Tendances t événements au Proche-Orient

La confusion et l’embarras suscités par le rapport des agences états-uniennes du renseignement sur l’Iran s’amplifient aux États-Unis. Ce document, qui affirme que l’Iran a suspendu son programme nucléaire militaire en 2003, pourrait conduire à une réorientation de la politique extérieure de Washington et modifier la carte politique à l’intérieur même du pays.
Les observateurs notent dans ce cadre les indices et les informations suivantes :
 1. Ce rapport est le résultat du travail de toutes les agences états-uniennes du renseignement (16 au total). Il s’agit donc des conclusions du pilier militaire et sécuritaire de l’establishment US. Il rappelle les recommandations de la Commission Baker-Hamilton que l’administration Bush avait essayé d’ignorer ou de contourner.
 2. Le rapport est prêt depuis six mois mais l’administration a interdit sa publication et les fuites organisées. Elle a mis à profit cette période pour ré-agencer ses cartes en prévision d’une nouvelle étape au Moyen-Orient.
 3. Les néo-conservateurs, où ce qu’il en reste au sein de l’administration, notamment le vice-président Dick Cheney et le conseiller à la sécurité nationale Elliot Abrams ont qualifié le rapport des agences de coup d’État, comme l’a révélé dans un article l’ancien ambassadeur US à l’Onu, le néo-conservateur John Bolton.
 4. Des informations publiées dans la presse états-unienne affirment que le raid israélien contre la Syrie, en septembre, est directement lié à ce rapport. Israël avait eu vent par des agents du contenu du document qui signifie que les pressions US vont baisser sur la Syrie et l’Iran. Il a donc décidé une frappe préventive contre ce qui a été présenté comme une cible nucléaire pour faire croire que Damas et Téhéran tentent de se procurer l’arme atomique par d’autres voies que le programme nucléaire de l’Iran. Un montage vulgaire destiné à justifier la poursuite et l’intensification des pressions sur ces deux pays, surtout que la Chine et la Russie vont réclamer un renvoie du dossier du nucléaire iranien à l’AIEI, à la lumière des conclusions du rapport des agences.
 5. Les analystes israéliens parlent d’une nouvelle étape stratégique dans la région, caractérisée par la multiplication des conseils états-uniens, dans les négociations entre les experts des deux bords, sur la nécessité de s’adapter à l’idée d’un Iran nucléaire. L’État hébreu a également reçu comme conseil d’envisager sérieusement des compromis dans les dossiers syrien, libanais et palestinien.

Presse et agences internationales

HAARETZ (QUOTIDIEN ISRAELIEN)
Selon des documents confidentiels, Israël et l’Autorité palestinienne sont parvenus, en 2000 et 2001, à des accords importants dans les trois grandes questions centrales : les frontières, Jérusalem et les réfugiés. Par contre, le fossé est demeuré profond dans les dossiers sécuritaires qui semblent, aujourd’hui, plus faciles à résoudre.
Dans les négociations qui se sont déroulés à Camp David-1 et à Taba (2000-2001), les Palestiniens se sont fermement opposés à la plupart des demandes israéliennes en matière de sécurité, dont la nécessité de démilitariser le futur État palestinien. Mais les deux parties ont tenté de trouver un accord-cadre pour une solution durable et permanente, comprenant des calendriers.

•Dans un article publié par la presse israélienne, Samuel Rosner tente de discréditer le rapport des agences US sur l’Iran. Il rappelle que les rapports de terrain de Howard Hart étaient tellement tronqués que le chef d’antenne de la CIA en Iran avait refusé de les envoyer à Washington. On est en été 1978, et les agents de la CIA sont en réunion pour rédiger le rapport d’évaluation sur l’Iran. William Doharty, ancien agent de la CIA emprisonné en Iran, raconte les détails de cette époque dans un article publié dans la revue nationale de l’espionnage et du contre-espionnage. Il explique qu’au milieu des années 60 du siècle dernier, la CIA estimait que l’opposition au régime du Chah avait totalement disparu. Doharty avait consacré son activité pour vérifier ces données.
En l’absence de solution de substitution, les dirigeants politiques sont contraints de compter sur les services de renseignement. Chaque erreur nécessitait une réforme, Chaque erreur nécessitait une commission spéciale, en commençant par les 14 rapports de la commission Tcharts jusqu’à la commission du 11-Septembre. Après que Bill Clinton fut surpris par les bombes atomiques de l’Inde et du Pakistan, il a chargé une équipe de veiller à la mise en œuvre des différentes recommandations des commissions qui se sont succédées. Mais cela n’a pas été concluant en Irak. Il semble qu’une nouvelle fonction est vacante à partir de la semaine dernière : la vérification du rapport d’évaluation des agences du renseignement sur l’Iran.

