Tendances et événements au Proche-Orient

La conférence d’Annapolis fait la une des journaux arabes et l’essentiel de la couverture de l’audiovisuel. Les analystes estiment que les résultats de cette rencontre sont connus à l’avance. Il est clair que la position israélienne empêche tout progrès sérieux sur le volet palestinien et encore moins sur les volets libanais et syrien. Les articles publiés dans la presse israélienne affirment que cette conférence a été conçue pour ressembler à un carnaval politique susceptible d’être exploité par l’Administration Bush à des fins internes. L’État hébreu tente d’arracher à cette occasion le maximum d’acquis, à travers, par exemple, des photos-souvenirs regroupant des dirigeants israéliens et arabes.
Utilisant Annapolis comme couverture, les troupes d’occupation israélienne ont intensifié, ces dernières 48 heures, leur répression sanglante en Cisjordanie et à Gaza, où plusieurs palestiniens ont été tués. Des organisations et des notables palestiniens ont décidé d’unir leurs efforts pour faire face aux éventuelles retombées d’Annapolis sur la cause palestinienne, surtout après l’annonce de l’élaboration d’un document entre l’Autorité palestinienne et l’État hébreu. L’opposition palestinienne craint que ce document ne soit le prélude à l’abandon du droit au retour par Mahmoud Abbas, à cause des pressions exercées par Israël, qui pose comme condition qu’il soit reconnu comme « État des juifs ». Or une telle appellation pourrait ouvrir la voie au retrait de la nationalité israélienne des 1,5 millions d’Arabes israéliens, qui seraient alors poussés à l’exode. C’est ce que l’on appelle le « transfert ». Une option qui n’a jamais été abandonnée par les chantre du sionisme qui jugent cette mesure nécessaire pour préserver le caractère juif de l’État.
Une phase nouvelle de la lutte du peuple palestinien pour recouvrer ses droits légitimes va s’ouvrir. Elle sera encore plus dure et plus difficile et exigera de plus grands sacrifices, surtout que l’Autorité palestinienne s’est alignée sur la stratégie états-unienne qui, pas besoin de le prouver, fait primer les intérêts israéliens sur ceux des Palestiniens. Mahmoud Abbas est en passe d’accepter des concessions, que le chef historique des Palestiniens, Yasser Arafat, a refusé de faire même sur son lit de mort.

Presse et agences internationales

• Dans un article publié dans plusieurs journaux israéliens, Yaron London se demande pourquoi les Syriens sont venus à Annapolis. George Bush a laissé entendre que le bombardement par l’aviation israélienne d’un site en Syrie a poussé les Syriens à réaliser leur faiblesse et à accepter de participer à la conférence. La faiblesse d’un adversaire arabe donne à Israël une suprématie, mais l’expérience a montré qu’elle n’empêchait pas la guerre d’éclater. Les Égyptiens étaient considérés comme faibles jusqu’au jour où ils ont traversé le canal de Suez. Ils nous ont fait payer un prix sanglant et nous ont contraint à leur rendre le Sinaï. De même, les Palestiniens sont complètement démunis. Mais avec le peu de force qu’ils ont, ils nous gênent depuis des décennies.
La Syrie va manœuvrer entre l’Iran et l’Occident. Cependant, elle n’abandonnera jamais ses intérêts au Golan et au Liban. Et tôt au tard, elle négociera pour récupérer ses terres, ce qu’elle considère comme un étant droit historique. Aussi grande notre suprématie militaire soit-elle, la confrontation avec la Syrie risque de lui asséner un coup fatal. Aussi, est-il préférable d’exploiter sa faiblesse actuelle, qui, probablement, n’est que provisoire, pour conclure un accord de paix.
Si nous ne sommes pas prêts à nous retirer du Golan, que pouvons-nous offrir à Damas. C’est sans doute au Liban que nous pouvons lui donner quelque chose. La position israélienne à l’égard de notre petit voisin du nord date d’avant même la fondation du Liban. Les diplomates du mouvement sioniste ont établi des relations avec les chrétiens, et les paysans de la Galilée ont entretenu de bonnes relations avec les chiites du Sud. Après l’accord de paix avec l’Égypte, nous pensions que le Liban serait le deuxième pays arabe à signer la paix avec nous. Cette hypothèse était basée sur la croyance erronée que les Libanais voyaient secrètement dans Israël un allié, mais qu’ils étaient contraints de se solidariser avec les pays arabes et musulmans.

