Tendances et événements au Proche-Orient

À la veille de la tenue de la Conférence d’Annapolis, les États-Unis ont satisfait la revendication syrienne d’inclure à l’ordre du jour l’affaire des hauteurs occupées du Golan. Mais en dépit de ce développement, il est clair que cette rencontre n’aboutira à aucun résultat concret sur le dossier israélo-palestinien, et se contentera de répéter les scènes de poignées de mains déjà vues lors de toutes les conférences de ce type depuis Oslo. Le refus d’Israël d’examiner sérieusement les questions clé du conflit (droit au retour des réfugiés, arrêt de la colonisation, partage de Jérusalem, répartition des ressources hydrauliques…), bloque toute avancée réelle. À travers Annapolis, Israël et les États-Unis veulent seulement consacrer une alliance avec l’Autorité palestinienne et les pays arabes dits « modérés », destinée à éradiquer les mouvements de la Résistance palestinienne et à abandonner le droit au retour des réfugiés, ce qui permettrait de transférer les Arabes des territoires de 1948 vers Gaza et la Cisjordanie.
Le fait que la Syrie ait réussi à imposer la question du Golan constitue un succès pour elle. Sa participation à la conférence constitue sans doute l’événement essentiel, alors que ces trois dernières années, l’Administration Bush s’employait à essayer de renverser puis à isoler le régime syrien. Damas fera contrepoids aux pressions états-uniennes et israéliennes et aidera l’Arabie saoudite à rester attachée à l’initiative arabe de paix lancée lors du sommet de Beyrouth, en 2002, et réactivée à Riyad en 2007.
Sur le plan palestinien, Annapolis va inaugurer une phase nouvelle entre l’Autorité de Mahmoud Abbas et les différentes organisations palestiniennes, surtout si les États-uniens réussissent à arracher le feu vert de l’Autorité à l’abandon du droit au retour.
Le moment fort de cette conférence sera le discours que doit prononcer le représentant de la Syrie, le vice-ministre des Affaires étrangères, Fayçal al-Mokdad.

Presse et agences internationales

• Dans un article publié dans plusieurs journaux israéliens Uzi Benzimann raconte l’épisode suivant : « Le matin du 16 novembre 1977, dans la cafétéria de la Knesset, un journaliste demande au ministre israélien des Affaires étrangère, Moshé Dayan, s’il croyait que le président égyptien viendrait vraiment à Jérusalem. À moment même, Anouar Sadat était à Damas pour tenter de convaincre le président Hafez Al-Assad de l’accompagner. Dayan n’a pas pu donner de réponse définitive au journaliste. « Je ne sais pas s’il viendra. Je pense que oui. Mais si jamais je me trompe, je vous expliquerais les raisons pour lesquelles il ne devait pas venir », a répondu Moshé Dayan. Cette histoire a été racontée alors que le Premier ministre, Ehud Olmert, se dirige à Annapolis.
Trois jours avant la venue de Sadate à l’aéroport Ben Gourion, Moshé Dayan ne savait pas si le président égyptien viendrait. Pourtant, c’est lui qui a préparé pendant deux mois cette visite lors de rencontres secrètes au Maroc avec Hassan Touhami, le conseiller de Sadate. La carte politique actuelle reflète les positions des différentes parties : Ehud Olmert se rend Annapolis avec des mains liées. S’il s’écarte un peu du chemin tracé par Avigdor Libermann et Elie Yachaï, il risque de perdre la majorité qui lui permet de se maintenir au pouvoir. De plus, la Knesset ne soutient pas les efforts d’Olmert pour changer la situation ambiante avec les Palestiniens. (Le ministre saoudiens des Affaires étrangères, ndlr), Saoud el-Fayçal, et ses homologues arabes, doivent agir avec Olmert comme a agi Sadate avec Menahim Begin en 1977, et non pas comme Farouk Chareh a fait avec Ehud Barak à Sheperdstown, en 2000.

