Tendances et événements au Proche-Orient

La recrudescence des agressions militaires israéliennes en Cisjordanie et à Gaza a largement été commentée dans les milieux médiatiques et politiques israéliens. De nombreuses voix se sont élevées pour mettre en garde contre l’« aventure » de l’invasion de Gaza. Les experts israéliens ont égrené les amères expériences dans ce territoire palestinien depuis son occupation en 1967, jusqu’au retrait unilatéral, en 2005. En dépit des énormes moyens mis en place par l’armée israélienne et des massacres perpétrés contre les Palestiniens, la résistance n’a jamais cessé. Bien au contraire, elle s’est développée et endurcie au fil des ans. De nouvelles générations de résistants plus déterminés et plus efficaces se sont relayées pour lutter contre l’occupation et contraindre Israël à quitter Gaza après y avoir démantelé les colonies qui y avaient été construites. Et c’est Ariel Sharon, qui a longtemps misé sur la solution militaire pour briser les Palestiniens, qui s’est laissé convaincre de l’inefficacité de l’option militaire.
D’autres voix israéliennes vont même jusqu’à proposer le dialogue avec les radicaux palestiniens, car l’expérience du passé a prouvé que le financement de l’Autorité palestinienne n’en fait pas un acteur efficace mais contribue seulement à démultiplier la corruption et enrichir une poignée d’apparatchik du système.
Les analystes les plus en vue soulignent que l’armée israélienne a fait face à un Vietnam lors de sa guerre contre le Liban, en juillet-août 2006. Elle se retrouvera dans un second Vietnam si elle s’embourbe dans les sables de Gaza, qui nécessitera une autre commission Winograd pour en tirer les leçons.

Presse et agences internationales

AL-BAYAN (QUOTIDIEN EMIRATI)
Les efforts pour tenter d’élire un président par le Parlement libanais ont une nouvelle fois échoué et la Chambre a décidé de reporter à samedi la séance de l’élection. Les nuages gris s’amoncellent dans le ciel du Liban. Les démarches de bons offices semblent être arrivées à une impasse. Le mur des conditions s’épaissit et les portes de sorties rétrécissent. Le Liban n’est pas capable de vivre normalement avec la vacance à la tête de l’État et des institutions paralysées ou bloquées. Les vents violents qui soufflent au Moyen-Orient empêchent une coexistence calme avec ce vide institutionnel. Le vide va conduire à la catastrophe et tous les acteurs libanais le savent. Mais cela ne les empêchent pas d’emprunter le chemin qui les mène tout droit vers le chaos.

AL KHALEEJ (QUOTIDIEN EMIRATI)
• Le président George Bush avait fixé l’horizon 2008, c’est-à-dire avant la fin de son mandat, pour la concrétisation de sa vision des deux États (Palestine et Israël). Mais voilà que sa secrétaire d’Etat Condoleezza Rice évoque une prolongation de 7 ans, et parle désormais de l’an 2014. La période n’est pas tellement longue entre novembre, date de la conférence d’Annapolis, et décembre, date de la tenue de la conférence des bailleurs de fonds de Paris, ou cours de laquelle Mme Rice a pris la parole. Que s’est-il passé pendant ce court laps de temps pour que l’administration états-unienne ajourne de 7 ans l’édification de l’Etat palestinien ?
 Alexander Kokbern
Ce qu’un président ne supporte en aucun cas, c’est de devenir la risée de tout le monde. Cette semaine, George Bush a rejoint cette trempe de chefs d’État infortunés. Son mandat est entré dans une décadence irréversible. Ses principaux adjoints et conseillers démissionnent de leurs fonctions à la Maison-Blanche, prétextant des raisons de force majeure. Ils préfèrent passer plus de temps avec leurs familles. Même la Première Dame des États-Unis adopte un profil bas. Dernier triste épisode au cours duquel Bush a goûté à l’amertume de l’humiliation, le rapport des agences du renseignement affirmant que l’Iran a suspendu ses efforts de fabrication l’arme atomique en 2003. Ce document contredit ce que Bush et le vice-président Dick Cheney n’ont pas cessé de seriner sur le danger nucléaire iranien.

