Au centre de Beyrouth, un immense campement populaire assiège le palais du gouvernement et les bureaux de l’ONU, protégés par un mur de barbelés.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Liban n’a jamais vécu de longue période de paix. Avant que les Français en fassent une République en 1943, les différentes communautés de la région avaient connu plusieurs guerres civiles. Une mentalité tribale, des structures sociales féodales, des différences confessionnelles et les ingérences de puissances étrangères comme les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont joué un rôle déterminant dans le déclenchement des guerres civiles dans la région, laquelle, à certaines époques, s’étendait des monts Liban à Damas, comme ce fut le cas de 1860 à 1863.

Au cours de l’histoire récente, le Liban a traversé plusieurs crises. C’est, en 1948, la création d’Israël en territoire palestinien et l’expulsion de la population autochtone vers les camps de réfugiés des pays voisins, dont le Liban, qui a eu les conséquences les plus importantes pour le pays du Cèdre. Le conflit israélo-palestinien, auquel les grandes puissances n’étaient pas disposées à mettre fin, lui a imposé un lourd fardeau.

L’invasion du Liban par Israël en 1982 a suscité la création de mouvements de libération

L’invasion du Liban par Israël en 1982 a suscité dans la population la création de mouvements de libération, dont le Hezbollah, résistance authentiquement libanaise visant à libérer le pays de l’occupant. Le but fut atteint en mai 2001 mais certaines zones restèrent sous le contrôle d’Israël qui refusait d’y reconnaître la souveraineté du Liban, ce qui alimente le conflit aujourd’hui encore.

Lors des dernières élections législatives, le Hezbollah a conclu des accords avec certains partis politiques libanais et plus tard avec le gouvernement. La condition était que le Hezbollah conserve le statut de mouvement de résistance libanais contre l’occupation israélienne jusqu’à ce que les territoires occupés et les prisonniers libanais soient libérés. Les accords stipulaient également que l’armement du Hezbollah était une affaire intérieure du Liban mais les USA et Israël s’y opposèrent et exigèrent son désarmement.

Les partis libanais et le gouvernement dont les chefs s’étaient alliés au Hezbollah, par exemple le parti d’Hariri et les anciens seigneurs de la guerre Samir Geagea et Walid Joumblatt, ont dénoncé cet accord et ont cédé à l’influence des ambassades états-uniennes, britannique et française en demandant le désarmement du Hezbollah. Celui-ci refuse d’obtempérer tant que les Israéliens ne se seront pas retirés et qu’ils n’auront pas relâché les prisonniers.

Le 14 juillet 2006, Israël a déclenché une attaque brutale du Liban à la suite de la capture de deux soldats israéliens qui devaient être échangés contre des prisonniers libanais. Cependant, selon les médias internationaux, Israël avait, auparavant déjà, en accord avec les États-Unis, prévu l’attaque pour le mois d’octobre mais les événements avaient forcé Israël à accélérer la guerre pour chasser le Hezbollah du Sud-Liban.

La moitié de la population réclame la démission du gouvernement

Juste après la guerre, les différents partis libanais ont entamé un dialogue afin de résoudre la crise intérieure du pays, mais il a échoué. Des manifestations importantes des deux parties ont eu lieu et la moitié de la population a exigé la démission du gouvernement, mais celui-ci n’a pas cédé. Six membres du gouvernement appartenant à l’opposition ont démissionné. Les autres sont restés fidèles et ont dès lors pris des décisions unilatérales concernant la totalité de la structure politique du pays, ce qui a entraîné des problèmes économiques, sociaux et politiques.

Cela a amené l’opposition à organiser des manifestations gigantesques auxquelles la moitié environ de la population a participé à Beyrouth et dans d’autres parties du pays. Il s’en est suivi un sit-in dans le centre de la capitale visant à forcer le gouvernement à changer de politique et à accepter la formation d’un gouvernement d’union nationale. Cependant, sous la pression des États-Unis, le gouvernement s’y est refusé et toutes ses propositions en vue de résoudre d’autres problèmes politiques – outre le désarmement du Hezbollah – ont échoué.