• Dans un article paru dans la presse israélienne, Tzivi Bar’il estime que la Conférence d’Annapolis se promet de lier tous les dossiers et de les mélanger, puis de les présenter comme les restes d’un plat retiré du réfrigérateur. Les clients ne remarqueront peut-être pas les moisissures en dessous des épaisses couches d’épices, surtout quand le tout est servi lors d’une respectable réception. En effet, quel lien y’a-t-il entre la Feuille de route ratée, pleine de pièges et de mines, et la réactivation de la paix entre la Syrie et Israël ? Quelle relation existe-t-il entre le processus de paix israélo-palestinienne et l’Iran ? Ou entre l’initiative de paix arabe et la crise libanaise ?
La Conférence d’Annapolis vise aussi à isoler l’Iran et à contrer son influence. C’est la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice qui l’a annoncé à Nashville lors de la réunion des présidents des communautés juives, inscrivant ainsi un point secondaire à l’ordre du jour de la conférence. Comment va-t-on procéder pour faire face à l’Iran ? La réponse ne viendra certainement pas lors des discussions d’Annapolis, mais à travers la possibilité pour Israël et la Syrie d’entamer des négociations pour rendre le Golan. Israël va, bien entendu, poser la condition qui va faire échouer ces pourparlers, c’est-à-dire la rupture préalable des relations entre Damas et Téhéran. La Syrie obtempèrera et l’Iran sera complètement isolé !
Certes, il y avait des conférences réussies, comme celles qui ont été organisées au lendemain des guerres mondiales. Ces conférences ont vu la naissance d’États-Nations et les grandes puissances ont non seulement imposé un nouvel ordre mondial mais en en ont dicté les caractéristiques. Toutefois, Annapolis ne ressemble pas à ces conférences historiques. La seule puissance mondiale qui n’a pas hésité à déclencher deux guerres en l’espace de deux ans, a été prise d’un sentiment d’effroi lorsqu’il a fallu qu’elle impose sa vision de la paix. Depuis le mandat de Ronald Reagan et de James Baker, le slogan qui est brandi est que personne ne veut la paix plus que les parties concernées, aussi est-il difficile de le la leur imposer. Il semble que la vision de Baker soit redevenue influente à la Maison-Blanche. Résultat : la conférence d’Annapolis n’aura pas la capacité de mettre en œuvre les accords qui pourraient y être conclus.

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
L’optimisme du président palestinien, Mahmoud Abbas, vient plus de monde de l’espérance que du réel. Abbas a déployé de sérieux efforts pour obtenir des Israéliens n’importe quoi avant d’aller à Annapolis. Mais il n’a pas réussi à changer la vision qu’a Israël de cette conférence. Sauf s’il pense, à tors, que la politique sioniste est dictée par des positions circonstancielles et des attitudes lunatiques, et non pas par des considérations stratégiques qui font l’unanimité.
Cet optimisme n’est pas différent du refrain selon lequel « il y a huit mois pour conclure la paix ». Ce genre de propos est étonnant. Cela fait 60 ans que l’on entend des belles paroles sur le règlement de la cause palestinienne, et plus de dix ans que les négociations directes ont commencé. Malgré cela, la crise se complique davantage et les Palestiniens n’ont toujours pas obtenu leurs droits. Ils présentent concession sur concession et n’ont rien obtenu, a part la crainte du transfert de ceux d’entre eux qui résistent encore sur leur terre.

