Le Groupe de surveillance de l’Irak a rendu la semaine dernière son rapport final. La presse conformiste y voit une illustration de la vitalité de la démocratie états-unienne. Elle souligne que les accusations formulées par George W. Bush, Tony Blair et John Howard selon lesquelles les programmes d’armement irakiens représentaient une menace imminente sont définitivement infirmées par des fonctionnaires courageux. Cette présentation fait l’affaire de presque tout le monde et de nombreuses personnalités la commentent pour en tirer avantage.
L’ancien patron des inspecteurs de l’ONU, Hans Blix, relève dans The Independent que ce rapport non seulement confirme les siens, mais démontre l’efficacité du système de contrôle des Nations unies pour empêcher un pays dangereux de s’armer.
Dans le même quotidien, l’ancien inspecteur Scott Ritter note que le monde n’est pas plus sûr maintenant que Saddam Hussein qui ne présentait pas de danger a été renversé. Au contraire, il est moins sûr depuis que la Coalition anglo-saxonne a bafoué le droit international.
Toujours dans The Independent, l’ancien expert des services secrets britanniques Brian Jones s’interroge sur l’erreur de jugement de Tony Blair. Il trouve des explications psychologiques au phénomène, alors que celui-ci répond à une volonté politique. Ancien expert du Conseil de sécurité nationale, Philip Bobbitt développe à peu près les mêmes arguments dans The Guardian.
Il s’agit, observons-le, d’une opération rondement menée. La presse conformiste oublie que le Groupe de surveillance de l’Irak dépend de la CIA ; que son directeur, David Kay, a démissionné en déclarant que les recherches étaient terminées ; que son successeur Charles Duelfer n’a en réalité apporté aucune information nouvelle sur les armes de destruction massive. La seule raison d’être de ce rapport est ailleurs. Il contient un long passage sur la prétendue corruption de dirigeants occidentaux par Saddam Hussein via le programme « pétrole contre nourriture », un sujet qui n’a rien à voir avec la mission et les compétences du Groupe et qui a été inventé de toutes pièces par les services secrets anglo-saxons, comme nous l’avons déjà montré dans ces colonnes. Ainsi, selon une technique éprouvée, l’administration Bush joue la transparence en publiant un rapport qui se contente de confirmer ce qu’elle avait déjà admis et en profite pour placer dans un document officiel une autre intox qui a déjà trouvé un écho dans la presse conformiste. Loin d’illustrer un processus démocratique de contre-pouvoir, ce rapport montre la cohérence de l’exécutif états-unien et son mépris pour les citoyens.

L’homme d’affaire iranien basé à Londres, Amir Jahanchahi, dénonce dans Le Figaro et El Mundo le plan machiavélique qu’il attribue aux mollahs de Téhéran. Ceux-ci chercheraient à acquérir la bombe atomique pour anéantir Israël. Ils auraient réussi à manipuler l’administration Bush pour l’envoyer détruire ses rivaux régionaux, les talibans en Afghanistan et le régime de Saddam Hussein en Irak. Il serait urgent de tirer la leçon de Churchill face aux Accords de Munich et de refuser tout compromis. L’ennui de ce raisonnement, c’est qu’on voit bien à quoi il sert, mais pas sur quoi il se fonde. M. Jahanchahi milite pour une intervention militaire des États-Unis contre son propre pays, après l’élection présidentielle de mai 2005, si le pouvoir ne change pas. En d’autres termes, il conteste le droit de son peuple à choisir ses dirigeants et préconise une invasion étrangère si ses compatriotes persistent à faire le « mauvais choix ». Il accuse Téhéran d’avoir soufflé à Washington les cibles qu’il a touchées. C’est prêter à l’administration Bush une faiblesse et aux mollahs une influence que personne n’avait imaginées. C’est surtout oublier que la Coalition anglo-saxonne avait déterminé ses cibles de longue date.

Ban Ki Moon, ministre sud-coréen des Affaires étrangères garantit aux lecteurs du Washington Post que la polémique sur d’éventuels programmes nucléaires militaires secrets de son pays est infondée. Les problèmes relevés par l’AIEA sont des déclarations incomplètes qui n’avaient aucun caractère intentionnel.

Enfin, l’ancien ministre grec des Affaires étrangères et actuel président du Parti socialiste, George Papandreou, défend l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne dans une tribune étrangement publiée par des quotidiens asiatiques dont le Taipei Times. Pour lui, les négociations d’adhésion sont un bon moyen pour régler enfin le passif entre la Grèce et la Turquie, notamment la question chypriote. Cette tribune intervient alors que le président de la République grecque, Costis Stephanopoulos, vient de hausser la barre. Dans un discours prononcé à l’occasion de l’anniversaire de la victoire de Lépante contre les Ottomans, il a exigé non seulement une solution pour Chypre, mais aussi la reconnaissance des droits du patriarcat œcuménique orthodoxe basé à Istanbul. On touche là un aspect sous-estimé de la polémique actuelle sur la candidature turque : en rejetant le plan Annan de réunification de Chypre, et en interdisant ainsi à la partie turque de l’île d’entrer dans l’Union européenne, les électeurs chypriotes grecs se sont déjà prononcés contre l’adhésion de la Turquie.