La conférence israélo-palestinienne de paix, annoncée par le Président Bush,
et programmée pour le mois de novembre offre une opportunité rare d’œuvrer au
progrès en direction d’une solution à deux États. Le Moyen-Orient reste
englué dans sa pire crise depuis des années, et une issue positive de la
conférence jouerait un rôle éminent en repoussant une vague montante
d’instabilité et de violence. Un échec risquant d’avoir des conséquences
désastreuses au Moyen-Orient et au-delà, il est extrêmement important que
cette conférence soit un succès.
Conservant à l’esprit les leçons de la tentative de la dernière chance à Camp
David, voici, de cela, sept ans, nous croyons qu’afin d’être positifs, les
résultats de cette conférence doivent être substantiels, inclusifs et
signifier quelque chose pour la vie quotidienne des Israéliens et des
Palestiniens.

A/ Cette conférence internationale devra traiter de la substance d’une paix
permanente : un accord global de paix étant irréalisable d’ici novembre
prochain, la conférence devra se concentrer sur la fin de crise et revêtir
les délinéaments d’une paix définitive, laquelle devrait être consacrée par
une résolution du Conseil de Sécurité. Les dirigeants israéliens et
palestiniens s’attacheront à parvenir à un accord de cette nature. À défaut,
le Quartet (États-Unis, Union européenne, Russie et Onu, en la personne de
son Secrétaire général) —sous l’égide duquel cette conférence doit se tenir— devra proposer son propre projet général, basé sur les Résolutions 242 et
338 du Conseil de Sécurité de l’Onu, les paramètres Clinton de 2000,
l’Initiative de paix arabe de 2002 et la Feuille de Route de 2003.

Ce projet devra refléter les points ci-après :
 Deux États, basés sur les frontières antérieures au 4 juin 1967, avec des
modifications marginales, réciproques et convenues d’un commun accord, sur la
base du principe d’échange de territoires 50 / 50 :
 Jérusalem en tant que double capitale, les quartiers juifs étant placés
sous souveraineté israélienne, et les quartiers arabes sous souveraineté
palestinienne ;
 Des arrangements spéciaux concernant la Vieille Ville, confiant à chaque
partie le contrôle sur ses propres lieux saints, ainsi qu’un libre accès à
ceux-ci ;
 Une solution au problème des réfugiés qui soit compatible avec la solution
à deux États, qui tienne compte du profond sentiment d’injustice ressenti par
les réfugiés palestiniens, et qui leur accorde des compensations financières
équitables, ainsi qu’une aide à la réinstallation ;
 Des mécanismes sécuritaires qui répondent aux préoccupations israéliennes,
tout en respectant la souveraineté palestinienne. La conférence ne doit pas
être une séance du tout ou rien. Elle doit mettre en mouvement un statut de
négociations crédible et durable, sous la supervision internationale, avec un
calendrier opérationnel, afin qu’il soit possible de réaliser à la fois une
solution à deux États et toutes les potentialités de l’Initiative Arabe de
Paix (c’est-à-dire des relations normales et pacifiques entre Israël et les
pays arabes).

B/ La conférence internationale de paix devra être inclusive :
 Afin de renforcer la confiance des Israéliens dans le processus, les pays
arabes qui ne bénéficient pas actuellement de relations diplomatiques
avec Israël devront y participer.
 Nous félicitons l’administration [Bush] d’avoir pris la décision
d’inviter la Syrie à la conférence ; cette décision devra être suivie d’un
engagement sincère. Une percée, sur cette piste-là, pourrait profondément
modifier le paysage régional. Au minimum, la conférence devrait lancer des
pourparlers israélo-syriens sous des auspices internationaux.
 Quant au Hamas, nous sommes persuadés qu’un dialogue sincère avec cette
organisation est éminemment préférable à tout ostracisme à son égard ; ce
dialogue devrait être conduit, par exemple, par les ambassadeurs de l’Onu et
du Quartet au Moyen-Orient. L’instauration d’un cessez-le-feu entre Israël et
Gaza pourrait être un bon point de départ.

