquelles nous sommes entrés dans la vie politique, ce fut aussi l’ouverture vers les autres, le dépassement des anciens conflits. Nous avons appelé au dialogue, aux rencontres autour d’une table pour discuter des sujets sacrés pour nous. Nous sommes entrés également dans la vie politique pour protéger la Résistance qui protège le Liban, car la Résistance était visée dans son existence, sa culture et même son nom. Aujourd’hui, c’est la fête de la Résistance et de la libération, mais pour certains, c’est la fête de la libération. Un jour, parce que la mémoire fait défaut à beaucoup, on nous dira que la libération fut réalisée par les efforts diplomatiques, et les martyrs Sayyid al-Musawi, Raghib Harb, Bilal Fahs et les autres martyrs n’auraient été que des brigands. Nous insistons donc pour dire que c’est la fête de la Résistance et de la libération.

Il est normal aussi que le Liban soit aux Libanais et non soumis à l’administration états-unienne, ni une scène d’intérêts et de domination pour ses projets. C’est tout cela qui nous a amenés à entrer dans la vie politique, et non pas l’obtention de sièges parlementaires supplémentaires, ou des ministères ou même comme ils le prétendent, mettre la main sur le gouvernement, ou instaurer l’État islamique.

À partir de là, nous avions conclu des alliances électorales parlementaires, l’alliance quadripartite, croyant sincèrement que cette alliance réalisera les objectifs cités, éviter la guerre civile, etc... Avec cet esprit, nous avons participé aux gouvernements de Miqati et Sinioura et nous y avons dévoilé toutes nos idées, nous avons parlé en toute franchise, nous avons mis à nu notre stratégie afin de convaincre nos partenaires dans le pays, même en courant le risque que les Israéliens soient au courant.

Mais les choses allaient différemment lorsque nous avons vu que les autres poursuivaient leurs engagements politiques, sécuritaires, économiques et financiers. Nous avons vu que l’autre partie voulait discuter la question du tribunal international, d’une part de manière technique et objective, et d’autre part, en la faisant passer sous la table. Et la dernière erreur de ce groupe fut la lettre envoyée au conseil de sécurité réclamant la tenue du tribunal sous le chapitre sept, sans obtenir le consentement libanais. L’autre partie ne veut pas vraiment discuter. Il a continué à ignorer des forces politiques importantes dans le pays. Nous avons alors ressenti que le Liban entrait dans une impasse réelle, et avons essayé, malgré cela, d’en discuter.

Ce fut alors l’opération de la capture des soldats israéliens le 12 juillet dernier et la guerre israélienne contre le Liban et la Résistance. Nous savons tous comment chaque groupe s’est comporté pendant la guerre. La guerre s’est achevée par une victoire, que je qualifie d’historique, stratégique et divine, et nous savons tous comment chaque groupe s’est comporté après la guerre, que ce soit vis-à-vis de la victoire, de la reconstruction, de l’aide aux sinistés, ou dans des questions vitales qui exigent la participation et l’accord de l’ensemble.

Quel crime avons-nous commis ? Est-ce le fait de réclamer un gouvernement d’unité nationale est un crime ? Malgré ce qui a été dit pendant la guerre et ce que nous avons entendu dans les récentes interviews, où certains se sentent tristes parce que nous les avions accusés de traîtrise, je défie quiconque de leur groupe du 14 mars ou 14 février, de rapporter des paroles, que j’ai prononcées, ou qu’un membre de la direction du Hezbollah a prononcées, les accusant de traîtrise, au moment de la guerre, alors que notre discours était unitaire, sans tenir compte de la présence ou non de traîtres.

Mais tout au long de la guerre, vous nous aviez accusés de détruire le pays, non à cause des prisonniers, mais pour annuler le tribunal international, pour préserver les intérêts syriens ou même pour améliorer les conditions de négociations de l’Iran sur son programme nucléaire. Nous nous sommes tus pendant la guerre et après la guerre. Je vous rappelle que nous ne sommes entrés dans la discussion politique avec vous qu’après votre célèbre réunion du Bristol.

Mais finalement, qu’avons-nous dit après la guerre, sinon que nous voulons un gouvernement d’unité nationale ? Lorsque nous parlons de gouvernement d’unité nationale, nous ne parlons pas de prérogatives pour nous, mais nous disons qu’il y a des forces dans le pays qui ne sont pas représentées et qui doivent l’être au gouvernement.

Dix mois après la fin de la guerre, où en est-on des problèmes de la vie quotidienne des gens ? Où en est la reconstruction ? Face à cette impasse, nous leur demandons d’avoir recours au peuple, de soumettre les problèmes à un référendum, même au sujet des armes de la Résistance, mais ils ont refusé.

