Cet article est le second d’une enquête en deux volets. Le premier, Halliburton ou le pillage de l’État exposait l’ascencion fulgurante de la petite société créée au début du siècle dernier.

La fusion de Brown & Root avec Halliburton prend forme peu de temps après la mort d’Herman Brown en 1962, quand son frère George en prend la tête et décide de mener les négociations. L’accord est finalisé fin 1962, Halliburton rachetant 95 % des parts de Brown & Root pour la somme de 36 750 000 dollars et intégrant George Brown dans son conseil d’administration. Cette fusion pouvait difficilement se réaliser tant qu’Erle Halliburton et Herman Brown étaient vivants ; le premier détestait le milieu politique dans lequel les Brown évoluaient tandis que le second hésitait à passer les commandes de sa société.

Un gouffre financier à vocation scientifique

En 1961, peu avant la mort d’Herman Brown, Brown & Root s’était engagé dans un très ambitieux projet de forage d’un puits à une profondeur exceptionnelle, qui devait percer le mystère de la couche de la croûte terrestre située à près de dix kilomètres sous terre. À l’origine du projet baptisé « projet Mohole », la National Science Foundation s’inspire des travaux du savant yougoslave Andrija Mohorovicic, qui a découvert cette zone de la croûte terrestre encore inexplorée, appelée la « moho ». Les seuls endroits où l’épaisseur de la croûte terrestre permettent de creuser un tel puits étant situés sous des eaux profondes, il faut déployer un impressionnant dispositif flottant afin d’y parvenir.

Projet Mohole
Plateforme de forage.

Brown & Root soumet son offre au dernier moment, à la grande surprise de la National Science Foundation car elle n’a qu’une maigre expérience en forage offshore et peu de personnel qualifié. Le devis de Brown & Root est d’ailleurs saturé en références marketing et ne s’étend guère sur sa réalisation technique. Pourtant son offre parvient à se classer en cinquième position lors de la première évaluation, loin derrière celle de Socony Mobil qui selon le comité « sort véritablement du lot ». L’avis du House Appropriations Committee, qui accorde les fonds à la National Science Foundation pour le projet, doit déterminer l’attribution finale. Par chance pour Brown & Root, le président du comité n’est autre que le représentant texan Albert Thomas, membre du « Groupe de la Suite 8F » qui a largement profité des largesses de Brown & Root, notamment après la construction de la base de Corpus Christi. Lorsque celui-ci apprend que Brown & Root est dans la course, il ne lui en faut pas plus ; l’offre de son bienfaiteur est retenue avec un commentaire de Thomas pour la qualifier : « une œuvre d’art ».

Le même scénario se répète ensuite inlassablement : de surcoût en surcoût, le budget initial de 15 millions de dollars enfle à vue d’œil pour atteindre finalement 125 millions de dollars. L’un des plus virulents critiques du projet est un jeune représentant de l’Illinois qui dénonce le rôle des contributions politiques dans l’attribution du contrat et demande l’arrêt complet du projet en plus du gel des crédits. C’est Donald Rumsfeld. Certes, le président Johnson demande au Sénat la réactivation du projet en 1965, mais il est déjà trop tard. Ironie de l’histoire, aujourd’hui Donald Rumsfeld jongle avec les arguments pour défendre le choix du Pentagone portant sur Brown & Root pour les contrats irakiens, face au parlementaire démocrate Henry Waxman.

Brown & Root laissera, avant de prendre un nouveau départ à l’étranger, une dernière trace de ses intrigues politiques sur le sol états-unien : le centre aérospatial de Houston (Texas). Albert Thomas et Lyndon Johnson, après avoir fait en sorte que le site de Houston soit retenu, placent une nouvelle fois Brown & Root en tête de la compétition pour réaliser ce qui deviendra le Johnson Manned Spacecraft Center.

Le Johnson Manned Spacecraft Center de Houston

Sous-traitance du massacre vietnamien

John Kennedy s’était engagé dans la guerre du Viet-Nam à reculons, sous la pression de ses conseillers militaires, de son vice-président Johnson et de la CIA. Suite à son assassinat, le « Groupe de la Suite 8F » [1], Brown & Root en tête, va profiter comme nuls autres de l’engagement croissant au Viet-Nam après que Johnson eût gonflé au maximum l’incident du Golfe du Tonkin.

