En révélant l’existence d’une enquête du FBI pour espionnage au profit d’Israël, CBS News a ouvert une polémique dans laquelle s’est engouffrée toute la presse états-unienne. Le suspect, dont l’identité a été révélée par le Washington Post et livrée en pâture à l’opinion publique, a travaillé pour l’Air Force en Israël, puis pour les services de Douglas Feith au Pentagone. Il aurait transmis à Tel-Aviv, via l’AIPAC, des informations classifiées sur le soutien apporté par le département de la Défense aux Moudjahidines du peuple pour déstabiliser l’Iran.
Ce tintamarre est d’autant plus surprenant que l’articulation des services de Feith et de ceux d’Amos Yaron sont connus, que l’organigramme et les méthodes de travail de cette cellule sont éventés, et que le plan de soutien aux Moudjahidines du peuple est un secret de polichinelle. Nous avons abondamment traité ces sujets dans nos colonnes. Cette affaire d’espionnage est donc qu’un ballon de baudruche.
Pour Avinoam Bar Yosef de l’Agence juive, il en est de même à chaque élection présidentielle états-unienne. Les candidats veulent montrer leur indépendance face à Israël, poursuit-il dans le Jerusalem Post, le quotidien de la droite israélienne. Ils agitent une affaire d’espionnage, puis ils tournent la page et on n’en entend plus parler pendant quatre ans.
Cette affaire n’est qu’un malentendu, affirme le professeur Robbie Sabel dans Ha’aretz, le quotidien de la gauche israélienne. Bien sûr qu’il y a eu des transmissions d’informations classifiées via l’AIPAC. C’est précisément le rôle des diplomates que, non pas de donner, mais d’échanger des informations classifiées, et c’est le rôle de l’AIPAC de faciliter ces échanges entre Washington et Tel-Aviv. Cette enquête est assurément conduite par des officiers du FBI qui ignorent tout des pratiques diplomatiques et font du zèle.
Autre son de cloche du côté des néo-conservateurs : pour Frank J. Gaffney Jr, le coordinateur des faucons, le FBI s’est joint à la cabale du département d’État et de la CIA contre ses amis. Une fois de plus Powell tente un coup bas contre Rumsfeld. Or, la plupart des néo-conservateurs mis en cause sont juifs, donc le FBI, la CIA et le département d’État sont antisémites, poursuit-il sans rire dans le Washington Times.
On se trompe de sujet, affirme Max Boot dans le Los Angeles Times. Le problème n’est pas de savoir si le plan de soutien aux Moudjahidines du peuple a été transmis à Tel-Aviv, mais pourquoi il n’est pas appliqué. Déstabiliser l’Iran devrait être une priorité des Etats-Unis, indépendamment de l’intérêt qu’Israël peut y trouver.

Thomas H. Kean et Lee H. Hamilton, respectivement président et vice-président de la Commission présidentielle bipartisane sur le 11 septembre, défendent dans le Washington Post leurs recommandations en matière de réforme du renseignement. Accusés de vouloir renforcer le contrôle politique des quinze principales agences, ils affirment ne rechercher qu’à favoriser le partage d’informations entre elles. Observons que le débat sur cette réforme se polarise sur une question de management, la « pensée de groupe » : les analystes de la CIA qui auraient disposé d’informations pertinentes pour prévenir les attentats ont renoncé à les faire valoir pour se conformer à la pensée dominante à l’intérieur de leur service. Dans le système bureaucratique, le conformisme l’emporte toujours au détriment du renseignement qui dérange. En rapprochant les agences, on risque donc de renforcer ce conformisme et de noyer définitivement les approches originales. MM. Kean et Hamilton assurent, pour leur part, qu’il faut au contraire organiser la confrontation des analyses des diverses agences pour permettre aux réflexions dissidentes de s’exprimer. De l’extérieur, il est étrange de vouloir résoudre ainsi le problème entre les agences, alors qu’il persiste à l’intérieur de chaque agence. D’autant que le système persiste à exiger du consensus. MM. Kean et Hamilton incarnent d’ailleurs cette volonté de trouver une parole unique, au-delà des clivages partisans. Leur commission a évacué toutes les questions dérangeantes qu’elle aurait pu se poser et eux-mêmes avaient été sélectionnés pour leur connivence : le républicain Thomas Kean dirige une société pétrolière impliquée dans la construction du pipe-line en Afghanistan et a travaillé, par le passé, avec la BCCI ; tandis que le démocrate Lee H. Hamilton a veillé, lors de l’enquête parlementaire sur la BCCI, à rejeter toutes les fautes sur les protagonistes étrangers.

Le Los Angeles Times commence à s’inquiéter de la répression politique qui s’abat sur les citoyens états-uniens. Aussi a-t-il donné la parole à une célèbre victime du MacCarthysme, le scénariste d’Hollywood Walter Bernstein. Celui-ci rappelle les méthodes mises en œuvre par le FBI : jamais de violence, mais une surveillance constante et des pressions permanentes. Il vivait alors dans la peur. Et cette peur, il la revit aujourd’hui.

Enfin, Peter R. Neumann et Joshua Kilberg s’interrogent dans le New York Times sur l’évolution de l’Armée du Mehdi en Irak. On croyait en avoir fini avec les miliciens de Moqtada el-Sadr à Nadjaf, on doit encore les affronter à Bagdad. On pensait qu’ils rendaient les armes et entraient dans le processus politique, on devra compter sur eux à la fois sur le plan militaire et sur le plan politique. L’Armée du Mehdi est en train de devenir une milice-parti comme le Hezbollah libanais. Les deux groupes sont chiites et liés à l’Iran.