JAM JAM (QUOTIDIEN IRANIEN)
Les pertes de la guerre contre l’Irak, imposée à l’Iran, se sont élevées à 1000 milliards de dollars, sans compter le martyre de l’élite de la jeunesse qui ne peut être en aucun cas compensé. Mais la victoire a souri à ceux qui étaient dans leur droit. La résistance et la défense acharnée des principes de la révolution conduite par l’Ayatollah Khomeiny ont permis de préserver la souveraineté et la dignité de la patrie et ont contraint les organisations internationales, comme l’Onu, à reconnaitre que c’est l’Irak qui était l’agresseur et qui a déclenché les hostilités.
Le dossier du programme nucléaire ressemble à ceux de la guerre contre l’Irak à plus d’un égard. Ainsi, les Iraniens, en restant attachés à leurs positions, ont confirmé leur droit légal et ont continué sur la voie du développement scientifique et technique. Ils n’ont pas dévié de leur objectif en dépit des pressions des États-Unis et de l’Occident. Et voilà que les agences américaines du renseignement confirment la nature civile et pacifique du programme nucléaire iranien, comme l’affirme Téhéran depuis toujours.

AMROZ (QUOTIDIEN IRANIEN)
Le président Mahmoud Ahmadinejad a estimé que le rapport des agences états-uniennes affirmant que le programme nucléaire militaire iranien a été suspendu, était une des plus grandes victoires de l’Iran sur les États-Unis. Ce rapport renforce la position des partisans d’Ahmadimejad non seulement dans leur bras de fer avec l’Occident mais aussi dans leurs polémiques avec leurs détracteurs internes, qui les accusaient de mauvaise gestion du dossier du nucléaire. Le gouvernement, à travers des responsables dans le dossier nucléaire, veut demander d’importantes compensations et indemnités aux États-Unis et aux pays européens à causes des fausses accusations portées contre l’Iran. Il examine la possibilité d’engager des poursuites contre Washington devant les instances internationales pour obtenir des compensations.
Bien que le président George Bush a assuré que l’Iran continue de représenter un danger, les médias proches d’Ahmadinejad ont déformé ses propos, lui faisant dire exactement le contraire. Certains journaux ont même prétendu que Bush a accepté que l’Iran reçoive l’aide technique qu’il souhaite, après la lecture du rapport des agences du renseignement.

AL-BAYAN (QUOTIDIEN QATARI)
Le président George Bush est déterminer à améliorer l’image de Washington dans le monde, notamment dans le monde arabo-musulman. C’est son droit. Mais le problème c’est qu’il emprunte tous les chemins sauf celui qui le mène à ce but. Il a créé des médias audiovisuels et écrits pour tenter d’atteindre cet objectif. Il a dépensé des millions de dollars et leur a inventé un département spécialisé au sein de son administration. Mais tout cela n’a servi à rien.

LE MONDE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, SOCIAL-DEMOCRATE)
Un scénario a été mis au point par les États-Unis et l’Union européenne pour l’indépendance de fait du Kosovo. Celle-ci est retardée après les élections législatives serbes du 3 février. Peu après, le Kosovo se déclarera indépendant, les États-Unis le reconnaîtront, l’Union européenne déploiera une mission d’assistance de 1800 fonctionnaires, tandis que le secrétaire général de l’Onu proposera de réduire le nombre de Casques bleus. Ainsi, par ce qui relève de la prestidigitation diplomatique, la tutelle exercée par l’Onu sur le Kosovo céderait la place à un État indépendant où s’exercerait la surveillance étroite d’une mission civile de l’Union européenne.

LE FIGARO (QUOTIDIEN FRANÇAIS, MAJORITE PRESIDENTIELLE)
• Selon un sondage réalisé pour Le Figaro et LCI, 81% des Français approuvent les propos virulents de la secrétaire d’État aux Droits de l’homme, Rama Yade, à l’encontre de Mouammar Kadhafi.
•Mohammed el-Senoussi, héritier du trône de Libye, résidant actuellement à Londres, était en déplacement à Paris cette semaine pour faire entendre sa voix face à Kadhafi. Le prince, âgé de 45 ans, assure fédérer les oppositions dans son pays, mais n’a pas trouvé d’interlocuteur pour le recevoir en France.

