Tendances et événements au Proche-Orient

Les heurts sanglants à Gaza et les affrontements quotidiens en Cisjordanie, entre les services de police de Mahmoud Abbas et des résistants palestiniens, sont une forme de guerre civile dans laquelle les Israéliens, les États-uniens et les Arabes « modérés » ont réussi à entraîner les Palestiniens. Pourtant, pendant des décennies, un conflit inter-palestinien était considéré comme un interdit, une éventualité inimaginable. Et toutes les pressions, menaces et intimidations n’ont pas réussi à pousser les Palestiniens dans les affres de la guerre civile.
Des sources politiques palestiniennes n’exemptent personne de la responsabilité de ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie, et dresse le tableau suivant :
 Le président Mahmoud Abbas assume une lourde responsabilité pour avoir cédé aux pressions états-uniennes et israéliennes en s’impliquant dans le plan du général Keith Dayton exécuté par son ancien conseiller Mohammad Dahlan. Ce plan avait pour objectif de torpiller l’accord inter-palestinien de la Mecque, de faire tomber le gouvernement d’Ismaïl Haniyé, et de harceler les résistants en Cisjordanie et à Gaza. Ce dernier territoire est la cible d’agressions israéliennes quotidiennes et d’un blocus inhumain.
 La direction du Hamas est en train de perdre une des ses cartes maîtresses, celle du symbole de la Résistance palestinienne à l’occupation israélienne. Ses adversaires ont réussi à l’entraîner dans le piège mortel de la répression, alors même que de larges courants des brigades des martyrs d’al-Aqsa, la branche armée du Fatah, étaient plus proches des thèses du Hamas que de celles de leur chef Mahmoud Abbas, qui veut désarmer avant d’avoir récupéré les droits légitimes des Palestiniens.
 La scène palestinienne a besoin d’une troisième force formée d’organisations et de personnalités indépendantes, connues pour leur patriotisme, afin de prendre les choses en main. Cette troisième force aura pour tâche de réaffirmer les constantes nationales palestiniennes. Pour cela, le Hamas doit faire preuve d’une plus grande sagesse et flexibilité à l’intérieur de Gaza, surtout que la Conférence d’Annapolis va certainement exacerber les tensions politiques inter-palestiniennes.

Presse et agences internationales

NEW YORK TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
Le F16 qui s’est écrasé dernièrement rappelle les durs défis que devra affronter le pays à l’avenir dans le domaine des budgets militaires, pour reconstruire et équiper l’armée US. Même si les troupes se retiraient demain d’Irak, l’armée aura quand même besoin de milliards de dollars pour s’équiper et remplacer le matériel ancien par des équipements nouveaux et modernes et pour restructurer l’armée de terre, épuisée par la guerre en Irak. L’armée doit supporter aussi le lourd fardeau des soins médicaux prodigués aux blessés et aux vétérans, une affaire qui illustre la crise de manque de confiance dans la haute direction militaire. Les États-Unis ont dépensé quelque 800 milliards de dollars pour les guerres depuis le 11-Septembre. Le président George Bush n’a pas de plan pour rapatrier les forces armées. Les autres candidats à la Maison-Blanche feront mieux que lui. Mais ils doivent, d’abord, rendre publics leurs plans de retrait d’Irak et de reconstruction des forces armées, afin qu’elles soient en mesure de faire face aux menaces qui pèsent sur le pays.

USA TODAY (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
Le moyen de torture par la simulation de noyade, utilisé par la CIA, constitue une violation des valeurs états-uniennes et met en danger les GI’s déployés à l’étranger. Dans son témoignage devant une commission du Congrès, Malcolm Wrightson Nance, un ancien Marines, qualifie la simulation de noyade de « méthode effrayante qui fait exploser les instincts de ceux qui en réchappent. Il s’agit de torture ».
Le Congrès doit prendre des mesures pour interdire cette pratique et doit faire de même avec tout ce qui porte atteinte aux valeurs états-uniennes. La torture est rarement efficace car les suspects diront tout ce qui peut les aider à y survivre. Les Britanniques, les Français et les Israéliens, qui ont eu recours à la torture dans le passé, l’ont abandonné. De plus, la torture encourage les ennemis à faire subir aux soldats américains des mauvais traitements.

WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Joshua Paltraw et Scott Tyson
Des responsables militaires en Irak affirment que les États-Unis s’efforcent de créer une force de 70 000 hommes, en majorité des sunnites, pour consolider les succès sécuritaires enregistrés ces derniers temps. Mais cette entreprise fait face à des obstacles d’ordre politique et logistique et au refus du gouvernement irakien, dominé par les courants chiites, d’intégrer cette force sunnite aux services de sécurité.
Le chef des troupes US en Irak, le général David Petraeus et d’autres responsables, voient d’un bon œil la participation de ces forces tribales et des ex-insurgés à la lutte contre les extrémistes. Mais le gouvernement irakien craint que ces combattants locaux, connus sous le nom de volontaires et composés à 80 % de sunnites, ne se transforment en opposition armée.
Ce projet vise à alléger le fardeau supporté par les GI’s. Mais il pourrait avoir des résultats contraires si ces volontaires ne sont pas organisés dans les plus brefs délais.

