Tendances et événements au Proche-Orient

Les signaux contradictoires émis par Washington et Tel-Aviv à l’égard de la Syrie n’en finissent pas d’étonner les spécialistes des affaires du Moyen-Orient.
Les États-Unis tentent de développer leurs contacts avec Damas à travers la conférence de novembre. Ils ont décidé de l’inviter sous prétexte de faire un geste envers leurs alliés membres du quartette arabe. Puis la secrétaire d’État, Condoleezza Rice, a essayé de minimiser la portée de cette décision en précisant que l’invitation de la Syrie va de soi, car le pays est membre de ce quartette.
Selon des correspondants occidentaux basés à Damas, les autorités syriennes vont examiner l’ordre du jour de la conférence de Bush avant de répondre positivement ou négativement à l’invitation états-unienne. Les deux prochains mois vont donc connaître des contacts directs ou indirects entre les deux parties.
En parallèle les États-Unis poursuivent leur escalade contre la Syrie. Condoleezza Rice a réaffirmé que le principal différend entre les deux pays porte sur le soutien de la Syrie au Hezbollah. De son côté, Israël, dont des avions ont violé l’espace aérien syrien le 6 septembre, multiplie les messages positifs. Mais dans le même temps, son armée poursuit ses manœuvres sans précédent dans le Golan.
Selon des spécialistes, ce climat montre que des négociations se déroulent quelque part, mais la Syrie continue de rejeter les offres qui lui sont faites. Des sources arabes bien informées ont confirmé ces informations, affirmant que de nombreux messages appelant Damas à intervenir auprès de ses alliés libanais lui ont été transmis ces derniers temps.
Ces appels du pied devraient se poursuivre, voir s’accentuer, dans les semaines qui viennent, une période que les États-Unis vont mettre à profit pour tenter de régler ce qu’ils qualifient de « nœud syrien ».

Presse et agences internationales

AFP (AGENCE FRANCE PRESSE)
Les principaux médiateurs au Proche-Orient multiplient les belles paroles à l’approche d’une réunion internationale sur le conflit israélo-palestinien, mais ses contours demeurent extrêmement flous.
Le président palestinien Mahmoud Abbas, venu à New York assister à l’Assemblée générale de l’Onu, entend saisir l’occasion pour tenter de rallier des soutiens aux revendications palestiniennes lors d’une série de rencontres bilatérales en marge de l’évènement.
Lundi, le président George W. Bush, lui a assuré qu’il « soutient fortement la création d’un État palestinien ». « J’ai dit au président (Abbas) que les États-Unis travailleraient aussi dur que possible pour vous aider à réaliser cette vision », a-t-il ajouté. Mais, alors que M. Abbas émettait le souhait que la réunion internationale, prévue à la mi-novembre, « traite de la substance des principales questions » pour ouvrir la voie à un traité de paix israélo-palestinien, le président états-unien, n’a fait aucune référence à la conférence, pourtant organisée à son initiative.
Dimanche, l’Union européenne, la Russie et l’Onu, partenaires des États-Unis au sein du Quartette international pour le Proche-Orient ont apporté leur soutien à la réunion proposée par M. Bush et promis d’« œuvrer à son succès ».
Mais à l’instar de l’administration US, le groupement international s’est gardé d’énoncer une quelconque vision pour le règlement des questions clés sur lesquelles ont buté les précédents rounds de négociations, à savoir les frontières du futur État palestinien, le sort des colonies juives, Jérusalem, les réfugiés et les sources d’eau.
Si les Palestiniens s’attendent à un accord cadre sur ces dossiers litigieux, le Premier ministre israélien Ehud Olmert a tempéré les espoirs en souhaitant que la réunion se solde par une « déclaration commune » moins contraignante.
Outre les attentes divergentes, le flou entourant l’ordre du jour de la réunion et les pays qui y seront conviés ont jeté une ombre sur les préparatifs.
Les États-Unis ont annoncé qu’ils inviteraient la Syrie, leur bête noire dans la région avec l’Iran, mais aucune invitation formelle n’a été lancée et la Syrie a émis des réserves à une éventuelle participation.
Dans ce contexte, l’Arabie saoudite, principale alliée arabe de Washington, a réservé sa décision d’assister à la réunion en attendant que soient clarifiés l’ordre du jour et les objectifs.
La Ligue arabe a de son côté émis « des doutes et des inquiétudes légitimes quant aux chances de succès de la conférence internationale ».
Sensible à ces arguments, le diplomate en chef de l’Union européenne, Javier Solana, qui a participé à la réunion du Quartette dimanche, a appelé à « mettre plus de chair » dans les discussions de paix israélo-palestiniennes en vue de la réunion internationale.
« L’eau, les frontières, la sécurité, Jérusalem, les réfugiés : voilà les questions fondamentales qui devront au bout du compte être réglées », a précisé M. Solana, ajoutant :
« Nous ne pouvons pas nous permettre un échec ». « Un échec maintenant ne reviendrait pas simplement à prolonger le statu quo actuel. Nous reviendrions plusieurs années en arrière », a-t-il assuré.