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
Lorsque George Bush réitère son engagement personnel à œuvrer pour l’édification d’un Etat palestinien qui coexisterait aux côtés d’Israël, et qu’il pèserait de tout son poids pour faire avancer les négociations qui commencent aujourd’hui à Annapolis, la question suivante se pose : qu’est-ce qui a empêché Bush de respecter cet engagement ces sept dernières années ? S’il n’a pas tenu cet engagement pendant toute cette période, les 14 mois restant de son mandat suffiront-ils à édifier l’État palestinien qui aurait dû voir le jour en 2005, selon sa promesse ? Les Arabes participent à la conférence d’Annapolis par pur folklore et parce qu’ils n’ont pas les moyens ni le courage de refuser une invitation adressée par la Maison-Blanche. Bush a besoin d’eux pour améliorer son image et pour rassembler ce qu’il lui reste comme moyens pour mener ses guerres destructrices entamées depuis les attaques du 11 septembre 2001.
Dans ce contexte, Annapolis ressemble à un carnaval politique au cours duquel la cause palestinienne sera exposée d’une manière caricaturale. Car les participants savent que ni le président américain est sérieux dans ses engagements, ni Israël est sérieux dans sa volonté à conclure la paix, car il sait que seuls les rapports de force imposent les solutions. Mais la crainte est de voir les États-Unis et Israël exploiter la faiblesse des Arabes pour brader les droits des Palestiniens pendant le tintamarre du carnaval.

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
La conférence d’Annapolis se tient aujourd’hui après que la question du Golan eut été inscrite à l’ordre du jour. Il faut espérer que la région va se diriger vers la paix, mais cela ne signifie pas que ce progrès sera enregistré lors de cette conférence. La Syrie ne se fait pas d’illusion à cet égard. Toutefois, elle souhaite qu’Annapolis soit une occasion pour booster l’initiative de paix arabe sur tous les volets. Cette conférence permettra aussi de tester le sérieux des hôtes et des invités.
Au vu des politiques de l’administration américaine actuelle, le plafond des attentes est très bas. Washington a toujours fait primer les intérêts israéliens et encouragé les pulsions agressives de l’État hébreu. Sous Bush, il a ignoré les résolutions internationales. N’empêche que les Arabes, pendant et après Annapolis, doivent faire preuve de solidarité et doivent restés attachés à l’initiative qu’ils ont proposé. C’est sur cette base qu’ils ont décidé de participer à la conférence, conformément aux résolutions du comité ministériel de suivi. Ils veulent s’assurer du sérieux de la position américaine et veulent montrer au monde que les Arabes veulent la paix et souhaitent récupérer leurs droits et leurs terres occupées.

AL-WATAN (QUOTIDIEN SAOUDIEN)
Un optimisme prudent règne dans les couloirs d’Annapolis, où la conférence de paix entame ses travaux officiels aujourd’hui. En dépit des efforts sérieux déployés par l’État hôte, tout repose sur le sérieux d’Israël et sur l’impartialité des médiateurs et leurs capacités à influer sur l’État hébreu afin de réaliser une percée concrète sur les volets des négociations après les échecs répétées des dernières années, à commencer par Oslo pour arriver à Wye Plantation, en passant par Camp David. Il n’est un secret pour personne qu’Israël veut tenter d’arracher des acquis essentiels lors de cette conférence. Il concentre ses efforts dans le but d’obtenir la normalisation des relations avec les Arabes avant la réalisation de progrès concrets. Mais cette attitude est en contradiction avec la position arabe officielle qui dit qu’il ne peut y avoir de normalisation avant une avancée réelle sur les grands dossiers. C’est-à-dire le retrait jusqu’aux frontières de 1967, la question de Jérusalem et celle des réfugiés. C’est sur ces questions fondamentales que se fonde l’initiative arabe.
Mais le chemin reste long devant une paix globale sur tous les volets. L’administration américaine doit éviter l’impasse dans laquelle s’est trouvée coincée l’administration de Bill Clinton à Wye Plantation, en 1998, et à Camp David en 2000. Elle doit comprendre que les Arabes ne sont pas disposés à offrir à Israël des concessions gratuites. La paix a un prix. S’il n’est pas payé, cette conférence sera comme les précédentes, une simple opération de relations publiques.

