Dans une interview réalisée par la chaîne de
télévision états-unienne CBS du 23 septembre,
le président iranien Mahmud Ahmadinejad a,
une fois de plus, affirmé la renonciation de
son pays à l’arme nucléaire, tout en en donnant
les raisons. L’Iran n’a pas besoin d’armes
nucléaires du fait qu’elles ne lui serviraient
pas. L’Union soviétique, détentrice d’armes
nucléaires, s’est effondrée ; ces dernières ne
servent en rien les États-Unis, comme le démontrent
les résultats désastreux de la guerre
en Irak. « Le temps de la bombe est passé » titrait
la traduction allemande de l’interview.

On pourrait, bien sûr, prétendre que cette
affirmation est mensongère, comme ce fut
le cas à l’égard d’Israël qui, dans les années
soixante et soixante-dix, avait nié officiellement
construire une bombe atomique.
Seymour Hersh en a donné une description
détaillée dans son livre Israël, une puissance
atomique – le potentiel de destruction secret
au Moyen-Orient
, qu’on ne trouve malheureusement
plus que chez les antiquaires.

Aucune preuve d’un programme atomique militaire iranien

Il faut souligner que personne, ni l’Agence internationale
de l’énergie atomique (AIEA), qui
a un large accès aux installations nucléaires
de l’Iran, ni l’un ou l’autre des services secrets
peu favorables à ce pays n’ont pu apporter une
preuve d’une mise en route d’une bombe atomique.
Il n’en fut pas de même pour Israël.
Seymour Hersh a décrit dans le détail que les
gouvernements états-unien et français étaient
parfaitement au courant du programme d’armement
atomique israélien. Mais à l’époque
personne ne s’en souciait.

Il est d’autant plus grotesque de monter en
épingle l’enrichissement de l’uranium jusqu’à
en faire un casus belli, ou pour le moins de le
mener jusqu’au Conseil de sécurité des Nations
Unies. Tous les médias prétendent depuis
plus de deux ans que l’Iran affirme que
son programme atomique ne sert que des buts
pacifiques, mais que « l’Occident craint [!?]
cependant que l’Iran prépare des armes atomiques
sous le couvert d’une utilisation pacifique
de l’atome. »

Même l’AIEA, dont le directeur général
El Baradei pouvait déclarer le 17 septembre
devant l’assemblée générale de l’organisation
que de grands progrès dans les négociations
avec l’Iran avaient été accomplis et
qu’on était en route pour une mise au point
des questions en suspens, devrait néanmoins
ajouter comme « point critique » que l’Iran
continuait d’enrichir l’uranium.

L’Iran a le droit d’enrichir de l’uranium

C’est son bon droit dont il faut se souvenir
constamment. Et il n’y a d’interdiction dans
aucune convention signée par ce pays. Toute
l’affaire relève de la volonté politique d’un
groupe d’États aux intérêts de domination caractérisés,
mais sans aucune espèce de fondement
de droit, qui ont présenté au Conseil de
sécurité ce problème de l’enrichissement de
l’uranium en Iran, ayant auparavant contraint
le Conseil des gouverneurs de l’AIEA de
prendre une décision ouvrant la voie à cette
démarche. Mais des décisions du Conseil de
sécurité peuvent être, elles aussi, en contradiction
avec le droit international. Ce fut évidemment
plusieurs fois le cas au cours des
années passées. Ce n’est pas par hasard que
presque tous les experts et la grande majorité
des États membres exigent une réforme des
structures de décision de cet organe.

Les contorsions intellectuelles de la politique étrangère allemande

Il n’y a aucune preuve que l’enrichissement
de l’uranium en Iran doive servir à la fabrication
d’une bombe atomique. Le porte-parole
du gouvernement allemand Gross dut admettre,
lors d’une conférence de presse gouvernementale
le 26 septembre, « que l’enrichissement
de l’uranium n’est en soi pas une preuve
que le pays tend à la construction d’une arme
atomique », ceci en réponse à la question de
savoir si « un programme d’enrichissement de
l’uranium était déjà une preuve que le dit pays
se dirigeait vers la fabrication d’une arme atomique.
 » Ce même porte-parole ne put apporter
de preuves que tout particulièrement l’Iran
veuille utiliser son programme d’enrichissement
de l’uranium à des fins militaires. Il put,
tout au plus, rappeler que le Conseil de sécurité
avait exigé que l’Iran cesse son enrichissement
de l’uranium du fait « que cela pouvait
servir, entre autre, à la production d’armes de
destruction massive ». Ces contorsions intellectuelles
de la politique étrangère allemande
rappellent l’atmosphère absurde et inquiétante
des romans de Kafka.

Angela Merkel s’est présentée devant l’ONU comme porte-parole du clan belliciste

A tout cela s’ajoute le fait que la chancelière
allemande Angela Merkel s’est présentée le
25 septembre devant l’Assemblée générale de
l’ONU où non seulement elle a revendiqué
une place pour l’Allemagne dans le Conseil
de sécurité, mais elle s’est encore exprimée
de la façon suivante : « Ce n’est pas à la communauté
internationale de prouver que l’Iran
construit une bombe atomique, mais à l’Iran
de convaincre le monde qu’il n’en veut pas. »
Le tout se terminant par l’exigence de « sanctions
accrues, si l’Iran ne se soumet pas. »

Le monde avait déjà entendu de telles formules
absurdes de la part des va-t-en guerre
états-uniens avant la guerre d’Irak. Alors l’Irak
devait convaincre le monde entier qu’il ne
possédait pas d’armes de destruction massive…

Ainsi la chancelière allemande a confirmé
une fois de plus qu’elle est le porte-parole des
bellicistes états-uniens et israéliens, dans ce
dernier cas par son affirmation ultérieure que
« l’Allemagne a une responsabilité historique
en faveur de l’existence d’Israël » – dont on se
demande ce que cela signifie sinon un blancseing
pour toutes les violations du droit international
commises par l’État israélien, cette
« responsabilité » n’étant plus prise par elle au
nom de la raison d’État, comme simple chef
du parti chrétien démocrate (CDU), comme
en juin 2006, mais en tant que chancelière de
l’Allemagne fédérale.

Un obstacle face aux efforts sincères de paix

En prenant ouvertement parti pour l’un des
gouvernements les plus bellicistes, elle devient
un obstacle et un frein aux efforts de
médiation des autres politiciens européens en
vue d’éviter une nouvelle guerre au Moyen
Orient. Ceci d’autant plus qu’elle n’a pas eu
un mot concernant les violations du droit international
par le gouvernement israélien,
la misère croissante des Palestiniens, les
bombes atomiques israéliennes réelles, les
occupations de terres illégales ou l’attaque de
l’aviation israélienne contre la Syrie, en parfaite
violation du droit international.

Merkel ne parle pas pour l’Allemagne

Il faut savoir, toutefois, que Madame Merkel,
dans ses positions extrêmes, ne parle
pas pour l’ensemble du gouvernement allemand,
même pas pour l’ensemble du parti
chrétien-démocrate. En écoutant attentivement,
en sachant lire entre les lignes, on saisit
les nuances. Interrogé lors d’une interview
du Deutschlandfunk le 27 septembre,
Ruprecht Polenz (CDU), président de la
Commission des Affaires étrangères du Parlement
allemand, répondit à la question du rédacteur
qui voulait savoir « quelle est l’alternative
la plus intelligente, soit de souligner sans
cesse qu’il faut à tout prix éviter une attaque
militaire, ou bien reconnaître clairement que
cette option est toujours envisagée » : « je reconnais,
a-t-il dit, qu’on ne peut pas renoncer
à l’option martiale. Toutefois, on comprend
vite que l’intervention militaire ne peut
vraiment pas apporter de solution. C’est pourquoi
il faut s’efforcer de suivre un chemin qui
mène vers la table de négociations. […]

Surmonter la paralysie et en revenir au droit international

L’écueil est précisément l’exigence de suspendre
l’enrichissement de l’uranium. Jusqu’à
présent Téhéran s’y est refusé et il ne semble
pas que les autorités iraniennes changent
d’avis. Il faut trouver une voie pour surmonter
cette paralysie. »

Et c’est précisément de cela qu’il s’agit.
Surmonter ce point d’accrochage pour sortir
de cette impasse. Cela n’ira pas sans un changement
de conception et un retour au droit international.
C’est indispensable, car c’est la
voie pour éviter de nouvelles guerres. Cela
d’autant plus que la responsabilité de l’Allemagne
prend de l’importance au vu de l’arrivée
au pouvoir des va-t-en guerre en France.