• La Chambre des Représentants états-unienne s’est prononcée mardi à une large majorité pour la désignation des Gardiens de la Révolution iraniens comme groupe terroriste et pour augmenter les sanctions contre Téhéran.
Le texte a été voté par 397 voix contre 16 alors que les tensions entre l’Iran et les États-Unis sont avivées par la présence à New York du président iranien Mahmoud Ahmadinejad dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations unies.
Le texte sanctionne également les compagnies internationales ayant des succursales aux États-Unis et investissant en Iran, notamment dans les domaines du pétrole et du gaz.
Il interdit par ailleurs la coopération nucléaire civile avec les pays qui soutiennent le programme nucléaire iranien et appelle le gouvernement US à insister auprès d’autres pays et d’institutions bancaires pour qu’ils cessent d’investir en Iran.
Le texte demande au département d’État de placer le corps des Gardiens de la révolution, ou Pasdarans, sur sa liste noire d’organisations terroristes.

• Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a déclaré mardi le dossier nucléaire « clos » et s’est lancé dans une violente diatribe contre les États-Unis lors de la première journée de l’Assemblée générale des Nations-Unies.
« J’annonce officiellement que, selon nous, la question nucléaire est désormais close et qu’elle est devenue une question ordinaire relevant de l’Agence » internationale de l’énergie atomique (AIEA), a déclaré M. Ahmadinejad.
Faisant notamment allusion aux États-Unis et à l’Union européenne, le président iranien a affirmé que l’Iran ne tiendrait pas compte des « diktats illégitimes et politiquement motivés des puissances arrogantes » en ce qui concerne son programme nucléaire. « Malheureusement les droits de l’homme sont largement violés par certaines puissances, en particulier par ceux qui prétendent en être les défenseurs exclusifs », a ajouté le président, dans une allusion transparente aux États-Unis.
La délégation états-unienne avait quitté la salle de l’Assemblée générale pendant le discours du président iranien, bête noire de l’administration Bush au Proche-Orient.
M. Ahmadinejad avait en revanche écouté impassible le président français Nicolas Sarkozy lorsqu’il a déclaré un peu plus tôt que laisser l’Iran se doter de l’arme nucléaire reviendrait à faire « courir un risque inacceptable à la stabilité de la région et du monde ».
Le président George Bush qui s’est exprimé dans la matinée a, au contraire, très peu cité Téhéran, l’évoquant seulement avec le Bélarus, la Corée du Nord et la Syrie parmi les « régimes brutaux (qui) dénient à leur peuple les droits fondamentaux inscrits dans la Déclaration universelle » des droits de l’homme.