LIBERATION (QUOTIDIEN FRANÇAIS, OPPOSITION)
Il y avait quelque chose de surréaliste à écouter hier l’audition de Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, devant la Commission d’enquête parlementaire sur l’affaire des infirmières bulgares. M. Guéant a répété que la France n’avait accordé aucune contrepartie à la Libye pour leur libération, alors même que le colonel Kadhafi paradait dans la capitale entouré d’une puissante escorte.

LA CROIX (QUOTIDIEN FRANÇAIS, CATHOLIQUE)
L’annonce par Bernard Kouchner d’un plan d’accueil des réfugiés irakiens en France a soulevé la colère des évêques catholiques chaldéens. La publicité faite autour de ce plan fait énormément de tort aux chrétiens qui ont décidé de rester en Irak », estime Mgr Louis Sako, considérant que ce plan donne un argument de plus aux fondamentalistes musulmans « qui font pression sur nous pour que nous partions. Ils vont nous dire : “vous avez un refuge, alors quittez l’Irak” ! Or si les chrétiens partent, c’en est fini d’une présence chrétienne en Irak et de l’Église chaldéenne. »

LE TEMPS— (QUOTIDIEN SUISSE)
 Entretien avec Rony Brauman, ancien président de Médecins sans frontières
« Le plus frappant [dans la réorientation de la politique étrangère de la France, c’est] son côté atlantiste. Il y a une vraie rupture. Elle se vérifie sur l’Irak, l’Iran, le conflit israélo-palestinien, le Soudan ou le Rwanda. Partout on s’aligne sur les Etats-Unis. Le courant néo-conservateur français est bien réel même s’il est minoritaire. Il est certes beaucoup plus doux que celui des enragés aux États-Unis. [Je suis] plus effrayé que surpris [par le ton guerrier adopté contre l’Iran]. Mais connaissant la sensibilité néo-conservatrice de Kouchner ce n’est pas étonnant. N’oubliez pas qu’il avait soutenu la guerre en Irak au nom des droits de l’homme. »
• Sortant de sa réserve, le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a lancé un appel inhabituel pour contrer la détérioration du quotidien des Palestiniens. « Les mesures imposées par Israël ont un coût énorme en termes humanitaires, et laissent à la population qui vit sous occupation juste de quoi survivre, mais pas assez pour vivre une vie normale et digne, stipule le communiqué. La population palestinienne paie beaucoup trop cher les hostilités constantes entre Israël et les factions palestiniennes. Sa situation est rendue encore plus difficile par les rivalités intra-palestiniennes. En fait, cette population est devenue l’otage du conflit. »