Tendances et événements au Liban

Les milieux du Cabinet de Fouad Siniora ont refusé de parler de gouvernement chargé d’expédier les affaires courantes. Le Premier ministre a lui-même affirmé que son équipe possédait « toutes les qualités et compétences » pour exercer pleinement le pouvoir. Ces propos démentent les informations qui ont circulé sur des garanties et des critères négociés par des émissaires étrangers ces dix derniers jours pour la gestion du vide.
Les députés loyalistes ont estimé que les pouvoirs présidentiels ont naturellement échu au gouvernement de Fouad Siniora, tandis que l’opposition a mis en garde ce dernier contre toute tentative d’accaparer les prérogatives du chef de l’État, affirmant que dans ce cas, il aura franchi une ligne rouge. Pendant ce temps, le chef de file des chrétiens loyalistes, l’ancien chef de milice Samir Geagea, a réaffirmé son attachement à l’élection d’un président à la majorité absolue.
Les milieux politiques attendent ce que va dire le chef druze Walid Joumblatt. Des informations ont circulé sur son intention de reprendre contact avec le président du Parlement, Nabih Berry et le général Michel Aoun, deux des principaux chefs de l’opposition, ainsi qu’avec le Hezbollah. Mais le discours apaisant et conciliant de Joumblatt contraste avec le ton dur et ferme de certains membres de son bloc parlementaire, ce qui laisse craindre une habituelle répartition des rôles entre le chef druze et ses principaux lieutenants.
Le chef chrétien de l’opposition, Michel Aoun, inaugure ce lundi des concertations avec des personnalités politiques, économiques et médiatiques chrétiennes, qui s’étaleront sur trois jours. Il jette les bases d’une campagne visant à combattre la marginalisation politiques des chrétiens qui a atteint son paroxysme avec la vacance à la tête de la République. Il a adressé de vives critiques aux chrétiens loyalistes qui ont refusé de reconnaître le droit des membres de sa communauté de faire élire à la première magistrature de l’État leur chef le plus représentatif. Il est accusé de n’avoir même pas pris la peine de lire attentivement l’initiative de sauvetage qu’il a proposé 24 heures avant la fin du mandat d’Émile Lahoud, dans laquelle il renonce à sa candidature mais se réserve le droit de choisir le prochain chef de l’État. Il a également critiqué la passivité du patriarche maronite, lui reprochant d’avoir accueilli, le jour même du début de la vacance présidentielle, le chef du gouvernement Fouad Siniora, comme pour l’encourager à exercer les prérogatives présidentielles.
Les concertations entre les dirigeants de l’opposition se poursuivent avec intensité pour examiner les moyens de faire face à la situation actuelle. Surtout que l’administration américaine est déterminée à prolonger très longtemps ce vide, occupé par son principal allié au Liban, Fouad Siniora. Des sources européennes citées par le Journal du Dimanche affirment que l’élection du commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, revient de nouveau sur le tapis. Selon le journal, cette proposition pourrait être avancée par des milieux du 14-mars, bien que cette option nécessite un amendement constitutionnel, rejeté par ces mêmes milieux il y a quelques semaines.
La nouvelle séance de l’élection présidentielle est fixée à vendredi prochain. Mais aucun développement ne permet de dire que la crise sera réglée ce jour-là, ou même dans les semaines qui suivent.

Presse libanaise

AL-MANAR (HEZBOLLAH)
Le gouvernement de Fouad Siniora a accru la tension et compliqué la crise en décidant de participer à la conférence d’Annapolis, une mesure d’une extrême gravité qui nécessite le plus large consensus national avant d’être prise.

OTV (TELEVISION DU CPL DU GENERAL MICHEL AOUN)
Ce lundi va être lancé un mécanisme chrétien libanais à partir de Rabié (La résidence de Michel Aoun, ndlr) ayant de multiples objectifs. D’abord, consacrer la réalité que Rabié est devenue la principale autorité de référence chrétienne aussi bien pour la présidentielle que pour toutes les questions d’intérêt public. Ensuite, consacrer définitivement le principe que l’entente nationale est le passage obligé de l’échéance présidentielle.

LBC (PROCHE DU 14-MARS)
La République est entrée dans le deuxième jour du vide et aucun indice ne permet de dire qu’une entente pourrait intervenir avant la séance du 30 novembre. En effet, les rencontres bilatérales entre Nabih Berry et Saad Hariri sont suspendues, et les contacts internes n’existent pas. Les Libanais commencent à se faire à l’idée du vide, rassurés par les informations selon lesquelles tout se déroulera dans le calme.

NTV (PROCHE DES THESES DE L’OPPOSITION)
• O chrétiens, et notamment les maronites ! N’ayez crainte, la République est entre des mains sûres. Son Excellence le président (Fouad Siniora, ndrl) gouverne conformément à toutes les compétences et n’a pas besoin de prérogatives supplémentaires. Dormez les portes ouvertes ! Votre fauteuil présidentiel va rester longtemps occupé par son Excellence. Demain, Fouad Siniora procèdera à des nominations administratives et autres et ne se contentera en aucun cas d’expédier les affaires courantes.
• Émission : La semaine en une heure
 Michel Aoun, chef chrétien de l’opposition nationale libanaise
J’ai présenté mon initiative conformément aux vœux du président Nicolas Sarkozy et des ambassadeurs européens, à qui on avait fait croire que la crise est due au fait que je refuse d’envisager une autre candidature que la mienne. J’ai présenté des concessions immédiatement rejetées par l’autre partie qui n’a même pas pris la peine de lire le texte de l’initiative.
Je demande au Patriarche Nasrallah Sfeir de dévoiler les noms de ceux qui entravent la tenue d’une réunion des principaux chefs maronites sous son égide.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.