• Le Conseil de sécurité a approuvé, dans une résolution, le déploiement d’une force mixte ONU-Union européenne (UE) dans l’est du Tchad et le nord-est de la Centrafrique pour protéger les civils touchés par le conflit au Darfour voisin. La force doit consister en une mission de police de l’Onu, qui s’appellera Minurcat, appuyée militairement par l’UE. L’Onu devrait fournir 300 policiers qui devront former quelque 850 policiers tchadiens chargés des camps de réfugiés. La protection des zones alentour, à l’extérieur des camps, sera assurée par la force de l’UE, de 4 000 soldats au maximum dont la France pourrait fournir environ la moitié. Les États-Unis et la France ont en outre demandé le déploiement rapide de la force mixte Onu-Union africaine au Darfour et un cessez-le-feu dans la province soudanaise durant les pourparlers de paix le mois prochain en Libye, lors d’un Conseil de sécurité qui s’est tenu exceptionnellement au niveau des chefs d’État, à l’initiative de M. Sarkozy.

• Israël a les yeux rivé vers le Sinaï où l’Égypte vient de clôturer cinq jours d’importantes manœuvres militaires auxquelles ont pris part des forces terrestres et aériennes. Lors de ces exercices, l’armée égyptienne s’est entraînée à la traversée du canal de Suez, dans une répétition de la guerre d’octobre 1973. La presse israélienne a interprété ces manœuvres comme une preuve que l’Égypte n’a toujours pas abandonné l’option offensive presque 30 ans après la signature d’un accord de paix avec l’État hébreu. Citant des experts militaires, Haaretz précise que l’armée égyptienne effectue des exercices selon plusieurs scénarios. L’un d’eux prévoit la fin de la paix et l’invasion par l’armée israélienne du Sinaï en parallèle à des attaques ciblées en profondeur du territoire égyptien. .

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
Le fait qu’Israël ait été contrarié par les manœuvres effectuées par l’armée égyptienne dans le Sinaï montre que l’État hébreu continue de voir dans l’Égypte un danger potentiel trois décennies après les accords de paix de Camp David. Ceci montre que malgré tous les traités de paix, Israël continue de voir les Arabes à travers un seul prisme, quelle que soit l’importance des différends entre eux.

• Le Congrès états-unien s’apprête à voter, cette semaine, une motion non contraignante prévoyant le partage de l’Irak. Le texte estime que cette option est la seule susceptible de permettre le retrait des GI’s avant le chaos généralisé dans ce pays.
Par ailleurs, la secrétaire d’État Condoleezza Rice s’est dite fière que le président George Bush ait renversé l’ancien président Saddam Hussein. Elle a affirmé que les GI’s resteront probablement très longtemps en Irak jusqu’à ce que la stabilité soit assurée au Moyen-Orient.

Tendances et événements au Liban

Le président du Parlement Nabih Berri, également un des chefs de l’opposition, se trouve au cœur de tous les contacts. Sa rencontre lundi avec le Patriarche maronite, Nasrallah Sfeir, a permis de désamorcer la séance de mardi qui s’est déroulée sans accrocs avant d’être reportée au 23 octobre. Selon des sources bien informées, le chef du législatif et le prélat vont se rencontrer à plusieurs reprises dans les semaines à venir pour tenter de dégager un consensus sur un candidat de compromis. Après ses trois réunions, mardi, avec le chef de la coalition au pouvoir Saad Hariri (deux réunions au Parlement et une troisième à l’occasion du Shour, le dernier repas avant le début du jeûne), des noms ont commencé à être évoqués. Mais les tentatives de M . Berri de trouver une entente se heurtent aux attaques des faucons du 14-mars, Walid Joumblatt et Samir Geagea. Le premier a écarté le principe même du compromis, affirmant qu’il ne pouvait s’entendre « avec les tueurs qui protègent les régimes syrien et iranien ». Le deuxième a tiré à boulets rouges contre le président de la Chambre qu’il a qualifié de « pas sérieux ». Les deux hommes ont réitéré, à cette occasion, leur attachement à l’élection d’un président à la majorité simple.
Pendant ce temps, plusieurs personnalités du 14-mars ont réaffirmé leurs positions favorables au quorum des deux tiers. Il s’agit des membres du Bloc de Tripoli, présidé par le député Mohammad Safadi (Quatre députés), de Bahige Tabbara (membre du Courant du futur et ancien compagnon de route de Rafic Hariri), et des deux candidats à la présidentielle, Boutros Harb et Robert Ghanem. S’ajoute à eux le ministre de l’Éducation nationale et éminent juriste Khaled Kabbani, pourtant proche de Hariri.
Pendant ce temps, les ténors du 14-mars ont repris leurs virulentes attaques contre la Syrie. Des analystes estiment que cette escalade verbale illustre la crainte de voir Washington renouer le contact avec Damas après la décision des États-Unis d’inviter la Syrie à la conférence de Bush. C’est aussi, pour eux, une façon détournée d’essayer de torpiller toute possibilité d’entente inter-libanaise.