L’envoi de troupes terrestres au Viet-Nam occasionne une avalanche de contrats pour la construction de bases, de pistes d’aviation, de ports et de ponts. En 1965, un an après l’engagement décidé par Johnson, Brown & Root s’allie avec trois autres géants de la construction et de la gestion de projets (Raymond International, Morris-Knudsen et J. A. Jones) pour former l’un des conglomérats civils de construction militaire les plus importants au monde, qui raflera pour plus de deux milliards de contrats « cost-plus » au Viet-Nam. Entre 1965 et 1972, Brown & Root en tire 380 millions de dollars de bénéfices. Comme récemment en Irak, la priorité est donnée à la rapidité d’exécution plutôt qu’aux moindre coût ; les surcoûts se chiffrent donc en centaines de millions. À l’apogée de son activité sur place en 1967, Brown & Root est le plus gros employeur au Viet-Nam avec 51 000 hommes, souvent impliqués dans le marché noir et la spéculation monétaire. Le New York Times estime à l’époque que jusqu’à 40 % des milliards qui y sont dépensés sont volés, utilisés pour corrompre ou littéralement flambés. Le General Accounting Office mène une enquête qui conclue en 1967 que le consortium RMK-BRJ a perdu 120 millions de dollars durant ses cinq premières années d’activité au Viet-Nam. Aux yeux des pacifistes états-uniens, Brown & Root devient le symbole ultime des profiteurs de guerre, et George Brown sa plus parfaite incarnation. Pourtant, d’après Dan Briody, l’auteur de The Halliburton Agenda, George Brown déconseillait vivement à Johnson d’intensifier l’engagement états-unien dans le conflit, mais ce dernier n’en avait cure.

Le projet « Mohole », la base aérospatiale de Houston et la guerre du Viet-Nam ont fait de Brown & Root la plus grosse entreprise de construction états-unienne en dépit de sa nouvelle réputation. Lyndon Johnson meurt en 1973 et George Brown prend sa retraite en 1975. La fin des années 70 et les années 80 sont donc une période de déclin économique pour Brown & Root, qui a perdu son tracteur politique et voit en conséquence ses contrats gouvernementaux se tarir.

Kennedy et la Suite 8F

Avant même la mort de Johnson, Brown & Root trouve pourtant un nouveau poulain en la personne de John Connally, le directeur de campagne de Lyndon Johnson pendant des décennies, qu’elle intègre à son conseil d’administration. Il est aussi gouverneur du Texas pendant une bonne partie des années 60 avant de devenir proche conseiller de Richard Nixon. Mais ce n’est pas tout ; le nouvel homme de Brown & Root à Washington était assis à l’avant du véhicule de John F. Kennedy lorsque celui-ci fut abattu en novembre 1963, et travaillait au début des années 70 pour Vinson & Elkins, un puissant cabinet d’avocats fondé par James Elkins, un membre de la « Suite 8F ». Connally est nommé au poste de secrétaire au trésor par Nixon en 1971, et organise rapidement des rencontres entre le président et le « Groupe de la Suite 8F ». Chez Brown & Root, on se frotte déjà les mains à l’idée de voir Connally remplacer Spiro Agnew à la vice-présidence quand l’affaire du Watergate prend de l’ampleur. Mais l’ambiguïté politique de Connally, qui a rejoint le camp républicain sur le tard, lui attire les foudres du parti démocrate et en conséquence Nixon choisit finalement Gerald Ford. Un an plus tard, Nixon démissionne et se retire de la politique, emportant avec lui beaucoup de personnalités politiques proches de lui, dont Connally.

John Connally acceuillant le couple Kennedy dans la voiture où JFK fut assassiné
22 novembre 1963.

1976 et 1977 seront des années noires pour Brown & Root, qui perd cinq de ses hauts cadres dans des circonstances pour le moins étranges. Quatre d’entre eux meurent en 1976 lorsque leur avion s’écrase à deux kilomètres de la piste d’atterrissage, et le président de la compagnie se suicide au beau milieu d’un procès portant sur une affaire d’entente illicite sur les prix entre Brown & Root et un compétiteur, J. Ray McDermott.

