Paul Glastris, ancien conseiller de Bill Clinton, prodigue ses conseils au candidat Kerry dans le New York Times. Il approuve l’engagement de retirer d’ici quatre ans les troupes d’Irak, mais souligne que Kerry serait plus crédible s’il reconnaissait s’être trompé en votant pour la guerre. Il l’incite aussi à se prononcer pour la création d’une nouvelle alliance face au terrorisme sur le modèle de ce que fut l’OTAN face au communisme. Cet exercice révèle l’identité profonde entre les deux candidats et la classe dirigeante washingtonienne : tous s’accordent pour une politique impériale au cours de laquelle les rebelles seront neutralisés au nom de la lutte contre le terrorisme.
Dans le même quotidien, l’ancien sénateur démocrate Bob Kerrey se félicite du ton plus mordant adopté ces derniers jours par John Kerry, quoi qu’il soit encore trop doux. Donnant lui aussi des conseils qui ne lui ont pas été demandés, il insiste dans le même quotidien pour que le candidat aborde enfin la question du commerce. En effet, en vertu des accords de l’OMC, que Washington a imposé au reste du monde, les quotas protectionnistes dans de nombreux domaines prendront fin l’année prochaine. Il en résultera le même phénomène que dans les États qui ont déjà renoncé à leur protection douanière : des importations massives de biens à faible valeur ajoutée et des pertes, tout aussi massives, d’emplois dans les secteurs concernés. Mais Kerrey ne propose aucune solution, il se contente de préconiser la tenue d’une conférence nationale sur ce sujet.
Cependant, John Kerry a déjà publié son programme économique dans le Wall Street Journal. Comme pour l’ensemble de sa campagne, il se borne à dire que, s’il était élu, il ferait la même chose que George W. Bush, mais en mieux. Il insiste toutefois sur quatre points :
 Il se propose de s’opposer aux délocalisations. Mais on ne voit pas comment, dans un système capitaliste libéral, il peut affirmer que les entreprises US sont les plus compétitives du monde (ce qui est factuellement faux) et qu’il ne faut pas délocaliser les métiers à faible valeur ajoutée.
 Il annonce qu’il réduira les impôts (leitmotiv obligatoire) et qu’il baissera le coût des dépenses de santé pour les classes moyennes. C’était déjà une promesse du couple Clinton et elle fut enterrée en cours de mandat. Depuis les choses ont considérablement empiré. Comme ses prédécesseurs, Kerry entend réaliser des économies sur la paperasse, mais le vrai problème, c’est le prix des médicaments fixé unilatéralement par les laboratoires. À ce sujet, il déclare qu’il n’hésitera pas à prendre des mesures, mais se garde bien de dire lesquelles.
 Il souligne vouloir restaurer la compétitivité des entreprises (alors que quelques lignes plus haut, il affirmait qu’elle était la meilleure du monde), notamment en relançant la recherche dans les domaines où Buh les a fermé pour cause de fondamentalisme chrétien.
 Enfin, il proclame vouloir diminuer le déficit public de moitié en quatre ans sans donner la moindre indication crédible de sa méthode.
Mais le plus surprenant est pour la fin. Kerry assume pleinement que les États-Unis ne sont pas une démocratie politique, mais un État aux mains de multinationales. Il écrit donc que l’ élection présidentielle sera « la réunion nationale des actionnaires » de l’entreprise USA. Et l’on comprend bien que, dans ce système, les citoyens de base n’auront pas plus droit au chapitre que les actionnaires minoritaires des grandes sociétés.

Mic R. Dinsmore, responsable de la sécurité du port de Seattle, alerte ses concitoyens sur les dangers d’attentat dans les ports états-uniens et la paralysie de l’économie fédérale qui s’en suivrait. On peut en effet tout imaginer. Cette tribune, publiée par le Washington Post, étaye les mises en garde du général Ralph E. Eberhart, commandant en chef des forces du Nord. Elle peut à la fois justifier de nouveaux crédits pour la lutte anti-terroriste et d’une extension des pouvoirs du Commandement du Nord, jusqu’ici compétent pour les seules questions aériennes et terrestres, mais pas maritimes.
Et puisque l’on joue à se faire peur, Graham Allison, ancien conseiller de Bill Clinton, apporte ses fantasmes personnels à la paranoïa aiguë qui frappe les États-Unis. Il révèle dans le Los Angeles Times, qu’en octobre 2001, la NEST (un service secret du département de l’Énergie) fut chargée de rechercher à New York une bombe nucléaire qui, selon la CIA, y avait été placée par Al Qaïda. Elle ne fut pas trouvée et n’a pas encore explosé. D’autres bombes peuvent avoir été fabriquées depuis et placées dans d’autres villes. D’autant que divers États sont susceptibles de se livrer à du trafic de matières radioactives.

Enfin, dans un entretien accordé au Figaro, le secrétaire d’État français aux Affaires étrangères, Renaud Muselier, récuse à son tour le qualificatif de « génocide » pour désigner les massacres perpétrés au Darfour, utilisé par les États-Unis et le Royaume-Uni. Adoptant partiellement le point de vue du gouvernement soudanais, auquel nous avons donné la parole dans ces colonnes, il confirme que Khartoum participe à la solution de la crise humanitaire.