Presse relative au Liban

La majorité et l’opposition disposent d’un délai supplémentaire de quatre semaines pour s’entendre sur le nom d’un président, mais cette nouvelle échéance risque d’être la dernière chance pour éviter la conflagration.

AL-BALAD (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Un mois test ... un accord ou la confrontation. « Jusqu’au 23 octobre, nous avons une nouvelle chance, une véritable chance de réconciliation », a affirmé M. Nabih Berri, président du Parlement et un des ténors de l’opposition.

AL-AKHBAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
La course du dernier mois : l’entente ou l’effondrement. Le report de la séance au 23 octobre vise à donner un mois aux tractations inter-libanaises, régionales et internationales.
Le chef de l’opposition chrétienne, le général Michel Aoun, a réaffirmé qu’une élection à la majorité simple serait une déclaration de guerre. « La question du quorum légal n’est pas un sujet de discussion, et les pays qui soutiendraient un président élu ainsi devraient envoyer des forces pour le protéger », a averti le général Aoun.

• Un militant du Hezbollah a échappé mercredi à une tentative d’assassinat dans le sud du Liban en sautant de sa voiture, piégée par une grenade à main qui a explosé.
Ahmed Mehanna faisait démarrer sa voiture lorsqu’il a entendu un objet tomber du véhicule, garé près de sa maison à Jbal al-Botm, à l’est de la ville portuaire de Tyr, a indiqué la police.
Mehanna a immédiatement ouvert la portière et s’est éloigné rapidement de la voiture avant qu’une grenade, qui avait été posée sur la roue gauche avant, n’explose et n’endommage le véhicule.
Le militant n’a pas été blessé. Les forces de l’ordre ont bouclé les lieux et ouvert une enquête.
Le Hezbollah, engagé dans une guerre avec Israël durant l’été 2006, est considéré comme un groupe de résistance au Liban, où il a mené des combats de guérilla qui ont mis fin, en 2000, à 22 ans d’occupation israélienne du sud du pays.

Audiovisuel libanais

AL-MANAR (HEZBOLLAH)
Émission : Avec l’événement
 Invité : Ghaleb Kandil, directeur du Centre de l’orient nouveau pour l’information et la recherche
Les participants au sit-in de l’opposition dans le centre-ville ne peuvent pas être considérés comme des agents de sécurité. Ce sont eux qui ont empêché les membres des « Blackwater » locaux de provoquer une guerre civile au Liban. Car ces mercenaires craignent que l’incendie ne touche Solidere (ou est situé le campement de l’opposition).
Tous les assassinats commis au Liban portent l’empreinte d’Elliot Abrams (conseiller à la sécurité nationale pour le Moyen-Orient, ndlr). Ce qui se passe est très clair. Que signifient les récentes menaces de Walid Joumblatt d’exécution politique contre ses alliés qui oseraient envisager un compromis avec l’opposition ? Que signifient les tentatives visant à démembrer le bloc tripolitain (membre du 14-mars qui s’est positionné en faveur du quorum des deux tiers, ndlr) ?
Antoine Ghanem (le député assassiné le 19 septembre, ndlr) faisait partie du groupe de Georges Saadé, l’ancien chef des Kataëb (aujourd’hui décédé, il était connu pour sa modération, ndlr). Il participait aux réunions dans la banlieue sud de Beyrouth pour dénoncer l’agression israélienne d’avril 1996.
L’objectif est de terroriser et d’étouffer les modérés au sein du 14-mars afin de laisser la voie livre aux faucons et aux extrémistes qui craignent que l’initiative du président Nabih Berri ne réussisse à trouver une issue à la crise basée sur le compromis.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.