Nous avons alors réclamé des élections législatives anticipées, ils nous ont accusé d’instaurer un système dictatorial. C’est suite à ce parcours que nous sommes sortis, nous et le mouvement Amal et nos alliés, du gouvernement et sommes devenus l’opposition. Et nous sommes toujours attachés à nos principes cités plus haut, rien n’a changé. Mais malheureusement, l’autre partie poursuit son chemin sans réaliser le danger qui menace le pays, sans comprendre que personne ne peut gouverner le pays tout seul.

J’appelle les Libanais et les dirigeants politiques, religieux et toutes les élites libanaises à étudier à nouveau ce qui s’est passsé dans le pays depuis 1975 jusqu’à 2007 et voir s’il est possible qu’une partie des Libanais puisse gouverner seule, d’imposer sa volonté sur le reste, même dans le cadre d’une entente internationale ou régionale.

En 1989-90, un homme politique libanais menaçait même les États-Uniens, et aujourd’hui il est avec eux. Il leur disait : les États-Unis sont forts aux États-Unis, mais faibles au Liban. Mais qu’est-ce qui a changé ? Rien. Telle est la situation au Liban. Celui qui s’accapare le pouvoir au Liban poduit ce genre de situation, parce qu’il ignore les autres catégories, les autres partis politiques. Là git le problème et la solution est là. Mais apparemment, le groupe qui s’est accaparé le pouvoir ne réalise pas ces dangers. Il décide seul de faire le tribunal international sous le chapitre 7, il décide seul de régler l’élection présidentielle. Il poursuit seul son chemin, sans conscience des conséquences.

Et c’est dans cette ambiance difficile, à l’horizon fermé et inconnu que se sont produits les événéments graves et douloureux dans la région du nord.

Nous n’abandonnerons cependant pas nos responsabilités nationales au Liban, quoiqu’ils disent, écrivent ou insultent. Qu’ils utilisent les médias locaux, arabes, internationaux, cela n’entamera ni notre volonté, ni notre détermination, au contraire, cela ne fera que nous rendre encore plus déterminés à assumer notre devoir et à dire la vérité. Ce que nous entreprenons est une suite de notre action de la résistance armée, mais à partir de notre position politique. Nous avons la même patience, la même sincérité, le même souci et la même confiance en ntre capacité de sauver notre pays.

Nous ferons tout ce que nous pourrons, avec les patriotes au Liban, pour préserver la paix sociale, pour préserver l’indépendance, la souveraineté, la liberté et l’unité du pays, nous ne voulons ni postes ni argent, ni des louanges, nous accomplissons notre devoir. Les expériences nous ont appris que la coopération entre nous, et la sincérité de nos actions peuvent supprimer tous les obstacles.

Le camp de Nahr el-Barid : une ligne rouge

Ce dossier n’est pas isolé des conflits politiques, des accusations et des dangers sécuritaires que le Liban vit actuellement.

Le Hezbollah, comme l’ensemble des gens, a appris ce qui s’est passé le dimanche matin, et a suivi les informations. Nous avons rassemblé les différentes informations, nous avons contacté des responsables pour comprendre ce qui se passait à Tripoli et Nahr el-Barid et ses environs. Nous sommes face à une situation extrêmement sensible, grave et complexe. Nous souhaitons que les parties ne simplifient pas trop la question. Dans cette affaire, il y a une opinion musulmane, une opinion chrétienne, il y a des susceptibilités confessionnelles, la question libanaise est entremêlée à la question palestinienne, la question régionale et internationale, les États-Unis, la guerre contre le terrorisme, les armes dans les camps, l’installation définitive des réfugiés. Que personne ne nous dise que la question est simple et qu’elle peut être traitée en toute simplicité. Aujourd’hui, tout le Liban est dans l’impasse et je vous demande de voir ensemble comment nous entraider pour sauver le pays de cette nouvelle impasse.

Certains se sont précipités à juger que notre premier communiqué omettait des choses sur lesquelles les autres semblaient d’accord. D’abord, nous ne prenons pas position lorsque nous ne connaissons pas les détails d’une affaire, ni ce qui s’y cache derrière, surtout lorsqu’une affaire ou une position implique des responsabilités politiques, morales, humaines, des responsabilités relatives au sang, à la fortune ou au sort de deux peuples. Il s’agit d’un événement grave, et ses conséquences sont aussi nombreuses qu’importantes. C’est pourquoi nous avons considéré qu’il fallait prendre le temps d’étudier, d’attendre les données et de prendre en considération toute cette complexité.

