Benjamin Netanyahu se félicite dans le Washington Times de ses succès économiques. Grâce à de " courageuses réformes ", il a réussi à diminuer les dépenses de l’État d’Israël. Aussi, pour récompenser cet effort libéral… espère-t-il des aides états-uniennes. À y regarder de plus près, le grotesque de cette tribune ne se limite pas à l’anti-étatisme subventionné, il comprend aussi le satisfecit accordé à un État qui se flatte de financer une guerre perpétuelle en supprimant ses services sociaux. Tout cela pour un résultat catastrophique. Ainsi que l’écrit lui-même M. Netanyahu, en Israël le budget de l’État engloutit 52 % du Produit intérieur brut, soit une proportion double de ce qu’elle est dans les États européens. Mais il ne vient pas pour autant à l’esprit de l’auteur que la paix puisse être une réforme économique courageuse.
Antonia Juhasz, directrice du Forum international sur la Globalisation d’Edward Goldsmith, est beaucoup moins conventionnelle lorsqu’elle écrit dans le Los Angeles Times. Oui, dit-elle, Bush et Cheney ont raison : tout ne va pas si mal en Irak. Mais c’est bien là le problème. Quelques multinationales liées au clan Bush, (Halliburton, Bechtel, Chevron-Texaco, Lockheed-Martin, etc.) accumulent des profits records. Pour elles, la guerre est une très bonne affaire et la privatisation de l’Irak devrait être plus juteuse encore. Le problème, c’est que ce qui va bien en Irak, c’est ce qui se fait au détriment des Irakiens et des contribuables états-uniens.

L’état-major états-unien a découpé le monde en régions militaires. Pour des raisons historiques, ce découpage ne correspond plus aux réalités actuelles. Richard Wilcox, ancien responsable du Conseil de sécurité nationale, plaide dans le New York Times pour la création d’un commandement pour l’Afrique. Un général quatre étoiles pourrait alors jouer le rôle d’un proconsul et y faire la police pour que ces gens cessent de s’entretuer comme on l’a vu au Rwanda. Ce point de vue, signé par un ancien membre de l’administration Clinton, permet de mesurer le changement de mentalité à Washington. Désormais, les États-Unis assument, de plus en plus clairement, leur volonté de devenir un Empire colonial, au sens du XIXe siècle.
Jean-Marie Guéhénno, ancien responsable à l’Onu des opérations de maintien de la paix, revient dans l’International Herald Tribune sur le plan Bush, soumis au G8, de création d’une force de 75 000 hommes pour le maintien de la paix en Afrique. Elle permettrait aux grandes puissances d’intervenir dans le continent noir, sans immobiliser leurs propres hommes, mais en conservant un contrôle au moins logistique des opérations. Ce projet est soutenu par John Kerry de sorte que, quel que soit le président états-unien à venir, il devrait être appliqué. Tout cela profiterait effectivement aux populations, mais ne résoudrait qu’une partie de leurs problèmes, celle qui gêne des multinationales pour exploiter les ressources du continent. Il est illusoire de confondre maintien de la paix et paix, de recourir à des forces armées sans résoudre les causes économiques des conflits.

L’International Herald Tribune donne la parole à deux experts pour critiquer le voyage de Jacques Chirac en Chine. Jonathan Mirsky, ancien correspondant de presse britannique à Pékin, rappelle que le pouvoir chinois détient encore dans ses geôles les étudiants de Tienanmen et réprime toute évocation de cette période. Le président français se serait déshonoré en négligeant les droits de l’homme pour quelques contrats commerciaux. Jean-Pierre Cabestan, chercheur au CNRS, déplore qu’au lieu de soutenir la lutte des États-Unis pour les Droits de l’homme en Chine, la France divise le camp occidental et flirte avec un régime à l’espérance de vie incertaine.
Ces points de vue ne relèvent pas de l’efficacité politique. La Chine est en pleine mutation. Sa spectaculaire progression économique s’accompagne d’une non moins spectaculaire progression des libertés. Mais la Chine est loin d’avoir vaincue la pauvreté et les fonctionnements répressifs. Ceux qui sont sincèrement attachés aux Droits de l’homme devraient aider ce grand pays dans son évolution. Au contraire, le recours à des sanctions, prétendument pour contraindre le régime à se libéraliser, ne peut qu’avoir l’effet inverse en matière de Droits de l’homme. Il n’est qu’un positionnement hypocrite visant en réalité à isoler un nouveau rival économique.
Sur le fond, la campagne de dénigrement du rapprochement sino-français, dont ces deux tribunes forment un exemple représentatif, reflète l’inquiétude de Washington devant la constitution d’un axe Paris-Berlin-Moscou-Pékin, qui vient encore d’être renforcé par l’accord conclu à Pékin hier par Vladimir Poutine.

Enfin, un collectif de députés de l’UMP (parti du président Chirac) affirme, au nom du bon sens, que la Turquie n’est tout simplement pas l’Europe. Dans Le Figaro, ces parlementaires se retranchent d’abord derrière une définition géographique continentale de l’Union européenne, puis derrière une définition historique de la séparation entre Rome et Byzance. Ce dernier critère serait pertinent s’il ne traduisait une grande mauvaise foi : l’histoire ne s’est pas arrêtée à l’Antiquité tardive. Au début du XXe siècle, l’Empire ottoman était qualifié " d’homme malade de l’Europe ", manifestant par là que chacun le considérait comme pleinement européen. Plus sérieusement, ce collectif de parlementaires fait valoir qu’en entrant dans l’Union, la Turquie emmènera avec elle les inextricables problèmes du Moyen-Orient ce qui déstabilisera toute l’Union.