C/ La conférence doit produire des résultats tangibles dans la vie
quotidienne des Israéliens et des Palestiniens. Trop souvent, par le passé,
des progrès ont été ternis par le gouffre entre des déclarations politiques
tonitruantes et des réalités critiques sur le terrain. La conférence, par
conséquent, doit aussi déboucher sur un accord sur des mesures concrètes
permettant d’améliorer les conditions de vie et la sécurité, notamment un
cessez-le-feu réciproque et total en Cisjordanie et à Gaza, un échange de
prisonniers, la lutte contre la contrebande d’armes, la mise hors d’état de
nuire des milices, une plus grande liberté de déplacements pour les
Palestiniens, la levée de tous les barrages injustifiés, le démantèlement des
avant-postes israéliens, ainsi que toute mesure concrète de nature à
accélérer le processus de fin de l’occupation [militaire].

Pour que la conférence ait le minimum requis de crédibilité, il est de la
plus haute importance qu’elle coïncide avec un gel de l’expansion des
colonies israéliennes. Il est impossible, en effet, de mener une discussion
sérieuse sur la fin de l’occupation, tandis que l’expansion des colonies bat
son plein. Des efforts devront également apportés en matière d’amélioration
de la situation à Gaza et de facilitation de la reprise de la vie économique
dans ce territoire.

Ces trois dimensions sont étroitement inter-corrélées ; l’une ne saurait être
effective en l’absence des deux autres. À défaut d’apporter des résultats
substantiels sur la question du statut définitif, ni l’une ni l’autre des
deux parties n’aura la motivation, ni le soutien de sa population, nécessaire
à la prise des mesures difficiles qui s’imposent, sur le terrain. Si la Syrie
ou le Hamas étaient ostracisés, les perspectives qu’ils ne jouent un rôle
perturbateur seraient dramatiquement accrues. Cette nuisance pourrait prendre la forme d’une escalade de la violence à partir de la Cisjordanie ou de Gaza,
ce qui, dans un cas comme dans l’autre, ne pourrait que compromettre toute
avancée politique, augmenter le coût politique des compromis pour les deux
parties, et anéantir la volonté et/ou la capacité d’Israël de réduire les
restrictions sécuritaires. Pour les mêmes raisons, un cessez-le-feu général,
ou un échange de prisonniers seraient impossibles en l’absence de coopération
du Hamas. Et tant que les deux camps ne constateront pas d’améliorations
concrètes dans leur vie quotidienne, des accords politiques seront
vraisemblablement rejetés en tant que pure rhétorique, ce qui ne pourrait que
réduire encore le soutien à une solution à deux États.

Le fait que les parties au conflit et la communauté internationale semblent —après une longue et coûteuse inactivité de sept ans— soucieuses de résoudre
le conflit israélo-palestinien est une bonne nouvelle.

Les enjeux étant extraordinairement importants, il est crucial de faire que
les choses marchent. Cela signifie qu’il faut avoir l’ambition, ainsi que le
courage, de définir un nouveau terrain et de prendre des mesures audacieuses.

SIGNATAIRES :
• Zbigniew Brzezinski,
Ancien conseiller du Président Jimmy Carter en matière de sécurité nationale
• Lee H. Hamilton,
Ancien membre du Congrès et coprésident de l’Iraq Study Group
• Carla Hills,
Ancienne Représentante du Commerce Américain [US Trade Representative]
(branche exécutive) de la Présidence de George H.W. Bush
• Nancy Kassebaum-Baker,
Ex-sénatrice
• Thomas R. Pickering,
Ancien sous-secrétaire d’Etat sous la présidence de Bill Clinton
• Brent Scowcroft,
Ancien Conseiller en matière de Sécurité nationale auprès des Présidents
Gerald Ford, puis George H.W. Bush
• Theodore C. Sorensen,
Ancien conseiller spécial et expert auprès du Président John F. Kennedy
• Paul Volcker,
Ancien président du Panel des Gouverneurs de la Réserve Fédérale [banque
centrale] des
États-Unis.

Traduction
Marcel Charbonnier