La violence ne cesse d’augmenter dans les zones de combats d’Afghanistan. Sans se préoccuper des pertes, les troupes d’occupation et leurs adversaires indigènes se livrent une guérilla inhumaine. Ce que disait le grand cynique américain Henry Kissinger à propos du désastre vietnamien se vérifie de plus en plus : « L’armée perd tant qu’elle ne gagne pas mais la guérilla gagne tant qu’elle ne perd pas. Et le slogan officiel selon lequel c’est l’Allemagne que l’on défend en Hindou Kouch révèle de plus en plus nettement sa monstrueuse niaiserie.

Les citoyens allemands pris en otage, les attentats à la bombe contre des soldats de la Bundeswehr, les massacres d’Afghans innocents par les troupes d’occupation, toute cette terreur quotidienne loin du pays ne réussit pas à faire changer d’avis les responsables politiques. Les questions dictées par le scepticisme, les objections à la « guerre contre le terrorisme » imposée par les Etats-Unis sont une exception. Ce qu’a déclaré récemment la ministre de la Justice Brigitte Zypries mérite pourtant d’être relevé : « La question n’est pas de savoir si nous devons ou non tuer Ben Laden mais pourquoi, après six ans, nous ne l’avons pas trouvé. »

Mais ce que Willy Wimmer, voix inflexible mais solitaire du groupe parlementaire CDU, a déclaré à propos de la croisade anti-terroriste que mène l’occident en Hindou Kouch est littéralement sensationnel : « Le Président afghan m’a dit confidentiellement il y a quelques semaines, que les Américains auraient pu finir la guerre il y a trois ans. Je me demande pourquoi cela ne s’est pas produit. » Willy Wimmer en conclut pertinemment que « nous devrions plutôt nous demander s’il y a des forces qui tiennent à empêcher un retrait d’Afghanistan et non si nous voulons ce retrait. »

Il devrait effectivement s’agir ici du fin mot de l’histoire. En Allemagne, le débat actuel sur l’Afghanistan reflète exactement le propos de cet excellent connaisseur de la situation là-bas. Il est évident que la question du retrait de cette guérilla que tous les experts militaires considèrent comme perdue représente une rupture de tabou aux yeux des parties au conflit. En effet, on tergiverse sur de minimes déplacements de lignes de front devant permettre à l’Allemagne de se retirer de l’« Opération Liberté immuable » (OLI), c’est-à-dire de la guerre criminelle menée dans le Sud et l’Est de l’Afghanistan sous le commandement des Etats-Unis. Il serait alors d’autant plus facile de poursuivre le mandat de la FIAS – opération de stabilisation légitimée par l’ONU et placée sous le commandement de l’OTAN – en envoyant des Tornados.

Toutefois, les partisans de cette stratégie sont victimes d’une illusion colossale : il y aurait d’une part « bonne » mission, pacifique, celle de la FIAS et d’autre part une « mauvaise » mission, belliqueuse, celle de l’OLI, les deux n’ayant rien à voir l’une avec l’autre. Or cela ne correspond pas à la réalité de l’engagement en Hindou Kouch. Premièrement, la FIAS et l’OLI ne sont absolument pas distinctes mais étroitement coordonnées, comme le montre notamment l’utilisation commune des avions de reconnaissance Tornado.

Deuxièmement, avec l’extension de la mission de la FIAS à l’ensemble du pays, d’anciennes unités de l’OLI ont été placées sous un autre commandement, c’est-à-dire qu’elles poursuivent leurs combats simplement sous une autre étiquette. Il est très peu probable que les résistants afghans vont éviter de faire usage de leur arme parce que leurs cibles porteront le sigle FIAS.

Troisièmement, le sale boulot de l’OLI reste un sale boulot quand on le confie aux Alliés. Il est donc tout à fait irréaliste de croire que dans le Nord de l’Afghanistan les soldats de la Bundeswehr peuvent poursuivre leur mission « pacifique » sans problèmes tandis que dans le Sud, leurs camarades de l’OTAN poursuivent une campagne barbare dont souffre avant tout la population civile pachtoune.

Et malgré cela, la devise de Berlin est la suivante : Fermons les yeux dans l’intérêt de l’Alliance. La Sainte-Alliance atlantique est en jeu. On peut donc continuer de tuer et de mourir dans le lointain Hindou Kouch.

Traduction : Horizons et débats.