Tendances et événements au Proche-Orient

La crise au Pakistan promet de rester en tête des préoccupations régionales et internationales dans la période à venir. La dernière évaluation des événements dans ce pays permet de dresser les observations suivantes :
 1. Les contradictions politiques internes ont atteint un niveau de tensions inégalées. Elles sont la conséquence d’une accumulation de crises politiques, économiques et sociales, qui ont favorisé l’émergence d’une forte opposition islamiste ou libérale. Cette dernière s’est cristallisée dans le courant de l’ancienne Premier ministre, Benazir Bhutto, dont le poids et l’influence sur la scène interne sont loin d’être négligeables. Mais les analyses abondent sur les circonstances de son retour au Pakistan après un exil forcé, alors que l’autre ancien Premier ministre, Nawaz Sharif, a été expulsé à son arrivée à Islamabad. Il ne fait pas de doute que le retour de Mme Bhutto bénéficie sinon du feu vert du moins d’une couverture états-unienne.
 2. Les développements au Pakistan et en Afghanistan s’entremêlent et s’enchevêtrent. La géographie tribale des deux pays est étroitement liée. De ce fait, les États-Unis soupçonnent la région tribale du Waziristan, limitrophe de l’Afghanistan, d’être une base arrière d’al-Qaida et des talibans, et d’abriter une structure islamiste pakistanaise jumelle de ces deux mouvements. Les pressions exercées par Washington ont poussé le président Pervez Musharraf à se lancer dans une confrontation difficile avec les tribus et avec les écoles islamiques dans le reste du pays.
 3. Les États-uniens ont sciemment introduit dans la crise pakistanaise le thème de la bombe nucléaire, exprimant leur crainte de la voir tomber entre les mains des islamistes. Selon de nombreux experts, ces « inquiétudes » visent à justifier une éventuelle action préventive et une préparation du terrain politique à une intervention militaire US au Pakistan sous le prétexte d’empêcher que l’arme nucléaire ne tombe dans des mains peu sûres. Or il n’est un secret pour personne que la bombe atomique pakistanaise était un des outils états-uniens, avec un financement saoudien, de la Guerre froide.

Presse et agences internationales

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
Il est temps de mettre un terme par tous les moyens au scandale politique, moral et sécuritaire, entre le Fatah et le Hamas, afin que le peuple palestinien n’ait pas le sentiment de payer deux fois le prix : la première face au terrorisme de l’ennemi sioniste, la deuxième face à ceux qui prétendent défendre ses intérêts et récupérer ses droits légitimes spoliés depuis plus de 50 ans. Ce qui s’est produit à Gaza, lundi, est une honte, un point noir sur le front de ceux qui ont commis cet odieux crime qui a fait des dizaines de morts et de blessés dans les rangs des civils palestiniens. D’autant que ces incidents sont survenus le jour de la commémoration de la mort de Yasser Arafat, une date qui aurait dû être une occasion pour des retrouvailles et pour enterrer les différends.
L’anniversaire de la mort d’Arafat aurait dû pousser le Fatah, le Hamas et toutes les forces palestiniennes, à une introspection. Cela aurait dû être une occasion pour rectifier les erreurs commises à l’encontre du peuple palestinien, à l’intérieur comme à l’extérieur. Des Palestiniens ont été poignardés par d’autres Palestiniens. Cela doit cesser. Ce peuple a assez enduré à cause de la répression israélienne et des tromperies de ceux qui affirment le servir.

WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Jim Hoagland
Le Pakistan est un pays hors du commun, capable de se balancer au bord d’un gouffre et de s’arrêter pour réfléchir à ses choix, avant de sauter sans hésitation dans l’abîme. Etre prêt à la collision a toujours constitué la colonne vertébrale de la survie du Pakistan pendant ses 60 ans d’histoire. Le président Pervez Musharraf, instable émotionnellement, a une nouvelle fois entraîné son pays et ses protecteurs étrangers au bord du gouffre en décrétant l’état d’urgence et en durcissant la confrontation avec les partis politiques laïques et les extrémistes religieux. Ceux-ci espèrent se relever des cendres provoquées par leurs adversaires pro-occidentaux.
Washington et Londres ont tenté de sauver Musharraf de lui-même en le convainquant d’autoriser le retour de l’ancienne Premier ministre Benazir Bhutto. L’idée était que ces deux personnalités se partagent le pouvoir. Bhutto aurait dû lui assurer une couverture politique, alors que Musharraf s’engageait à lui paver la voie afin qu’elle prenne le pouvoir en fin de compte. _ Cette supercherie a explosé au visage de ceux qui l’ont conçue. Le 3 novembre, Musharraf a perpétré son deuxième coup d’État. Depuis, lui et Mme Bhutto échangent coups et propositions. Le conflit actuel a pour objet plus le lutte pour le pouvoir que la démocratie, qui n’a jamais eu des racines profondes au Pakistan.

