La possible ouverture de négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne provoque un débat confus et passionné mêlant critique de la société turque et analyses stratégiques. Jean-Daniel Tordjman fait remarquer que ce tintamarre est excessif car les négociations dureront au moins 10 ans et que personne ne peut dire ce que seront la Turquie et l’Union à ce moment-là. Mais le débat est lancé.
Alors que la Commission européenne devait se prononcer aujourd’hui pour l’ouverture de négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne, les prises de position contradictoires se multiplient.
L’ambassadeur Jean-Daniel Tordjman fait remarquer dans Le Figaro que ce tintamarre est d’autant plus excessif que les négociations dureront au moins 10 ans et que personne ne peut dire ce que seront la Turquie et l’Union à ce moment-là. Peu importe, le débat est lancé et il est confus et passionné.
Deux aspects de la question doivent être distingués : celui qui porte sur la société turque et celui qui analyse les conséquences stratégiques d’une éventuelle adhésion.
L’ancien ministre français des Affaires européennes, Alain Lamassoure, prend bien soin de ne pas stigmatiser frontalement la société musulmane. Dans Le Figaro, il s’essaie à un argument de contournement : la Turquie ne doit pas entrer dans l’Union européenne parce que le continent européen s’arrête au Bosphore. C’est limpide sous la plume d’un démocrate-chrétien qui a assuré pendant des années que l’Union se fondait sur des valeurs démocratiques et n’avait jamais évoqué d’argument géopolitique classiquement réservé à l’extrême droite. De son côté, l’écrivain Nedim Gursel relève dans Libération de plus franches déclarations d’intolérance, comme celle de Jean-Pierre Raffarin, et se demande si la vieille Europe a atteint la sagesse de la maturité.
Sur le plan stratégique, l’adhésion de la Turquie est une vieille lune de Washington qui souhaite toujours voir se recouper le futur grand marché transatlantique et l’OTAN. Vue des États-Unis, Ankara était aux mains de militaires dévoués et le reste n’importait pas. Tel-Aviv, qui entretenait des relations privilégiées avec les militaires turcs, pouvait ainsi espérer glisser à son tour un pied dans l’Union. Mais, comme le souligne le travailliste Alon Liel dans Ha’aretz, une fois la Turquie dans l’Union, les liens d’Ankara avec les États-Unis et Israël se distendraient peut-être. D’autant que la Turquie a déjà changé. Elle a refusé de participer à l’agression de la Coalition contre l’Irak et se détourne d’Israël depuis que l’État juif mise sur la création d’un Kurdistan.
La Turquie a déjà tout essayé : elle a voulu jouer de sa culture musulmane pour se tourner vers les États arabes, mais a essuyé un refus ; elle a espéré bénéficier de l’effondrement de l’URSS pour se tourner vers les populations turcophones d’Asie centrale, mais en a été empêchée par le Pentagone. Elle ne pourrait pas supporter une fermeture européenne. À l’inverse, son intégration dans l’Union ouvrirait l’Europe occidentale à l’islam et ferait de la Turquie la charnière entre deux mondes, souligne Amir Taheri dans Gulf News. C’était d’ailleurs la stratégie de la Sublime Porte jusqu’à la Première Guerre mondiale.
On se souvient qu’en juillet 2002, les néo-conservateurs demandèrent à Laurent Murawiec de lancer un ballon d’essai : dans une conférence devant le Conseil consultatif du Pentagone, l’expert français stigmatisa l’islam comme une religion archaïque productrice de terrorisme et préconisa le renversement des Séoud et la prise de contrôle de La Mecque. Devant le tollé général, M. Murawiec avait été remercié de la Rand Corporation et recasé au Hudson Institute. Il revient aujourd’hui à la charge dans Le Figaro. Il dresse une description sinistre du Proche-Orient où règnerait le terrorisme généralisé. Pour les besoins de sa démonstration, il qualifie de terroriste tous les groupes s’opposant à l’occupation israélienne illégale des territoires palestiniens, libanais et syriens, et multiplie les amalgames. Puis, il en vient à l’élection présidentielle états-unienne pour qualifier Kerry de candidat du 10 septembre et Bush de candidat du 12 septembre. Le premier serait un homme d’une période révolue, celle du droit international et de l’ONU ; le second serait un leader contemporain, seul apte à lutter contre le terrorisme global. On ne sait s’il faut considérer cette tribune comme une rhétorique de campagne et l’oublier, ou s’il faut la prendre au sérieux. Dans ce dernier cas, elle confirmerait l’intention des néo-conservateurs de multiplier les ingérences au Proche-Orient pour remodeler la région.
Dans le même esprit, Erick Stakelbeck affirme dans le New York Sun que le Hamas palestinien va frapper les États-Unis. Pour preuve : un responsable de l’organisation a été arrêté alors que son épouse le filmait au camescope devant un pont du Maryland. À n’en pas douter, le couple repérait les lieux en vue d’une attaque terroriste. Autre preuve : le Hamas soutient la résistance irakienne face aux forces d’occupation de la Coalition. Cette affligeante tribune a eu un tel succès qu’elle a été reprise par FrontPage Magazine.
Enfin, le général Romeo Dallaire, qui commanda les troupes de l’ONU au Rwanda sans pouvoir arrêter le génocide, appelle la communauté internationale à réagir au Darfour. Se gardant bien d’entrer dans la polémique politicienne sur la qualification juridique des événements actuels, il en revient à la seule question qui compte : comment mettre fin à la violence ? Dans le New York Times, il prend position pour une force d’interposition de l’Union africaine, soutenue par des matériels de l’OTAN, ou à défaut par des puissances moyennes comme l’Allemagne et le Canada.
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