Tendances et événements au Liban

Les Libanais ont fait aujourd’hui leurs derniers adieux au martyr de l’armée et de la patrie, le général de brigade Français al-Hajj, tué mercredi dans un attentat à la voiture piégée. L’office religieux a été célébré dans la basilique du Liban à 15 kilomètres au nord de Beyrouth et le cortège funèbre a ensuite pris la route de son village natal de Rmeich, au Liban-Sud, à quelques kilomètres de la Galilée. Un village qu’il avait quitté un jour de 1976 après l’explosion de sa voiture lors d’un attentat manqué, perpétré par des agents d’Israël. Le général, à l’époque jeune officier, avait refusé de collaborer avec la milice supplétive d’Israël dirigée par un autre officier traître, Saad Haddad. François al-Hajj n’est revenu dans son village qu’en l’an 2000, au lendemain de la libération du Sud de l’occupation israélienne. Une libération rendue possible grâce à la complémentarité entre l’Armée et la Résistance, une doctrine dont François al-Hajj était un des plus fervents défenseurs et gardiens. Une doctrine qui s’est à nouveau exprimée lors de la guerre de juillet 2006, au cours de laquelle 40 soldats libanais ont été tués et des dizaines d’autres blessés par les Israéliens.
Le gouvernement de Fouad Siniora n’avait pas décrété une journée de deuil national comme il a pris l’habitude de le faire après chaque attentat ou assassinat. Il a été contraint de le faire tard jeudi soir après une intervention télévisée du fils du général al-Hajj qui s’est insurgé contre la « discrimination » au niveau du martyre. Plusieurs ministres du gouvernement illégitime ont essayé de se rattraper, mais le mal était déjà fait. Le gouvernement a montré le peu d’estime qu’il portait à l’institution militaire, alors qu’officiellement il feint de soutenir son chef à l’élection présidentielle.
 À deux jours de la séance de l’élection présidentielle prévue lundi, les événements des dernières 24 heures ont enregistré les développements suivants :
 1. L’opposition a mandaté le général Michel Aoun pour négocier avec le 14-mars au pouvoir. Le chef chrétien de l’opposition a révélé qu’il avait préparé un projet d’accord acceptable de toutes les parties. Ce fort mandat accordé au général Aoun par toutes les composantes de l’opposition montre que celle-ci est déterminée à trouver une issue à la crise qui secoue le pays depuis près de deux ans. Selon des informations sûres, le projet d’entente dont l’existence et non pas le contenu a été révélée par le général Aoun, est le fruit de longues discussions entre les principaux chefs de l’opposition.
 2. Une grande confusion règne dans les rangs du 14-mars. Le chef de l’ancienne milice des Forces libanaise, Samir Geagea, a annulé à la dernière une interview télévisée pour la simple raison qu’il n’a rien à dire. Il ne peut pas avoir recours à l’escalade alors que son allié Joumblatt prône la modération, et ne peut pas, non plus, développer un discours conciliant qui trancherait trop avec le langage provocateur et agressif qu’il tient depuis des mois. Cette confusion est due au fait que toutes les composantes du 14-mars n’ont pas encore bien saisi les changements intervenus dans la politique états-unienne. _ Ceci dit, certains journaux ont rapporté que l’Arabie saoudite avait informé les acteurs principaux au Liban ainsi que Paris qu’elle retirait Saad Hariri de la course au poste de Premier ministre, qui sera occupé par une personnalité proche de lui, comme le réclame Michel Aoun. Fouad Siniora, lui, sera prié de se retirer définitivement de la vie politique.
 3. Les rares contacts en cours se sont limités à l’entretien téléphonique entre Walid Joumblatt et le président de la Chambre, Nabih Berry. La presse fait état, par contre, d’un raidissement des positions de Saad Hariri et d’une grande confusion dans les rangs des chrétiens du 14-mars.
 4. Des milieux généralement pessimistes n’excluent pas une heureuse surprise qui pourrait débloquer la situation après que la plupart des propositions avancées par le général aient été soient acceptées soient que des garanties sérieuses ont été fournies pour éviter un reniement par le 14-mars de ses engagements, comme il le fait systématiquement depuis plus d’un an.

Presse libanaise

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Le Liban fait aujourd’hui ses adieux à son chevalier, le général François al-Hajj, au milieu d’une journée de deuil national décrétée tardivement et dans la confusion. La famille al-Hajj a « imposé », tard dans la nuit, le deuil national, avec l’annonce de la fermeture des entreprises publiques et privées.

AD-DIYAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Après l’échec des négociations entre Nabih Berry et Saad Hariri, l’opposition a chargé le général Michel Aoun de négocier en son nom pour s’entendre avec le 14-mars sur l’échéance présidentielle. L’opposition a ainsi chargé un négociateur maronite de s’entendre autour de la présidence occupée un maronite.

AL-AKHBAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
D’importants progrès ont été réalisés dans l’enquête sur l’assassinat du général al-Hajj. Le propriétaire de la voiture piégée a été identifiée, il est originaire du village de Abra, à l’est de la ville de Saida, au Sud-Liban. Il a expliqué aux enquêteurs avoir vendu son véhicule à deux individus qu’il ne connait pas mardi matin, c’est-à-dire quelque 18 heures avant l’attentat. La bombe, estimée à 35 kilogrammes d’explosif, a été tout simplement placée dans le coffre de la BMW. Tous ces indices signifient que l’attentat a été décidé rapidement et exécuté à la hâte.

Audiovisuel libanais

LBC (CHAINE PROCHE DU 14-MARS)
Émission : Les gens en parlent
 Élie al-Hajj, fils du général assassiné François Al-Hajj
Nous sommes étonnés par le fait que le gouvernement n’ait pas décrété une journée de deuil national et n’ait pas appelé à la fermeture dans les régions du Liban-Nord, de Beyrouth et de la Montagne. La fermeture a seulement été décidé dans le Metn, Jbeil et au Liban-Sud. Mon père n’est-il pas pourtant le martyr de tout le Liban ?
 Charles Ayyoub, journaliste (Opposition)
Le dialogue entre la Syrie et l’Arabie saoudite n’a pas encore mûri. C’est cela qui retarde l’entente interlibanaise.
L’opposition et le 14-mars doivent charger le général Michel Sleimane de se rendre en Syrie pour régler tous les problèmes en suspens entre les deux pays. Il ne peut y avoir de stabilité au Liban sans la Syrie.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.