Travail au noir pour l’opération Iran-Contra

Vraisemblablement, cette période de vache maigre incite Brown & Root à se tourner vers d’autres activités, cette fois dans l’ombre et au cœur de l’affaire Iran-Contra. En 1977, la société est chargée de réceptionner l’héroïne et la cocaïne dans ses installations pétrolières du Golfe du Mexique, de la faire entrer aux États-Unis via la Nouvelle Orléans sur ses navires qui acheminent ensuite vers l’Iran les armes achetées grâce aux bénéfices de la vente de drogues [2]. Brown & Root a ainsi joué un rôle fondamental dans les transactions criminelles qui ont permis à l’administration Reagan de gagner facilement les élections de 1980 et de financer nombre d’opérations spéciales que le Congrès refusait d’assumer.

Échec en Iran et retour aux sources avec l’Irak

Selon un traité signé en 1975 entre le Shah d’Iran et Saddam Hussein, le Shah avait cessé son soutien militaire officiel aux rebelles kurdes qui se battaient contre les troupes de Saddam Hussein dans le nord de l’Irak. En échange, le Shah bébéficiait d’un accès au passage maritime de Shat al-Arab et pouvait ainsi multiplier les bénéfices générés par ses exportations de pétrole. Pour ne pas perdre son précieux relais kurde, la CIA avait alors utilisé Brown & Root, qui menait des activités dans les deux pays et à proximité de Shat al-Arab, pour réarmer les kurdes. Toute l’opération avait été financée par l’héroïne [3].

Brown & Root profite de ses contacts à Téhéran et décroche, en 1977, 800 millions de dollars de contrats avec le gouvernement iranien pour la construction de deux bases navales dans le golfe d’Oman. Mais deux ans plus tard, le renversement du Shah par l’Ayatollah Khomeini l’oblige à quitter le pays en perdant 23 millions de dollars au passage. Son chiffre d’affaire s’éffondre et sa main d’œuvre suit le mouvement. De 80 000 employés en 1979, elle passe à 20 000 en 1984. Elle se tourne en vain un moment vers le nucléaire, qui ne lui rapporte que davantage d’ennuis. Les cours du pétrole ne soufflent pas non plus dans sa direction ; en 1986, alors qu’ils baissent rapidement, la compagnie perd 6 millions de dollars par mois. La société-mère Halliburton en souffre également et divise sa force de travail par deux.

La seule chose qui peut alors sauver Halliburton est une guerre. Lorsque les troupes de Saddam Hussein envahissent le Koweït à l’automne 1990, une dizaine d’employés d’Halliburton qui n’avaient pas respecté les consignes d’évacuation sont pris au piège en Irak et faits prisonniers. Saddam Hussein les fait libérer au mois de décembre dans l’espoir de faire renoncer la coalition à son intervention, mais c’est peine perdue.

À l’issue de « l’Opération Tempête du désert », 740 puits de pétrole koweïtiens auraient été incendiés par les troupes irakiennes, gâchant 7 millions de barils par jour. Les autorités koweitiennes, qui ont trouvé refuge de l’Arabie Saoudite jusqu’aux États-Unis, se démènent pour former une équipe qui éteindra les feux. Quatre groupes sortent du lot et se partagent ce marché : Red Adair, Boots & Coots, Wild Well Control (tous les trois de Houston) et les Canadiens de Safety Boss. Bechtel se charge du soutien logistique. Halliburton, qui met 60 hommes sur la mission, accuse par ailleurs des pertes s’élevant à 29 millions de dollars en raison de la guerre, mais en profite pour s’immiscer dans le volet nettoyage et reconstruction qui doit coûter quelques 200 milliards de dollars sur 10 ans. Brown & Root décroche pour sa part 3 petits millions de dollars de contrats pour l’évaluation des dégâts sur les bâtiments koweïtiens, qui seront multipliés par sept à la fin de leur réalisation, et revendique avoir éteint 320 puits.
Ces chiffres sont aujourd’hui contestés par un des avocats de Saddam Hussein, le Français Emmanuel Ludot. Selon lui, il n’y aurait eu qu’une centaine de puits incendiés et ils l’auraient été collatéralement par les bombardements états-uniens. Les chiffres auraient été gonflés pour augmenter les dommages de guerre [4].

Modeste moisson en somme pour Halliburton, mais un président texan a lancé une guerre et lui a permis de reprendre place, pour la première fois depuis le Viet-Nam, parmi les contractants du gouvernement et de l’armée. Elle s’occupera ensuite de l’évacuation des troupes d’Arabie Saoudite ainsi que de l’acheminement des munitions depuis le Moyen-Orient vers d’autres régions du monde. L’explosion de la sous-traitance militaire qui fait suite à la première guerre du Golfe sera l’occasion pour Halliburton de se refaire une santé d’acier...