LOS ANGELES TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
Les troupes US ont-elles une stratégie de retrait d’Irak ? Certes, la décision d’augmenter les effectifs a atteint ses objectifs militaires, mais elle n’a enregistré aucun progrès sur le plan politique. Bassora reste le théâtre de confrontations confessionnelles ; il n’y a toujours pas de loi régissant le secteur pétrolier, ou de plans pour mettre en œuvre une formule fédérale répondant aux aspirations des différents groupes ethniques et des minorités, tout en préservant l’unité du pays. George Bush prend l’exemple de la Corée pour justifier le maintien de 35 000 GI’s pour une décennie supplémentaire, dans le but de garantir un minimum de sécurité et d’empêcher le démembrement du pays. Mais l’Irak n’est pas la Corée, car l’armée US dans ce pays aura pour tâche d’éviter la guerre civile, alors qu’en Corée, les États-Unis craignent que les troupes de Pyongyang traversent la frontière.
L’augmentation des effectifs a créé les conditions pour le retrait des troupes. Il faut, maintenant, que celles-ci se retirent.

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
Les sept jours qui nous séparent de la séance de l’élection présidentielle sont-ils suffisant pour créer une solution capable d’éloigner le spectre du chaos qui plane au-dessus du Liban, à cause de facteurs externes liés aux conflits et au destin de la région ? Ce qui a été impossible pendant des mois, voire pendant deux ans, pourrait être réalisé en l’espace de quelques jours seulement, et dans des conditions extrêmement délicate. Le maximum qui peut être atteint est d’inventer une formule permettant au Liban de coexister avec les crises qui secouent la région. Si les intentions sont bonnes, les sept derniers jours peuvent suffire à produire une entente et éviter le chaos et le démembrement.

• Le responsable des académies de l’armée israélienne, le général Gershon Hakohin, a affirmé que l’ancien chef d’état-major, Dan Halutz, ne croyait pas dans les capacités de l’armée de terre israélienne à atteindre les buts fixés pendant la deuxième guerre du Liban. Lors d’une réflexion consacrée aux défis de l’armée israélienne pour la seconde décennie du XXIème siècle, le général Hakohin a indiqué qu’Israël fait face à plusieurs fronts qui pourraient s’embraser. Selon lui, la réalité montre que des batailles vont avoir lieu dans des zones résidentielles et qu’il sera difficile d’identifier des terroristes infiltrés en milieu civil. Israël est-il capable, aujourd’hui, de mener une attaque sur deux fronts comme cela s’est produit lors de la guerre des six jours, en 1967 ? Cela me semble difficile, car les forces et les ressources qui devront être investies seront gigantesques.

Tendances et événements au Liban

Les entretiens intensifs du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, avec les différents responsables libanais mardi, ont abouti à trois points :
 1. Les chrétiens du pouvoir et de l’opposition n’ont pas réussi à s’entendre sur un ou plusieurs candidats consensuels.
 2. Les efforts se sont concentrés à convaincre le Patriarche maronite Nasrallah Sfeir de désigner des candidats. Mais les divisions inter-chrétiennes ligotent le prélat qui se voit au centre du mécanisme proposé par l’initiative française pour sortir le pays de sa crise. Selon les dernières informations, le chef de l’Église maronite va présenter à Nabih Berri et Saad Hariri, dans les heures qui viennent, une liste comportant les noms du général Michel Aoun (Opposition), Nassib Lahoud et Boutros Harb (14-mars) et trois autre candidats indépendants.
 3. Bernard Kouchner est reparti mais la délégation qui l’accompagnait, conduite par Jean-Claude Cousseran, est restée sur place afin de faire le suivi des détails. Cousseran doit rencontrer une délégation du Hezbollah. Et de nombreuses personnalités étrangères sont attendues à Beyrouth dans les jours qui viennent, avec à leur tête le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-Moon, ainsi que les ministres italien et espagnol des Affaires étrangères, Massimo D’Alema et Miguel Angel Moratinos.
Pendant ce temps, les milieux du 14-mars poursuivent leur campagne contre le discours du secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah et les propos du général Michel Aoun, qui ont montré que l’opposition était déterminée à appuyer et assurer une couverture politique à toute mesure constitutionnelle décidée par le président Emile Lahoud en cas d’échec du consensus. Tous les jours, des voix supplémentaires s’élèvent pour exhorter le chef de l’État à prendre les mesures qui s’imposent pour empêcher le 14-mars de saisir le pouvoir à travers un coup d’état constitutionnel encouragé par les États-Unis.
L’opposition refuse par ailleurs de faire la distinction entre le candidat consensuel et le programme politique qu’il compte mettre en œuvre. De hauts responsables de l’opposition ont mis en garde contre le fait de transformer le mécanisme consensuel en piège qui permettrait au 14-mars d’élire le président de son choix. À cet égard, les propos de Kouchner sur le fait de transmettre la liste de Sfeir au Parlement sans passer par le filtre Berri-Hariri sont un mauvais signe.
Le chef de la diplomatie française a évoqué avec M. Berri le contenu du discours de sayyed Hassan Nasrallah, que le 14-mars interprète comme une tentative de torpillage du consensus. Mais l’intervention du chef de la Résistance a coupé court aux manœuvres visant à gagner du temps pour mettre l’opposition devant le fait accompli. La décision est prise : le coup d’état ne passera pas.

Presse libanaise

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Le ton réaliste et prudent de Bernard Kouchner lors de sa conférence de presse avant son départ montre qu’une percée sérieuse a été réalisée dans le mur de la crise par l’initiative française. Le chef de la diplomatie a affirmé que le Patriarche Sfeir réfléchit à quelques noms de candidats et qu’il établira une liste jeudi ou vendredi.
Un changement significatif s’est produit dans le climat lourd qui entoure l’échéance présidentielle. Les fruits commenceront à apparaître dans les jours qui viennent. Mais cela ne signifie pas que d’autres obstacles ne vont pas surgir.

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
La visite à Beyrouth de Bernard Kouchner a laissé plus de questions que de réponses concernant l’impasse de la présidentielle, surtout que l’échéance entre, ce mercredi, dans la dernière ligne droite des dix derniers jours lourds de menaces.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe