Tendances et événements au Proche-Orient

Une grande confusion règne dans les milieux politiques israéliens en raison de trois questions longuement abordées par la presse israélienne :
 1. Le revirement des États-Unis qui ont visiblement abandonné la politique des menaces de guerre et d’invasion et ont choisi de s’adapter aux équations imposées par la Syrie, l’Iran et les mouvements de résistance au Liban, en Palestine et en Irak. Le rapport des agences du renseignement états-uniennes révélant que l’Iran a abandonné son programme militaire nucléaire depuis 2003 reflète le climat qui règne à la Maison-Blanche. La politique de Washington se limite maintenant aux sanctions. Des journalistes et des analystes israéliens affirment même que les États-Unis se sont résolus à s’adapter à l’idée d’un Iran nucléaire et grande puissance régionale. Le pari de consacrer, à la conférence d’Annapolis, un front arabe modéré anti-iranien est tombé au sommet du Conseil de coopération du Golfe, auquel le président Mahmoud Ahmadinejad a été invité.
 2. Après Annapolis, le volet palestinien est de nouveau dans l’impasse. Israël, incapable d’accorder aux Palestiniens ne serait-ce qu’une partie infime de leurs droits, donne la priorité absolue à la sécurité de l’occupation en Cisjordanie. Cette intransigeance a poussé le président de l’Autorité, Mahmoud Abbas, à tendre l’oreille aux appels au dialogue avec la Hamas. Les Israéliens craignent la réactivation de l’accord inter-palestinien de la Mecque qui partage le pouvoir entre le Fatah et le Hamas et gère une relation pacifique entre les deux grands mouvements palestiniens. En parallèle, les analystes israéliens estiment que le gouvernement actuel, dirigé par Ehud Olmert, est trop faible pour pouvoir enregistrer des progrès sur n’importe quel volet du processus de paix.
 3. La direction militaire israélienne fat preuve d’hésitation face à l’attitude à adopter à Gaza. Elle est incapable de supporter indéfiniment la guerre d’usure qu’elle subit, mais craint de lancer une invasion totale contre la Bande, comme le préconise le plan préparé par le ministre de la Défense, Ehud Barak, avec la participation de plus de 20 000 soldats d’élite. Les experts militaires qualifient une telle option d’« aventure meurtrière ».

Presse internationale

MATINE (QUOTIDIEN IRANIEN)
La presse iranienne était divisée cette semaine sur l’évaluation des résultats de la participation du président Mahmoud Ahmadimejad au sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et sur la partie qui a vraiment tiré profit de cette participation. Diverses objections sont apparues sur la politique du président de la République. Certains estiment que ses orientations, dans le domaine du nucléaire entre autres, conduisent l’Iran vers la catastrophe. Les détracteurs d’Ahmadinejad estiment aussi que sa participation au sommet de Doha a profité aux pays du Golfe qui n’ont cessé d’appeler la région « Golfe arabe » au lieu de lui donner son vrai nom de « Golfe persique ». De plus, sa présence au sommet du CCG donne un quitus aux État membres de ce conseil qui ont appuyé la guerre de Saddam (Hussein, ndlr) contre l’Iran. Comment le président a-t-il pu se tenir debout sous l’emblème du CCG qui porte le faux nom du Golfe ?

SIYASAT ROZE (QUOTIDIEN IRANIEN)
Mahmoud Ahmadinejad est le premier président iranien à participer à un sommet du CCG. Sa présence à Doha est intervenue alors que l’administration Bush déploie de sérieux efforts pour effrayer les Arabes du rôle de l’Iran et de son programme nucléaire. Les États membres du CCG ont voulu exploiter cette présence iranienne pour faire baisser la tension dans la région et pour mettre en avant la nécessité de trouver une issue pacifique au dossier du nucléaire civil. Les dénominateurs communs entre l’Iran et certains pays du CCG dans les domaines social, culturel et religieux, contribuent à jeter les fondements d’une coopération et d’une entente régionales. Ce processus permet de limiter les interventions des étrangers dans cette région délicate.

AL-BAYAN (QUOTIDIEN QATARI)
Le président George Bush a soudain décidé de visiter le Moyen-Orient au début de l’année prochaine. Cette annonce intervient quelques jours après la conférence d’Annapolis et au lendemain du rapport des agences du renseignement affirmant que Téhéran avait suspendu son programme nucléaire militaire depuis 2003. Elle survient aussi un an avant la fin de son mandat, à l’issue duquel il va rejoindre les rangs des retraités. Généralement, les présidents états-uniens se tournent vers l’extérieur la dernière année de leur mandat, et pas nécessairement pour enregistrer des succès. Ce que Bush n’a pas réussi à faire pendant ses deux mandats, il ne réussira pas à le faire pendant le peu de temps qu’il lui reste.

AL-QABAS (QUOTIDIEN KOWEITIEN)
Le centre américain pour les documents et les archives a dévoilé des questions qui étaient d’actualité il y a plusieurs décennies, notamment lors de la présidence de Richard Nixon, et qui n’ont toujours pas trouvé d’aboutissement aujourd’hui. Ces documents évoquent la lutte contre le terrorisme, la centralité de la question du pétrole en tant qu’outil de pression contre les États-Unis, la recherche d’une direction palestinienne « modérée », et la problématique de l’armement d’Israël, plus particulièrement la bombe atomique. Certains documents soulignent la gravité du projet nucléaire israélien qui risque de lancer une course à l’armement dans la région et qui pourrait pousser l’Union soviétique à fournir des armes nucléaires aux Arabes. Les rapports états-uniens affirment que l’administration US n’a pas réussi à stopper le projet nucléaire israélien et révèlent que l’État hébreu a volé des matières « sensibles » dans des centres US, dont les matières qui aident à la fission atomique. Grâce à cela, Israël a pu fabriquer un grand nombre d’ogives nucléaires.

LE MONDE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, SOCIAL-DEMOCRATE)
En huit mois, Nicolas Sarkozy a signé la vente de centrales nucléaires civiles au Maroc, à la Libye, et à l’Algérie. Rompant le tabou en la matière, il se déclare prêt à équiper tous les États arabes qui le souhaitent. Derrière cette annonce se profile une compétition sauvage entre Areva (France), Atomenergoprom (Russie), Toshiba-Westinghouse (Japon) et General Electric (USA). Ce dernier équipe déjà l’Égypte.

LE FIGARO (QUOTIDIEN FRANÇAIS, MAJORITE PRESIDENTIELLE)
Le ministre russe de la Défense, Anatoli Serdioukov, a annoncé mercredi que la marine russe allait effectuer sa première grande sortie en Méditerranée depuis la chute de l’URSS. Une dizaine de bâtiments de guerre, dont le porte-avions Amiral Kouznetsov, seront appuyés par 47 avions, dont des bombardiers stratégiques. Le porte-aéronefs et des navires de lutte anti-sous-marine ont quitté leur base de Severomorsk, près du cercle polaire arctique. Ils seront rejoints par des bâtiments de la flotte de la mer Noire.

LE PARISIEN-AUJOURD’HUI EN FRANCE (QUOTIDIEN POPULAIRE FRANÇAIS)
Un compromis est intervenu entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel à propos du projet français d’Union de la Méditerranée. L’Allemagne craignait que la France n’ambitionne de créer une organisation parallèle à l’Union européenne dans une zone géographique où elle n’a pas accès. En définitive, Berlin sera associé à cette initiative.

L’HUMANITE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, COMMUNISTE)
Après le scandale de la rétribution au Parti travailliste des nominations à la Chambre des lords, on découvre qu’une personnalité a versé illégalement 900 millions d’euros au parti via des prête-noms. Le promoteur immobilier David Abrahams impliquait ainsi le Labour dans l’association des Amis travaillistes d’Israël et pensait influer sur la politique du royaume au Proche-Orient.

LE TEMPS (QUOTIDIEN SUISSE, CONSERVATEUR)
Le rapport des services de renseignement états-uniens sur le nucléaire iranien profite au plan intérieur au président Ahmadinejad. Celui-ci n’en finit pas de savourer sa victoire. A trois mois des élections législatives, appuyé par son ancien négociateur Ali Laridjani qui semble avoir oublié ses rancœurs, il critique les appels à la prudence qu’avaient lancés les réformateurs. Cependant, les électeurs iraniens lui demanderont des comptes sur sa gestion économique.

Tendances et événements au Liban

L’absence d’un accord politique global a provoqué le report, pour la septième fois en l’espace de dix semaines, de la séance de l’élection d’un nouveau président ce vendredi. Ce nouvel ajournement intervient après 48 heures d’intenses négociations entre les deux parties, menées par l’intermédiaire du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Ces tractations ont abouti aux résultats suivants :
 1. Les loyalistes ont accepté le principe de la formation d’un gouvernement d’union nationale après l’élection présidentielle. La répartition des sièges entre le 14-mars et l’opposition se fera conformément aux rapports de forces au Parlement (55% pour le 14-mars, 45% à l’opposition). C’est-à-dire 14 portefeuilles aux loyalistes, 12 à l’opposition et 4 au président de la République.
 2. Les loyalistes ont accepté l’élaboration d’une loi électorale basée sur un nouveau découpage (la circonscription électorale réduite), comme l’exigeait le chef chrétien de l’opposition, le général Michel Aoun, qui mène les négociations au nom de l’opposition.
 3. Le 14-mars a accepté que la Déclaration ministérielle comporte un paragraphe clair et sans ambages soutenant la Résistance et le droit du Liban à libérer ses terres occupées par Israël. Le texte qui circule est encore plus ferme que celui qui avait été rédigé il y a deux ans. Il mentionne la nécessité pour le Liban de respecter les résolutions internationales et non pas de les mettre en œuvre.
 4. Les négociations se poursuivent autour du nom du futur Premier ministre et de certains détails concernant la répartition des portefeuilles, et de quelques points de l’initiative du général Michel Aoun.
 5. Le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, qui se trouve au Liban pour défricher le terrain avec le soutien de la communauté européenne, fait preuve d’une grande compréhension à l’égard des positions du général Aoun et du contenu de son initiative. Il a tenté de convaincre Saad Hariri et d’autres figures du 14-mars de discuter avec Aoun de son initiative et de conclure avec lui un accord politique, seule issue pour sortir le pays de la crise.
Ces reculades de la part du 14-mars, qui menaçait il y a tout juste trois semaines d’élire un président unilatéralement sans le consentement de l’opposition et qui refuse depuis plus d’un an un gouvernement d’union nationale, illustrent le repli du projet états-unien au Moyen-Orient, pour ne pas dire sa défaite. Et plus les jours passent, plus le 14-mars va se trouver dans une situation difficile.

Audiovisuel libanais

LBC (CHAINE PROCHE DU 14-MARS)
Émission : Les gens en parlent
 Bouthros Harb, député (14-mars)
Je ne suis plus candidat à la présidence, même si le général Michel Sleimane n’est pas élu à la présidence.
Je suis opposé à l’amendement de la Constitution et je pense que les militaires doivent être éloignés de la politique.
Je voterais pour Michel Sleimane à condition qu’il soit porteur d’un projet global de règlement de la crise libanaise. Je mettrais alors mon programme et mes idées à sa disposition.
Saad Hariri, Walid Joumblatt, Amine Gemayel et Samir Geagea n’auraient pas dû accepter la candidature du général Michel Sleimane sans revenir aux assises élargies du 14-mars. Il faut un mécanisme pour le fonctionnement de cette coalition. Si un tel mécanisme n’est pas adopté, je vais quitter les rangs du 14-mars.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions arabe, anglaise et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise et arabe.