L’intervention militaire au Tchad oriental est désignée comme « opération humanitaire ». Il s’agirait uniquement de sécuriser les camps de réfugiés pour les personnes déplacées de la région du Darfour, région soudanaise limitrophe.
De nombreux Autrichiens soutinrent en un premier temps la participation de leurs soldats à cette action. Cela se comprend, car soutenir des réfugiés signifie être actif humanitairement et doit donc être accepté comme faisant partie des missions d’un pays comme l’Autriche, qui présente par sa neutralité les meilleures conditions.

Mais alors, pourquoi faut-il entreprendre cette aide avec du matériel de guerre lourd et des troupes de combat spéciales ?

L’intervention de l’UE au Tchad est différée en raison d’une pénurie d’armement

Le commandement suprême de l’Eufor, à Paris, a fait savoir le 29 novembre que l’intervention au Tchad était reportée à janvier 2008. Cela offre au parlement autrichien la possibilité de réfléchir à la décision prise précipitamment le 9 novembre et de retirer son accord de participation à l’intervention au Tchad. Il faut exiger de la part du ministre de la Défense, des réponses aux nombreuses questions ouvertes.

Le ministre de la Défense, Darabos (SP) a été, semble-t-il, surpris par la décision de ne pas engager l’intervention avant Noël. Il avait confirmé le 28 novembre l’envoi du contingent autrichien (160 hommes) et pris sur lui « l’entière responsabilité » de cette action.

La déclaration de guerre des « rebelles » n’impressionne pas le ministre de la Défense

En observant les médias autrichiens, on ne peut s’empêcher de constater que les partis gouvernementaux sont fermement décidés à entreprendre cette intervention – coûte que coûte ! Les politiciens des partis gouvernementaux ne se sont pas même laissés influencer par la déclaration du groupe rebelle très influent UFDD (Union des forces pour la démocratie et le développement), diffusé le 30 novembre par l’agence de presse Reuters, comme quoi ils se trouvaient en état de guerre avec la France et avec toutes les nations qui soutiendraient le gouvernement du président Déby. Selon Darabos « il n’y a rien de changé à l’évaluation générale de la situation ».

Les trois partis d’opposition, tant les Verts que le FPÖ et le BZÖ s’opposent à présent à la participation de soldats autrichiens à l’intervention au Tchad.

Tensions militaires au Tchad oriental : « rebelles » contre le gouvernement

La région limitrophe orientale du Tchad, prévue pour le déploiement des troupes de l’UE, est non seulement sous tension du fait des réfugiés de la région du Soudan en crise, mais aussi par les dissensions internes entre le gouvernement du président Idris Déby et des groupes de rebelles en opposition. Alors qu’en 2006 la France était déjà massivement intervenue avec ses forces armées en faveur du gouvernement, on peut facilement imaginer que les rebelles se sentent menacés par le nouveau déploiement de troupes, essentiellement françaises. On doit s’attendre à une montée de la violence.
La dénonciation de la part des rebelles de l’armistice conclu avec le gouvernement a été suivie de l’annonce d’une déclaration de guerre aux troupes étrangères.

Une impartialité est impossible du fait de la présence prédominante de la France

Que non seulement le quartier général de l’intervention UE prévue se trouve à Paris, la capitale de l’ancienne force coloniale, mais qu’environ la moitié du contingent de 3 000 soldats soit français, voilà qui dérange sérieusement !
Si l’UE voulait vraiment mettre sur pied pour l’Afrique une troupe de maintien de la paix impartiale, avec comme objectif essentiel une action humanitaire, elle devrait naturellement, pour le Tchad, renoncer à y impliquer la France.

La France a, en 2006, réprimé une tentative de putsch en intervenant massivement sur le plan militaire en faveur du président Déby. Elle est donc considérablement impliquée dans les tensions actuelles. Il serait, de ce fait, impensable d’accepter ce qui serait un acte à double-face, l’armée apparaissant alors impartiale, au même titre que les autres.

Il en va de même pour l’Autriche neutre, alors même que d’autre pays neutres, tels que l’Irlande, la Suède, la Finlande se sont laissés prendre dans ce piège dit « humanitaire ».

L’UE en tant que puissance militaire – exemple no 4

La mission centrale de la nouvelle politique de sécurité de l’UE signifie, pour elle, une militarisation considérable des engagements à l’étranger dans des régions géopolitiquement importantes, soit l’Afrique du nord et centrale, de même que les Balkans, ce qui se retrouve dans le rapport final de la Commission de réforme de l’armée autrichienne. On y lit à la page 78 :
« Pour des engagements de crise qui appellent une réaction de l’Union européenne, il faut prendre en compte les Balkans, mais aussi la côte africaine et à moyen terme l’Afrique occidentale, y compris le nord de l’Afrique centrale et orientale (périphérie élargie). »

