« Peoplisation » des consciences, citoyennes comme politiques. Alimentation des fantasmes sur la dimension humaine des hommes de pouvoir... De la formation « féminisée » du gouvernement aux vacances de Ségolène Royal, en maillot de bain dans Paris Match, la presse hebdomadaire —pas seulement people…— ne tempère plus son enthousiasme. Depuis plusieurs semaines, nous assistons à une rotative de « Une » sur la Secret Story de la vie politique française, éclipsant l’action effective du gouvernement.
Dernier exemple en date, parmi tant d’autres à ses côtés sur les kiosques, le magazine L’Express (daté de la semaine du 12 au 18 juillet 2007), qui consacre son dossier aux relations du président Sarkozy avec la gent féminine de son gouvernement. Un dossier intitulé « Sarkozy et les femmes », étayé par 3 sous-titres : « Ce qu’il veut faire pour elles », « Gouvernement : leur influence » et « Que devient Cécilia ? » (sic). Le parallèle, plus que douteux, établis entre les rapports de l’homme publique avec les femmes de son gouvernement et de l’homme privé avec sa femme, se retrouve aussi dans le choix de l’iconographie : la « Une » met sur le même plan le baiser du couple « Nicolas-Cécilia » et une photo du président, tout sourire, entouré des femmes de son gouvernement. Ce qui suppose, à différents degrés de lecture, une admiration béate de l’homme par L’Express, et/ou de lourds sous-entendus.
Comme pour mieux faciliter l’identification de chacun à l’image du président à « visage humain », le dossier concède que le président de la République ne s’est entouré que tardivement de femmes, mais que le « premier homme de France » avait depuis comblé ce retard. Une concession largement rattrapée par la suite : de la figure du gentleman, courtois à l’égard d’une Michèle-Alliot Marie agressive, à celle du père aux conseils avisés auprès d’une Christine Lagarde pleine de gratitude, L’Express ne lésine pas sur le maniement des différentes représentations à la mode de l’homme idéal d’aujourd’hui.
Le plus surprenant, c’est sans doute l’image qui est donné de Nicolas Sarkozy, au travers des mots de Rachida Dati —après Le Point qui en avait fait sa « Une » la semaine précédente—, qualifiée en chute d’article de « groupie décomplexée de l’homme providentiel », où celui-ci apparaît comme un véritable séducteur. L’article rapporte ainsi : « Elle dit qu’elle se pose chaque jour deux questions depuis qu’elle travaille avec Nicolas Sarkozy : « Est-ce que c’est vrai ? » ; « Est ce que ça va durer ? » » ou encore, au sujet de leur premier rencontre et de sa volonté de participer au travail sur la prévention de la délinquance : « Quand il va ouvrir la bouche, je veux que ce soit pour me dire oui. » Cela, sans compter sur « La discrète » Cécilia Sarkozy, femme inaccessible et source de convoitise auprès de qui les ministres et le président lui-même, peu avares de boniments, viennent demander conseil.
En décidant de jouer sur son image de « candidat permanent » - selon les propres mots du Président de la République -, donc constamment en campagne de séduction, L’Express participe à l’élaboration d’un consentement collectif à la politique du gouvernement français, puisque au fond, il est « le président que vous aimeriez être ».
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