AL-RAYA (QUOTIDIEN QATARI)
 Tujane al-Fayçal
La Syrie n’a besoin de personne pour la ramener dans les rangs arabes. Ce sont plutôt les Arabes qui ont commencé le voyage du retour vers Damas. Les jours ont une nouvelle fois prouvé que le régime syrien est l’un des acteurs les plus habiles de l’histoire contemporaine en politique étrangère. Le régime agit dans un esprit institutionnel, preuve en est que la mort de Hafez el-Assad —surnommé le Moawiya des temps modernes— n’a pas entamé la capacité de Damas à détenir des cartes efficaces dans le jeu régional, à un moment où les autres acteurs, y compris les États-Unis, ont vu les cartes glisser de leurs mains. C’est cette réalité qui pousse Israël à envisager de jouer les dernières cartes qui lui restent, après ses revers face à la Syrie et ses déconvenues au Liban, de la libération en 2000 à la défaite de son armée en 2006.
• La fête de l’Adha (L’Aïd) est une rare occasion annuelle pour esquisser un sourire dans cette immense tristesse qui secoue le monde arabe et musulman. C’est une occasion pour prier afin que les peuple arabes surmontent les difficultés en Palestine, en Irak, au Liban, au Soudan, en Somalie et dans d’autres régions. La fête tourne la page d’une année riche en transformation et marquée par les différends inter-arabes. Les soucis ont été transférés à l’année prochaine qui, espérons-le, verra les angoisses disparaître,

La presse française, qui a rendu compte sans trop y croire de « l’espoir » soulevé par la Conférence internationale des donateurs pour l’État palestinien, ne consacre aucun article aux assassinats de dirigeants du Jihad islamique survenus quelques heures après la fin de cette réunion diplomatique.

LE MONDE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, SOCIAL-DEMOCRATE)
 Entretien avec Stipe Mesic, président de la République de Croatie
Nous reconnaîtrons l’indépendance du Kosovo si les Etats-Unis et l’Union européenne le font car nous privilégions le réalisme. Nous ne pensons pas que cette indépendance aura un effet de contagion sur la République Spreska provoquant aussi le démantèlement de la Bosnie-Herzégovine.
• De passage à Paris, le ministre turc des Affaires étrangères, Ali Babacan, a déclaré qu’un accord avait été passé le 5 novembre dernier entre les présidents turc et états-uniens : « Le PKK a été déclaré un ennemi commun. L’administration américaine a commencé à partager des renseignements. Nos militaires ont noué une nouvelle coopération. Tout ce qui se déroule aujourd’hui se fait sur la base de cet accord. »

LE FIGARO (QUOTIDIEN FRANÇAIS, MAJORITE PRESIDNTIELLE)
• Nicolas Sarkozy se prépare à rendre visite aux troupes françaises en Afghanistan, probablement entre le 21 et le 24 décembre. Alors que les États-Unis souhaitent alléger leur pression militaire dans la région, seule une plus grande implication du Royaume-Uni et de la France permettrait de sauver la cohésion de l’Otan. Sarkozy étudie quel nouvel engagement français il pourrait proposer lors du sommet de l’Alliance atlantique, en avril à Bucarest.
• Les négociations d’adhésion de la Turquie à l’Union européenne se poursuivent avec l’ouverture aujourd’hui à Bruxelles de contacts sur les questions de santé. Chacun garde donc la face : les partisans de l’adhésion car les négociations continuent, les adversaires parce que l’on n’abordera aucun sujet sensible (comme le nombre de députés turcs au Parlement européen), mais uniquement des questions techniques.

LA CROIX (QUOTIDIEN FRANÇAIS, CATHOLIQUE)
Benoit XVI n’a pas ratifié le décret déclarant les « vertus héroïques » de son prédécesseur Pie XII. Il fait traîner ainsi la procédure de béatification d’un pape accusé de silence coupable lors de la Seconde Guerre mondiale, comme il a interrompu la procédure de béatification du père Léon Dehon, lui aussi accusé d’antisémitisme. Ces décisions, plus diplomatiques que religieuses, comme l’atteste l’intervention de la Secrétairie d’État, visent à éviter les sujets de friction à un moment où les relations se tendent entre le Saint-Siège et une partie du monde juif. L’ambassadeur d’Israël est plusieurs fois intervenu auprès du Saint-Père pour surseoir à cette béatification.