AL-BAYAN (QUOTIDIEN EMIRATI)
Avec l’approche de la conférence d’Annapolis, fin novembre —en principe—, les actions de cette réunion ne cessent de chuter en bourse. La raison est due au fait que Tel-Aviv et Washington s’efforcent de revoir à la baisse le plafond des attentes. Ces derniers jours, ces deux capitales se contentent de parler de « rencontre ». À croire que le projet initial de « conférence de paix » autour de la question palestinienne a été abandonné. Le fait que le mot « conférence » ait disparu du discours des Israéliens et des États-uniens n’est pas un hasard. Il s’agit, en fait, d’un pré-indicateur que les résultats de cette réunion seront modestes. Cela pourrait être, aussi, une préparation à son report, voire à son annulation. La situation actuelle de George Bush ne supporte pas l’échec d’une « conférence » proposée par son administration sous le titre des deux États. Israël, lui, ne voit dans cette rencontre qu’un début de négociations autour d’une déclaration de principe qui devait, en fait, être examinée et approuvée à Annapolis. Mais le gouvernement d’Ehud Olmert exige que ce document soit flou et vague. Pour leur part, les Palestiniens souhaitent l’élaboration de principes clairs autour des questions qui les intéressent avant leur départ pour Annapolis. Ils veulent lier le processus de négociations à un calendrier précis. Le président Mahmoud Abbas veut qu’Annapolis soit une « rencontre historique » qui sera couronnée par des « décisions historiques ».

• Dans un article publié dans plusieurs journaux libanais et arabes, Mohammad Noureddine, spécialiste des affaires turques, s’interroge pour savoir si la menace d’Ankara de lancer une opération militaire contre les bases du PKK kurde n’est plus d’actualité. La réponse à cette question était connue depuis le début de la crise. Du moins, on savait ce que voulaient les deux parties : le Premier ministre turc Recep Tayyeb Erdogan et les États-Unis. Les opérations du PKK les 7 et 21 octobre derniers, qui ont fait 30 morts dans les rangs de l’armée turques, auraient pu torpiller les démarches d’apaisement entreprises par Erdogan et George Bush. Mais la convergence d’intérêts entre le Parti justice et développement d’Erdogan et les États-uniens ont empêché une grande explosion. Et la libération des huit soldats turcs capturés par le PKK à la veille de la visite d’Erdogan à Washington est significative. Tous ces développements montrent qu’une opération turque d’envergure contre les kurdes du PKK en Irak est peu probable dans un proche avenir.