Nous considérons que nous devons régler cette affaire dans le cadre de ces constantes. Une aventure rapide peut entraîner la perte du pays et notre perte à tous. L’armée libanaise est aujourd’hui celle qui porte la stabilité du pays, elle protège l’unité nationale, et sans cette armée, il y aurait eu, au cours des deux années précédentes, de multiples guerres civiles. Nous devons, tous, gens au pouvoir et opposition, considéer que l’armée est ce qui reste dans ce pays pour préserver et protéger la sécurité et la paix civile. Et par conséquent, nous ne devons pas la brader.

Toute attaque ou combat contre l’armée, aujourd’hui, vise la préservation de l’unité, la paix et la stabilité du Liban. Il y a donc deux questions : l’agression contre l’armée et la position de l’armée. Celle-ci n’était pas au courant de ce qui se passait et il est clair que le massacre qu’elle a subi s’est réalisé parce qu’elle n’était pas informée ni prête, sinon il n’y aurait pas eu autant de victimes dans ses rangs. Donc, l’agression contre l’armée et les forces de la sécurité intérieure doit être dénoncée, quelle que soit la partie qui a exécuté cette agression. Il s’agit d’une ligne rouge devant engager l’ensemble.

La seconde question : la préservation de la notoriété de cette armée fait partie de la préservation de cette institution, de son rôle et de sa fonction. C’est pour cette raison qu’il nous faut voir comment traiter cette question. Nous ne voulons pas régler ce problème par une entente tribale, nous disons comme les autres parties que la justice doit intervenir, que ceux qui ont commis l’attentat de ‘Ayn ‘Alaq soient jugés équitablement, et ceux qui ont agressé l’armée et les forces de la sécurité intérieure soient aussi jugés équitablement.

Au sujet du camp de Nahr al-Barid : les civils palestiniens n’ont rien à voir avec le problème, quel que soit notre jugement sur le groupe Fateh al-islam, sur les organisations palestiniennes et les civils de Nahr el-Barid mais le camp en tant que camp doit être protégé et c’est aussi une ligne rouge, si nous voulons être justes, si nous nous soucions des autres civils libanais et palestiniens.

Si les appareils de l’État veulent mener une campagne contre le terrorisme, cela ne doit pas mener à tuer les gens dans la rue. Les médias ont rapporté ce genre de faits dans Tripoli, et nous attendons les informations précises à ce propos.

Si vous agissez en tant qu’État, il faut que vous vous comportiez comme un État : il y a une accusation, une arrestation, il faut respecter le processus d’arrestation, et il faut qu’il y ait jugement. Il ne faut pas que la guerre contre le terrorisme soit à la manière bushienne, la manière états-unienne, où l’homme de la sécurité est en même temps le juge, le témoin, l’avocat et le bourreau. Il s’agit d’un danger qui menace la sécurité et la paix au Liban.

Prenons le temps pour traiter ce qui s’est passé dans le camp. Nous avons entendu les deux derniers jours parler d’envahir le camp, mais comment l’envahir alors qu’il y a 35 000 personnes, et la plupart n’ont rien à voir avec ce qui se passe ? Si nous voulons arrêter un groupe d’hommes armés, est-ce que nous attaquons 35 000 personnes ? Le camp, humainement, et juridiquement, est comme un village libanais. Si nous voulons arrêter un groupe armé dans un village, est-ce que nous attaquons ce village, nous détruisons et tuons ceux qui n’ont rien à y voir ?

Il y a des gens qui vivent des rêves et des projets anciens, ils veulent les remettre en action, c’est très dangereux, cela fait remonter à la surface de nombreux souvenirs douloureux et difficiles.

Je rappelle ce que j’ai dit : l’armée libanaise est une ligne rouge, et ceux qui ont tué les officiers et les soldats de l’armée doivent être jugés de manière équitable. Mais en même temps, le camp est une ligne rouge. Nous ne pouvons accepter ni nous taire ni même être partenaires pour couvrir une guerre de camps dont nous ne connaissons pas où cela mène. Et au final, c’est une guerre contre qui ?

Nous ne voulons pas être entraînés dans des projets indéfinis et troubles qui peuvent faire exploser la situation au Liban et qui peut déboucher sur un conflit libano-palestinien.

Que celui qui veut prendre la décision d’entrer dans le camp assume la responsabilité, mais je considère que l’intervention armée dans le camp sacrifie à la fois l’armée libanaise et le peuple palestinien.