Tendances et événements au Liban

La décision du gouvernement de Fouad Siniora de participer à la conférence d’Annapolis continue d’alimenter de vives polémiques et de faire couler beaucoup d’encre. Cette mesure, qui intervient alors que le pays est plongé dans un vide constitutionnel, vise à consacrer le précédent de l’exercice des prérogatives présidentielles par le Premier ministre. Pour l’opposition, Fouad Siniora ne fait qu’appliquer des instructions américaines qui risquent d’imposer au Liban des engagements —la normalisation des relations avec Israël— pris par un gouvernement anticonstitutionnel ne jouissant d’aucune couverture nationale. Les loyalistes, eux, estiment que ce gouvernement a la responsabilité constitutionnelle de gérer les affaires publiques. Certains d’entre eux ont toutefois mis l’accent sur la nécessité de respecter la position libanaise qui consiste à refuser la normalisation et à prôner une paix juste et globale.
Annapolis n’a pas ravi la vedette à la question de la vacance de la présidence de la République. Dans ce contexte, les concertations entreprises par le général Michel Aoun avec des personnalités politiques, économiques, syndicales et médiatiques chrétiennes, occupent le devant de la scène. Ces consultations seraient le prélude à un vaste mouvement populaire et politique, qui pourrait prendre la forme de manifestations ou de sit-in afin de faire pression sur les ministres chrétiens du gouvernement de Fouad Siniora pour qu’ils présentent leur démission. Des sources bien informées n’excluent pas le recours par l’opposition à la désobéissance civile pour empêcher un pouvoir jugé illégitime d’exercer les prérogatives du président de la République.
Pendant ce temps, des milieux bien renseignés révèlent que Fouad Siniora et son équipe examinent sérieusement la possibilité de nommer des ministres pour remplacer ceux du mouvement Amal et du Hezbollah qui ont démissionné le 11 novembre 2006. Si une telle mesure est prise, elle serait interprétée par l’opposition comme une décision états-unienne destinée à installer un provisoire qui dure.
Dans ce contexte, il apparaît de plus en plus probable que la séance d’élection prévue le 30 novembre sera, une nouvelle fois, reportée.

Presse libanaise

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
Mobilisation maronite à tous les niveaux pour empêcher la normalisation au niveau de la vacance présidentielle. Les concertations lancées par le général Michel Aoun ont suscité l’intérêt des milieux politiques qui ont tenté de déterminer le niveau des personnalités qui ont répondu à l’appel du chef chrétien de l’opposition. Des contacts ont lieu dans les coulisses pour essayer de trouver une issue à la crise de la présidentielle.

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Le chef du gouvernement, Fouad Siniora, a expliqué que sa décision de participer à la conférence d’Annapolis s’inscrit dans le cadre de l’orientation générale des pays arabes. Il a rappelé que la participation du Liban n’implique pas des négociations bilatérales avec Israël.
Par ailleurs, le commandant en chef de l’armée, le général Michel Sleimane, s’est rendu au patriarcat maronite pour expliquer que la sécurité est une responsabilité publique qui incombe à la troupe.
Les indices, y compris les concertations politiques et populaires à Rabié (la résidence du général Michel Aoun), montrent que la solution au vide constitutionnel ne sera pas rapide.

Audiovisuel libanais

AL-MANAR (HEZBOLLAH)
Émission : Entre parenthèses
 Jean Ogassabian, ministre du gouvernement de facto
La question de la légitimité et la constitutionnalité du gouvernement est désormais derrière nous.
Il faut organiser l’élection présidentielle le plus rapidement possible.
 Mohammad Fneich, ministre démissionnaire (Hezbollah)
La paralysie et la fermeture de la Chambre des députés sont dues au fait que le gouvernement est anticonstitutionnel. La présence de cette équipe ne nous rassure pas. Seule l’organisation d’une élection présidentielle qui prendrait en considération la représentativité chrétienne peut nous satisfaire.
L’entente ne peut pas réussir sans le général Michel Aoun.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.