Après les engagements de l’UE en Macédoine et au Congo, qui sont terminés, et alors que des troupes de l’UE sont toujours stationnées en Bosnie-Herzégovine, il s’agit avec le Tchad de l’exemple no 4 de la nouvelle stratégie militaire de l’UE. On remarque que l’enthousiasme du début de plusieurs Etats-membres s’est refroidi, plusieurs d’entre eux ayant décliné l’offre par avance. Des pays, au début partisans de l’ingérence, telle la Roumanie, doivent être maintenant « convaincus » par le responsable de la politique étrangère Solana, de respecter leur accord premier de participer. Il n’est pas étonnant que la Roumanie y réfléchisse à deux fois au vu des coûts de l’opération. En effet, la caisse de guerre de l’UE y va de 100 millions d’euros pour l’engagement au Tchad, mais le reste, soit le matériel, les transports, etc., doit être assumé par les Etats-membres.

Pour l’instant, vu la situation explosive au Tchad, on ne sait pas trop si la troupe d’intervention rapide de l’UE (« battle groups ») sera engagée ici dans un premier test.

Pourquoi doubler les forces d’intervention dans la région ?

On comprend difficilement pourquoi les forces d’intervention dans la région limitrophe du Soudan/Tchad sont doublées.

Les troupes de l’Union africaine sont déjà sur place au Soudan à la frontière avec le Darfour ; elles devront être renforcées à partir de janvier 2008 par des troupes de l’ONU, atteignant ainsi 26 000 hommes. Où est donc l’urgence d’un renfort par des troupes de l’UE ?

A-t-on affaire une nouvelle fois à la course aux matières premières ?

On sait depuis les années septante que le Tchad possède des réserves de pétrole ; toutefois, son exploitation ne date que de quatre ans, après qu’un oléoduc passant par le Cameroun vers l’Atlantique ait été construit en 2003 avec des crédits de la Banque mondiale. Le président Déby avait, en un premier temps, conclu un accord avec la Banque mondiale et trois grandes compagnies pétrolières (Exxon-Mobil, Shell et Chevron), selon lequel 87,5% du revenu revenaient à ces dernières et les 12,5% restants devaient être attribués à des projets d’infrastructure du pays, sous le contrôle de la Banque mondiale. Toutefois, le président Déby apporta rapidement des modifications à la loi assurant le contrat. Entre-temps, les compagnies pétrolières (actuellement les firmes états-uniennes Exxon et Chevron, ainsi que la firme indonésienne Petronas) doivent acquitter d’importants impôts. Pour s’opposer à toute résistance, le président a menacé de remettre les droits d’extraction à des firmes chinoises et indiennes.

Actuellement on extrait au Tchad environ 200 000 barils par jour. Selon des experts, il y aurait d’autres sources de grande qualité dans le pays.

Les intérêts, les relations bilatérales et l’aide concrète

Qui connaît le Tchad en Autriche ? Côté gouvernement, il n’y a pas de relations actuellement, ni ambassade, ni relations diplomatiques, ni coopération dans le domaine de l’aide au développement.

Alors, pourquoi ne profite-t-on pas de l’intérêt actuel pour diffuser des informations sur ce pays, pour développer des relations et mettre en place de véritables projets d’aide ?

Le commando « Jagdkampf »

Le noyau du contingent autrichien pour le Tchad est composé de 50 soldats de métier du commando « Jagdkampf ». Il faut, selon les standards internationaux, 3 « assistants » (logistique, sanitaire, communication) pour un « combattant ». Donc en fait : des 160 hommes envoyés au Tchad, 110 serviront à l’assistance des 50 « combattants ».

Source : « Kleine Zeitung Steiermark » du 30/11/07

Déclaration de guerre des « rebelles »

Le groupe rebelle « Union des forces pour la démocratie et le développement » (UFDD) a proféré, le 30 novembre, des menaces graves à l’encontre des pays européens ayant des troupes dans la région : Dès lors c’est la guerre déclarée aux forces militaires étrangères au Tchad, « à l’armée française et à toute autre armée étrangère se trouvant dans le pays », selon le porte-parole du mouvement Mahamad Hassane Boulmaye.
_« Nous tenons les soldats européens pour des ennemis, qu’ils soient français ou autrichiens » (Boulmaye)

Source : « Die Presse » du 30/11/07

Les pays participant à l’intervention au Tchad

PaysNombre de soldats
France 1500
Irlande 400
Pologne 350
Suède 200
Autriche 160
Roumanie 150
Belgique 130
Pays-Bas 70
Finlande 60
Total 3020

Source : « Die Presse » du 30/11/07

Lavage de cerveau au moyen d’engagements militaires à l’étranger ?

Swoboda : « Je refuse qu’on renonce à la neutralité – la population ne la voudra pas. Pour faire comprendre aux Autrichiens qu’ils doivent changer leur attitude, il faut passer par des engagements tels ceux du Tchad ou du Kosovo. »

Citation du Hannes Swoboda (PS), député autrichien au Parlement européen,
lors de la discussion « Neutralité – la conserver ou y renoncer ? » du 8/10/07