Au Liban, certains ont mené des contacts avec Fatah al-islam, certains les ont financés et ont facilité leur entrée. Mais par contre, nous, nous ne les connaissons pas, nous n’avons aucun contact avec eux, eux ne nous connaissent pas. Quelle que soit leur attitude envers nous et notre attitude envers eux, nous ne voulons pas être partie prenante de ce conflit car le fait d’entrer dans le camp, le fait de faire entrer l’armée dans le camp, c’est mettre en danger l’armée, tout ce qui reste dans ce pays. C’est pourquoi la décision doit être politique, sécuritaire et juridique, pour protéger l’armée, sa notoriété, sa place et son rôle, et ne conduise pas à une nouvelle guerre des camps.

Nous avons dès le début appelé à un arrêt des combats car cette question doit être traitée autrement. Protéger la réputation de l’armée c’est lui éviter de l’entraîner dans une bataille dont nous connaissons la gravité et les conséquences. Que personne ne nous accuse demain de défendre Fatah al-islam. Nous défendons l’armée, le peuple palestinien et le peuple libanais. Il faut qu’il y ait enquête pour savoir comment se sont déroulés les événements, il y a beaucoup de questions qui se posent dans le pays, il faut mettre une commission d’enquête pour définir comment cela s’est déroulé, pour le compte de qui, qui a commencé la bataille, les objectifs et ce qu’il y a derrière.

Par ailleurs, il faut se méfier de l’intervention états-unienne dans cette affaire. Aujourd’hui, ils ont installé un pont aérien pour envoyer des munitions, suite à la demande de Siniora ou d’autres, cela sera vu par la suite. Mais c’est une chose grave. Au cours de la guerre (de l’été), nous avions demandé aux États-Uniens de demander à Israël d’arrêter la guerre, nous n’avions réclamé ni armes ni munitions, mais les États-Unis avaient refusé et au contraire, avaient réclamé à Israël de poursuivre la guerre.

Quel est cet intérêt subit pour l’armée libanaise ? Lorsque ses officiers sont bombardés, lorsque ses casernes sont détruites, nous n’avons pas vu l’intérêt états-unien. C’est une question à laquelle les Libanais, les Palestiniens et les groupes du 14 ou 8 mars doivent se poser.

Est-ce qu’il s’agit de faire du Liban une scène de combats entre les États-Unis et Al QaIda ?

Pour notre part, nous étions clair, et le communiqué ministériel nous autorisait à mener la lutte pour récupérer nos prisonniers et les fermes de Chebaa, mais nous trouvons des gens qui nous disent que notre bataille fut au profit de l’Iran et de la Syrie.

Aujourd’hui nous leur demandons : est-ce que vous voulez mener la guerre des autres sur le sol libanais ? Est-ce que nous sommes concernés pour ouvrir une guerre avec Al Qaida au Liban, et par conséquent, faire intervenir et amener les éléments d’al-Qa’ida vers le Liban ? La bataille contre Al Qaida commence mais nous ne savons pas quand et comment elle se termine.

C’est un réel danger que nous devons prendre en compte.

Aujourd’hui, le Liban est devant une étape difficile et extrêmement dangereuse. Que personne ne se cache derrière son doigt en disant que tout va bien. Est-ce que nous avons réellement besoin d’entreprendre cette action et au profit de qui, avec quelles conséquences ? Ce qui s’est passé dans le nord peut être réglé politiquement, sécuritairement et juridiquement, de manière à préserver l’armée, les frères palestiniens, l’État et la paix civile. Nous n’avons pas besoin de transformer le pays en un théâtre d’opérations que nous menons à la place des États-Uniens contre Al Qaida et ses organisations, sous des appelations diverses.

Étant donné que nous sommes dans une situation d’urgence, créons un gouvernement d’urgence, composé des principales forces politiques pour discuter de tous les problèmes en suspens. Mais si certains veulent continuer à s’accaparer, de manière anticonstitutionnelle, le pays et mener une guerre, nous leur demandons : jusqu’où ?

C’est la question que vous nous avez posée lors de la capture des soldats israéliens pour faire l’échange avec nos prisonniers. Vous nous aviez accusés de ne vous avoir pas consultés. Mais aujourd’hui, nous vous demandons : qui avez-vous consulté et jusqu’où nous emmenez-vous ?

La formation d’un tel gouvernement nous permettra de préserver les acquis de la Résistance et de la libération, la souveraineté de notre pays, sa vie et son indépendance, de modifier son parcours et de nous entraider, pour éviter la guerre civile et fratricide, ou tout combat libano-palestinien.

Pour notre part, nous avons le courage de prendre une décision courageuse.

Traduction d’après Centre d’Information sur la Résistance en Palestine