LE TEMPS (QUOTIDIEN SUISSE)
L’avocate états-unienne Candace Gorman a renoncé à son cabinet à Chicago et ne se consacre plus qu’à défendre Abdul Hamid al-Ghizzawi, détenu à Guatanamo. Ce Libyen, marié à une Afghane, aurait été vendu aux États-uniens comme « terroriste » moyennant une forte prime, mais il ne s’agirait que d’un épicier de Jalalabad. Me Gorman a obtenu le soutien d’un célèbre hépatologue suisse pour traiter son client qui souffre d’une hépatite chronique, mais les militaires US refusent qu’il soit soigné et l’ont au contraire soumis à des conditions inhumaines d’incarcération. Or, les Etats-Unis viennent de construire une nouvelle prison à Kaboul, le pénitencier de Pulcharkey, une sorte de « Guantanamo de Guantanmo » où sont envoyés les prisonniers que l’on veut soustraire à la justice US et où Abdul Hamid al-Ghizzawi pourrait être bientôt transféré.

EL PAIS (QUOTIDIEN ESPAGNOL, SOCIAL-DEMOCRATE)
• Le président Mouammar Kadhafi termine sa visite en Espagne. Il a reçu les chefs d’entreprises espagnols et les a appelés à investir en Libye. Le pétrolier espagnol Repsol-YPF est déjà la première entreprise étrangère dans le pays, mais cela ne suffit pas. Le président de la Chambre de commerce, Javier Gómez Navarro, a annoncé qu’il ferait pression sur le gouvernement espagnol pour que soit réglée la question de la double imposition, comme cela a déjà été fait par la France et l’Allemagne.
 Andres Ortega
Après leur échec en Irak, les néo-conservateurs états-uniens ont renoncé à leur pensée apocalyptique et se sont ralliés au réalisme. Dans cette période « pré-post-Bush », le monde redevient comme avant. Sarkozy et Zapatero l’ont compris qui font des affaires avec Kadhafi. Il n’y a plus de Bien et de Mal, juste des intérêts.

EL MUNDO (QUOTIDIEN ESPAGNOL, DEMOCRATE-CHRETIEN)
Abdelilah Hriz avait été arrêté en 2004 en Syrie et remis aux autorités marocaines qui l’avaient jugé pour des faits locaux et condamné à 3 ans de prison. Ayant purgé sa peine, il a été libéré. Mais entre-temps, des analyses ADN ont conduit à le mettre en accusation en Espagne pour sa participation aux attentats du 11 mars 2004 à Madrid. En l’absence de convention d’extradition entre les deux pays, un accord de 1997 prévoit qu’il peut être jugé au Maroc pour des faits commis en Espagne. Cependant, le juge Del Olmo, en charge de l’affaire n’a pas transmis de requête à ses homologues marocains.

Audiovisuel international

AL-JAZEERA (CHAINE QATARI)
Interview spéciale
 Michel Aoun, négociateur de l’opposition libanaise
Les États-Unis sont responsables de la complication de la crise au Liban. Le secrétaire d’État adjoint David Welch est venu au Liban pour inciter ses alliés à refuser toute entente avec l’opposition.
Il ne peut y avoir d’élection sans accord politique global portant sur la période post-élection.
J’accepte la proposition de Saad Hariri selon laquelle le quota-part du président de la République jouera le rôle d’arbitre entre la majorité et l’opposition. A la seule condition que ce principe soit dorénavant inscrit à la Constitution.