Brown & Root inaugure la « privatisation » de l’armée

La diminution annoncée des effectifs de l’armée U.S. à la fin de la Guerre froide et la promesse d’une « cagnotte de paix » au peuple états-unien, avec en parallèle la multiplication des petites interventions armées des États-Unis qui font souvent cavalier seul, encouragent la sous-traitance ou « privatisation de l’armée ». Ce concept contraste pourtant avec les idéaux mêmes les plus libertariens du pays, qui entendent généralement se débarrasser de l’État à l’exception de l’armée et de la police. Pourtant, depuis la première guerre du Golfe, le nombre de « contractants privés » employés sur ou autour du champ de bataille a été multiplié par dix.

Séduit par les performances d’Halliburton lors de la première guerre du Golfe et par la perspective de pouvoir déployer rapidement sa logistique de guerre lors de micro-conflits autour du monde, le Pentagone émet peu après cela un appel d’offre pour l’élaboration d’un rapport classifié à 3,9 millions de dollars, censé démontrer comment une firme privée peut apporter un appui logistique à l’armée lors de futurs conflits. Le rapport doit se pencher sur 13 « points chauds » de par le monde et détailler comment divers services allant de la construction de bases à l’alimentation des troupes y seraient organisés, avec 20 000 hommes déployés pendant 180 jours. Bien entendu, des 37 sociétés sollicitées par cet appel d’offre, c’est Halliburton qui décroche le gros lot, avec en prime, un peu plus tard, l’extension du rapport pour justifier de la faisabilité de l’attribution d’un contrat de soutien logistique à une seule et unique compagnie. Le rapport ainsi produit convainc le secrétaire à la défense Dick Cheney qu’une seule et même compagnie peut assumer ce rôle.

Devenu le standard pour ce type de contrat (connu sous le nom de LOGCAP, pour Logistics Civil Augmentation Program), celui qui fut élaboré à partir du rapport de Brown & Root sera également attribué d’emblée à Brown & Root pour une durée de cinq ans. Ce contrat standard a été utilisé depuis 1992 pour tous les conflits dans lesquels s’est engagée l’armée états-unienne, qui a déjà versé pour cela plusieurs milliards de dollars. Si les bénéfices qu’en tire Halliburton lors des premiers conflits sont somme toute modestes (Somalie : 109,7 millions $ ; Rwanda : 6,3 millions ; Haïti : 150 millions), l’armée est rapidement devenue dépendante des services de la firme, et beaucoup de soldats témoignent du fait que la société texane leur rend la vie plus facile dans les bases. Forte de ce monopole qui va croissant, Halliburton publie des résultats globalement satisfaisants jusqu’en 1995 et l’arrivée de Dick Cheney à sa direction.

Le nouvel homme d’Halliburton à Washington

Après avoir quitté son bureau du Pentagone en 1993 pour laisser la place à l’administration Clinton, Dick Cheney rejoint l’American Enterprise Institute qui planche d’ores et déjà sur le « changement de régime » en Irak. Il envisage un moment de s’engager dans la course à la présidentielle de 1996, mais finit par jeter l’éponge, constatant que son charisme n’est pas à la hauteur du défi et craignant que le lesbianisme affiché de sa fille ne le discrédite auprès de l’électorat puritain. C’est lors d’une partie de pêche dans le New Brunswick que les amis chefs d’entreprise de Cheney, qui gambergent sur un nouveau PDG pour Halliburton, décident qu’il est l’homme de la situation malgré son inexpérience totale dans le secteur pétrolier. Ses contacts permettront effectivement à Brown & Root de facturer plus de 2 milliards de dollars au gouvernement états-unien entre 1995 et 2000.

Camp Bondsteel, Kosovo, mars 2000

Un exemple des travaux réalisés par Brown & Root durant cette période est le camp Bondsteel en Croatie, la plus grande et coûteuse base U.S. depuis le Viet-Nam, où Brown & Root a construit des routes, une centrale électrique, un système d’approvisionnement en eau et d’égoûts, des logements, un héliport, une clôture de protection gardée ainsi qu’un centre de détention. Cette base se trouve incidemment sur le tracé du pipe-line transbalkanique AMBO (Albanian-Macedonian-Bulgarian Oil), dont Brown & Root a aussi élaboré la plan de faisabilité.