Tendances et événements au Liban

La scène politique libanaise a bougé ces dernières 24 heures dans tous les sens, l’activité restant axée sur la question épineuse de l’élection présidentielle :
 1. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, est arrivé lundi soir à Beyrouth et a immédiatement rencontré le Patriarche maronite Nasrallah Sfeir. Il pourrait élargir ses contacts, dans les heures qui viennent, à des personnalités politiques maronites. Les entretiens portent essentiellement sur la liste de candidats consensuels que le prélat maronite est invité à dresser afin que l’un d’entre eux soit élu par le Parlement dans le cadre d’un compromis entre le14-mars et l’opposition. Dans ce contexte, il semble que le moteur de l’initiative française soit l’accord franco-syrien, qui a encouragé Nicolas Sarkozy à exposer à George Bush son plan de sauvetage du Liban. Bernard Kouchner et la délégation qui l’accompagne vont essayer d’obtenir du Patriarche Sfeir une liste de cinq noms que le président de la Chambre, Nabih Berry, et le chef du 14-mars, Saad Hariri, examineront avant d’en sélectionner un ou deux.
 2. Des informations ont filtré sur une tentative de Saad Hariri de convaincre le Patriarche Sfeir de proposer comme candidat consensuel l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, Michel Khoury. Celui-ci est connu pour être un proche du conseiller de Hariri, Johnny Abdo, lui-même connu pour ses liens avec les services de renseignement américains et israéliens. Michel Khoury avait joué un rôle de premier plan dans la chute du gouvernement de Omar Karamé, en 1992.
 3. Le chef de l’opposition chrétienne, Michel Aoun, a appelé à la formation d’un gouvernement transitoire au cas où l’élection présidentielle échouait. Selon lui, le candidat de compromis doit être porteur d’un programme consensuel. Pour le 14-mars, l’important est que le prochain président ne soit pas une personnalité jouissant d’une large popularité au sein de la communauté chrétienne.
 4. La rencontre entre l’ancien président Amine Gemayel, une des figure du 14-mars, et l’ex-ministre Sleimane Frangié, un des leaders chrétiens de l’opposition, remet sur le tapis l’option de la formation d’un gouvernement provisoire. Cette rencontre illustre les efforts déployés par Frangié et Aoun pour apaiser les esprits que Samir Geagea et Walid Joumblatt, les deux faucons du 14-mars, s’efforcent de chauffer à blanc.
 5. Le président de la République a répondu favorablement à l’appel solennel lancé par le chef du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, lui demandant d’assumer ses responsabilités nationales en empêchant que le pays ne soit livré à « des brigands et des tueurs ». Le chef de l’État a réaffirmé qu’il n’était pas question qu’il remette le pouvoir à un président élu à la majorité simple ou au gouvernement de Fouad Siniora.
 6. Le président George Bush est entré en contact téléphonique avec Fouad Siniora. Cela montre que la véritable et seule option des États-uniens est le maintien du gouvernement Siniora. En parallèle, des informations en provenance de Washington affirment que les USA ont posé comme condition à la France que le prochain président « consensuel » s’engage publiquement à mettre en œuvre la résolution 1559, exigeant le désarmement de la Résistance libanaise.
La lecture de tous ces développements laisse penser que les efforts de Kouchner pour trouver un ou des candidats de compromis se heurtent à de sérieux obstacles. Le débat se concentre, actuellement, sur le fait de connaitre les intentions du président Emile Lahoud après l’échec de l’élection d’un président de consensus.

Presse libanaise

AD-DIYAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
En dépit de la venue au Liban du ministre français des Affaires étrangères, le tableau semble plutôt pessimiste. Tous les indices montrent que la formation d’un second gouvernement est à l’étude. Après le chef du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah, c’était au tour, hier, du général Michel Aoun de demander au président de former un deuxième gouvernement.

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Beyrouth a connu une escalade verbale sans précédent quelques heures avant l’arrivée de Bernard Kouchner. Le ministre français effectue une visite décisive, et espère être le parrain de la naissance par césarienne d’une liste de candidats consensuels.

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Les réactions aux propos du chef du Hezbollah ont dépassé le contenu politique du discours. Elles ont prouvé que loyalistes et opposants sont avides de débats dépassant la présidentielle et entrant dans le vif des questions fondamentales.

Audiovisuel libanais

AL-MANAR (HEZBOLLAH)
Émission : Entre parenthèses
 Michel Aoun, chef de l’opposition chrétienne
S’il n’y a pas de solution démocratique à la question de la présidentielle, la crise restera ouverte.
Tant que les loyalistes menacent tous les jours d’une élection à la majorité simple, il est normal que l’opposition rejette cette éventualité.
La formation d’un gouvernement provisoire pourrait être une solution si un nouveau président n’est pas élu.
Samir Geagea se trouve avec l’autre bord politique. Le problème ne se résume pas à me réunir avec lui. Le vrai problème réside dans les résolutions internationales et le fait d’axer tout le discours sur les armes de la Résistance. C’est parce que je refuse que la Résistance désarme dans les conditions dictées par la communauté internationale que j’ai été boycotté par les pays occidentaux.
Le gouvernement de Fouad Siniora est illégitime et a perdu ses critères de représentativité. Il n’a rien fait pour le pays.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.