Tendances et événements au Liban

Les milieux politiques et médiatiques libanais observent non sans appréhension les résultats de la seconde visite en moins de trois jours, à Beyrouth, du secrétaire d’État adjoint états-unien, David Welch. L’inquiétude est d’autant plus grande que M. Welch est accompagné du conseiller à la sécurité nationale pour le Moyen-Orient, Elliot Abrams. Abrams, le vice-président Dick Cheney et l’ambassadeur US à l’Onu, Zalmay Khalilzad, sont les derniers rescapés du groupe des néo-conservateurs qui ont gouverné les États-Unis ces sept dernières années et qui sont responsables de tant de guerres et de souffrances. _ Dès son arrivée, M. Welch a fait des déclarations indignes d’un diplomate contre l’opposition libanaise, faisant assumer au président de la Chambre, Nabih Berry, la responsabilité de l’échec de l’élection présidentielle. Celui-ci a immédiatement riposté en demandant à M. Welch d’exercer des pressions « contre ceux qui obéissent à ses ordres », en allusion aux membres de la coalition du 14-mars. Après la riposte de M. Berry, le diplomate US a tenté d’atténuer ses propos à l’issue d’une rencontre avec le Premier ministre Fouad Siniora.
Des développements des dernières 24 heures, ont peut faire les déductions suivantes :
 1. L’administration Bush est entrée directement en scène pour torpiller toute entente avant la fin de l’année, ce qui va automatiquement prolonger le vide présidentiel au moins jusqu’à 15 mars 2008, date du début de le session ordinaire de la Chambre. Ses émissaires à Beyrouth sont venus encourager le 14-mars, très affaibli ces dernières semaines, à refuser tout accord politique avec l’opposition.
 2. Le retour des émissaires états-uniens signifie que le mandat accordé à la France pour la gestion de la crise libanaise lui a été retiré. Il montre que Washington veut lui-même négocier avec les acteurs locaux et régionaux.
 3. Le maintien en place du gouvernement de Fouad Siniora est la conséquence directe de la poursuite du vide à la tête de l’État. C’est là, en réalité, le véritable objectif des États-Unis, qui voient en Siniora un homme disposé à exécuter toutes leurs demandes. Washington préfère cette situation plutôt qu’un accord inter-libanais sur les questions litigieuses concernant la Résistance et la participation effective de l’opposition au pouvoir.
 4. La gestion des conflits de basse intensité, pour laquelle a opté l’administration Bush, ne signifie pas que de profondes divergences, ponctuées de bars de fer plus ou moins violents, ne vont pas se produire. Tout en évitant, toutefois, un glissement vers des confrontations globales dont le prix sera coûteux, voire insupportable pour Washington.
 5. Les nouvelles réalités internationales empêchent les États-Unis d’utiliser le Conseil de sécurité pour servir leurs politiques, comme ils l’ont fait ces trois dernières années.
 6. L’opposition libanaise reste attachée au principe du partenariat avec toutes les composantes politiques du pays. Mais elle refuse de céder aux intimidations et aux menaces. Le général Michel Aoun a déclaré que l’opposition était en train d’examiner de nouvelles idées susceptibles d’aboutir à un véritable partenariat, et qui seront soumises au 14-mars dans l’espoir de faire réussir la séance de l’élection présidentielle du samedi 22 décembre.

Presse libanaise

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
On ne sait toujours pas si la visite à Beyrouth d’Elliot Abrams, un des derniers rescapés des néo-conservateurs, accompagné de David Welch, sera suffisante pour torpiller la tentative d’aboutir à une entente avant samedi prochain, ou bien faut-il que Condoleezza Rice en personne vienne à Beyrouth pour accomplir cette tâche. Le but des émissaires américains est de pousser le 14-mars à refuser toute concession et de lui injecter une dose de soutien qui lui fera grand bien.

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
En dépit du fait que le Liban soit entré dans la période des fêtes avec le début de l’Adha, la dixième tentative d’élection d’un président, samedi, est au centre d’une intense activité politique et diplomatique internationale. Le président Nicolas Sarkozy avait lancé de sévères mises en garde contre les conséquences de la non-élection d’un président, car cela risque de provoquer des confrontations et l’émergence de deux gouvernements.
Des sources diplomatiques ont indiqué qu’il s’agit de la dernière étape des pressions exercées par la communauté internationale pour organiser une élection présidentielle au Liban.

AD-DIYAR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Les développements ont montré que le général Michel Aoun avait raison lorsqu’il avait refusé la Constitution issue des accords de Taëf et avait réclamé des amendements au texte. Il est certain que la polémique actuelle au sujet du tiers de blocage n’aurait pas eu lieu si la Loi fondamentale autorisait le président de la République à limoger le gouvernement en cas de crise politique majeure.