Une pluie de contrats LOGCAP a irrigué les comptes d’Halliburton dès l’arrivée de Cheney à sa tête, bondissant d’une valeur totale de 144 millions de dollars en 1994 à plus de 423 millions en 1996. En 1999, l’armée dépensait près d’un milliard de dollars par an pour les travaux d’Halliburton rien que dans les Balkans.

En septembre 1998, Halliburton finalise un accord pour racheter la compagnie Dresser Industries et devient ainsi la plus grande société d’équipements pétroliers au monde. Par la même occasion elle prend le contrôle de deux filiales de Dresser qui commercent avec l’Irak dans le cadre du programme « pétrole contre nourriture », Dresser-Rand et Ingersoll Dresser Pump Co.. Ces deux filiales signent pour 73 millions de dollars de contrats pour la production de pétrole durant la présidence de Cheney à Halliburton, ce qui n’empêche pas Cheney d’affirmer pendant la campagne Bush-Cheney 2000 qu’il a une « politique intangible » lorsqu’il s’agit de faire des affaires avec l’Irak, tout en admettant des liens commerciaux avec l’Iran et la Lybie. Il reconnaîtra peu de temps après les liens de Dresser avec le programme, mais prétendra ne pas avoir été au courant.

Aujourd’hui, Halliburton se taille une fois de plus une bonne part du gâteau irakien et pour cela elle peut évidemment remercier Dick Cheney. Même le sabotage des oléoducs lui est profitable ; elle importe en effet du pétrole dans ce pays qui possède pourtant les deuxièmes réserves au monde, pour un coût de 6 millions de dollars par jour. Fin 2003, on estimait que la restauration de l’industrie pétrolière irakienne et la logistique de l’armée états-unienne, opérées par Halliburton, coûteraient un total d’environ 2 milliards de dollars au gouvernement états-unien. Il s’agit bien entendu d’un montant qui enfle avec le temps, comme à l’accoutumée. Via sa filiale de soutien logistique militaire et de mercenariat Kellog Brown & Root, Halliburton se nourrit ainsi directement de la destruction occasionnée par les guerres impériales, puis reconstruit l’infrastructure pétrolière à l’endroit du monde où le pétrole génère le plus de profits. Cette société incarne le processus que Rosa Luxembourg décrivait il y a un siècle : « L’impérialisme est l’expression politique du processus de l’accumulation capitaliste se manifestant par la concurrence entre les capitalismes nationaux autour des derniers territoires non capitalistes encore libres du monde. » [5].

Cet article est le second d’une enquête en deux volets. Le premier, Halliburton ou le pillage de l’État exposait l’ascencion fulgurante de la petite société créée au début du siècle dernier, en plein essor de l’industrie pétrolière.

[1De nombreux auteurs ont documenté que les membres du « Groupe de la Suite 8F » du Lamar Hotel ont comploté pour faire assassiner John F. Kennedy. La version officielle veut qu’ils n’aient pas eu le temps de mener leur plan à exécution et qu’ils aient été doublés par un marginal, Lee Oswald.

[2« The Bush-Cheney drug empire », par Michael C. Ruppert, From The Wilderness, 24 octobre 2000. M. Ruppert a livré le même témoignage de premier plan à la Commission du renseignement du Sénat lors des auditions sur l’affaire Iran-Contra, ainsi que devant la Commission Kerry pour la même affaire. L’absence de suites lui a fait conclure que John Kerry lui-même était chargé en tant que président de cette commission d’étouffer l’affaire. Son succès dans cette mission, attesté par la présence aujourd’hui de la plupart des acteurs d’Iran-Contra au sein de l’administration Bush fils, lui aurait donc valu la confiance définitive de l’élite politico-économique.

[3Paul Jabber témoignera formellement de cela devant Michael Ruppert en 1983, alors qu’il occupe le poste de professeur de science politique à l’Université de Los Angeles. En 1983, il quitte cette université pour devenir vice-président de la Banker’s Trust et président du département Moyen-Orient au Council on Foreign Relations.

[4Saddam Hussein, présumé coupable par Me Emmanuel Ludot, Carnot éd., 2004.

[5« L’accumulation du capital », Rosa Luxembourg, 1913.