De plus, l’élection d’un nouveau président, qui devait avoir lieu avant le 23 novembre, date de la fin du mandat de l’actuel chef de l’État, n’a pas eu lieu. La réunion du Parlement du 23 novembre qui devait élire le Président a été un échec. Toutes les demandes d’élections législatives anticipées ont également été vaines en raison de la pression des États-Unis visant à maintenir au pouvoir l’actuel gouvernement et de la peur que les partis loyalistes ne perdent les élections. Cette peur s’explique par les fautes commises par le gouvernement et par le fait qu’il a négligé d’accéder aux demandes de la société libanaise d’améliorer le statut social de la population, les systèmes économique, sanitaire, scolaire et agricole.

Absence de divisions d’ordre religieux

Les salaires des employés des services publics n’avaient pas été améliorés depuis des années malgré l’augmentation considérable du coût de la vie. Cela a conduit à des conditions de vie très dures auxquelles les Libanais n’étaient pas habitués. Le domaine très important de l’éducation est négligé, si bien que les écoles, les universités et les instituts sont en mauvais état, ce qui entraîne la colère et le désespoir. Dans cette atmosphère de misère et de détresse, les politiques se sont enrichis de plus en plus grâce à la corruption régnant dans l’appareil gouvernemental et à leur gestion des problèmes sociaux.

Cette situation a fait le désespoir des jeunes gens cultivés qui quittent le pays à la recherche d’une vie meilleure. Le comportement immoral du gouvernement qui n’a pas su venir en aide aux personnes touchées par la destruction des infrastructures par Israël a ajouté à la colère. Après l’échec de l’élection présidentielle, le gouvernement proaméricain actuel a pris la direction des affaires libanaises, mettant à l’écart d’importants secteurs de la société. Cette situation va persister et attiser les tensions entre les différents groupes.

Dans la crise actuelle, la société ne me semble pas divisée selon des critères religieux. Sa pensée est plutôt laïque, ce qui représente une évolution nouvelle et saine. Etant donné la situation présente – exercice du pouvoir par le gouvernement actuel et absence de président de la République qui assure un certain équilibre dans les luttes de pouvoir et vu la politique irresponsable du gouvernement, le pays va probablement être emporté dans le tourbillon de la crise du Moyen-Orient et nul ne peut prédire l’avenir de toute la région quand on voit les agissements immoraux de l’Administration Bush au Proche-Orient.

Michel Aoun, candidat possible à la présidence

Dans le processus consistant à trouver un président accepté par tous, les ingérences des grandes puissances vont continuer et Israël attend le moment propice où il attaquera à nouveau le Liban pour se venger de la défaite que lui a infligée le Hezbollah à l’été 2006. Alors qui pourra préserver de la guerre le Liban et toute la région ?

Le destin du pays pourrait être déterminé de manière civilisée si les politiques libanais abandonnaient leur esprit tribal, leur égoïsme et leur comportement archaïque et sectaire. Il semble qu’actuellement de nombreux Libanais renoncent à cet esprit sectaire, ce qui se manifeste dans le fait que les divergences à l’intérieur d’une même confession reposent plus sur des conceptions politiques que sur des convictions religieuses.

Comme le président libanais doit être un chrétien maronite, Michel Aoun, ancien général de l’Armée libanaise, est un candidat possible. Il sait comment surmonter la crise et, lors des dernières élections législatives, il a réuni sur sa personne la majorité des voix des chrétiens maronites. Il est parvenu à s’entendre avec le Hezbollah sur la manière de résoudre politiquement la question du désarmement de l’opposition et la crise actuelle.

Version française : Horizons et débats.

Cet article a été rédigé avant que ne survienne l’accord entre les forces du 14-mars et celles de l’opposition sur l’éventuelle élection de Michel Sleimane à la présidence de la République.