Tendances et événements au Proche-Orient

En cette fin d’année, les médias écrits et audiovisuels arabes consacrent de longues analyses aux perspectives qui se profilent à l’horizon 2008 sur les dossiers irakiens et palestiniens :
 1. Le débat reste animé sur les raisons du recul des opérations anti-US en Irak. Le discours officiel états-unien présente ce fait comme un indice du succès des options de George Bush et de la pertinence du plan du général David Petraeus. Une partie de la presse arabe lui fait écho. D’autres analystes états-uniens et arabes estiment qu’il s’agit là du résultat direct du début de la mise en œuvre des recommandations de la Commission bipartisane Baker-Hamilton. Le recul des opérations de la Résistance irakienne serait donc la conséquences des arrangements conclus entre Washington d’un côté, l’Iran et la Syrie de l’autre.
 2. Le recul du discours belliqueux contre l’Iran aux États-Unis. Un nouveau climat moins tendu est apparu après la publication du rapport des 16 agences du renseignement affirmant que Téhéran avait suspendu son programme nucléaire militaire en 2003. Le pari d’une prochaine guerre israélienne contre le Liban et la Syrie est également en recul. Certains milieux en Israël estiment, en outre, qu’une invasion totale de la Bande de Gaza est difficile.
 3. Le plafond du « processus de paix » israélo-palestinien relancé à Annapolis est beaucoup moins élevé que prévu. Les développements des dernières semaines ont montré que les conditions rédhibitoires posées par Israël (refus de la moindre concession significative avant que la réalisation complète de toutes les exigences sécuritaires et reprise de la politique de colonisation) ne peuvent pas être satisfaites par l’Autorité palestinienne même au prix des milliards de dollars promis par la communauté internationale lors de la conférence de Paris.
 4. En conclusion, la confrontation reste ouverte sur tous les fronts du Moyen-Orient, mais des développements dramatiques sont exclus. La poursuite du bras de fer se déroule cependant dans un contexte défavorable à l’axe Israël-États-Unis après les revers et les échecs essuyés en Irak, au Liban, en Palestine et en Afghanistan. Washington a basculé vers la stratégie intermédiaire de la gestion des conflits de basse intensité sans perspective de compromis globaux avec ses ennemis. L’équipe Bush a visiblement décidé de transmettre tous les dossiers à la nouvelle administration qui va s’installer en janvier 2009.

Presse et agences internationales

WASHINGTON POST (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN)
 Joseph Ellis
Un journaliste m’a demandé un jour d’écrire un article sous le thème : qu’aurait fait George Washington en Irak ? Il s’est peut-être adressé à moi car je suis l’auteur d’une biographie de George Washington et j’ai récemment publié un nouveau livre sur la génération des pères fondateurs. Mais George Washington n’aurait pas pu localiser l’Irak sur une carte. De même que des thèmes comme Armes de destructions massive, fondamentalisme musulman, Humvee, téléphones portables, CNN et Saddam Hussein auraient été totalement inconnus pour lui. La vraie réponse à cette question, sur un plan historique, aurait été que George Washington n’aurait pu rien faire en Irak. Il aurait été intéressant de transmettre à travers les siècles, un peu comme cela se fait dans les films de science-fiction, la sagesse des pères fondateurs aux hommes politiques contemporains.
Je pense que le thème proposé par le journaliste doit être reformulé de la façon suivante : Comment mes idées sur l’Irak ont-elles été influencées par l’étude de la vie de George Washington alors qu’il dirigeait une insurrection contre l’armée d’occupation britannique ? La réponse à cette question est très claire.

TECHRINE (QUOTIDIEN SYRIEN)
 Ezzeddine Darwiche
Les positions arabes s’effondrent conformément au plan dessiné par les États-Unis pour le Moyen-Orient. On voit ainsi Israël négocier avec les Palestiniens en prenant l’attitude de la partie agressée et non pas de l’agresseur qui occupe la terre d’autrui, tue les civils en plein jour, et profère des menaces dans toutes les directions. Il faut malheureusement reconnaître toutes ces réalités et les méditer. Depuis sept ans que gouvernent George Bush et les néo-conservateurs, la politique états-unienne est basée sur le principe que les ressources, les déserts et les littoraux du Moyen-Orient appartiennent à Israël et aux États-Unis. Et si les Arabes souhaitent être bien vus par les États-uniens, ils doivent accepter ce fait et lui trouver les justifications. Ceux qui refusent d’accepter cette vision sont catalogués dans l’Axe du Mal qui soutient le terrorisme. Ils sont alors victimes de toutes sortes de pressions et de menaces.

AL-WATAN (QUOTIDIEN SAOUDIEN)
Chaque État a le droit de défendre ses intérêts par les moyens qui lui semblent compatibles avec ses outils diplomatiques, même si parfois les méthodes utilisées ne sont pas en harmonie avec le discours politique traditionnel-ce qui est courant dans les annales des relations internationales. En effet, les intérêts priment sur les slogans, et les discours n’empêchent pas des compromis ou des alliances secrètes dans le but d’atteindre des objectifs politiques ou économiques. Ce qui est surprenant, c’est de voir des journalistes et des hommes politiques dans tel ou tel pays qui dénigrent un autre État parce qu’il tente de sauvegarder ses intérêts et ceux de son peuple à travers un partenariat avec l’Occident et des relations étroites avec les États-Unis. Alors que ceux qui dénoncent cette politique n’ont pas de scrupule à pratiquer la même politique sous la table et en secret, afin de ne pas décrédibiliser le discours officiel hostile à l‘Occident.

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN ÉMIRATI)
La région arabe n’est-elle pas victime d’assez de conflits et d’incendies pour le Front du Polisario menace le Maroc d’une guerre, sans avoir tiré les leçons de la sanglante confrontation qui dure depuis plus de trente ans et de la trêve signée il y a 15 ans ? Dans cette crise, comme dans toutes les autres qui secouent le monde arabe, il est important de continuer sur la voie du dialogue et de la raison.

L’HUMANITÉ (QUOTIDIEN FRANÇAIS, COMMUNISTE)
250 invités ont participé au congrès du Front Polisario (13 au 18 décembre à Tifariti). Rabat, soutenu par Paris et Madrid, continue à faire obstacle à l’organisation du référendum d’autodétermination prévu par le plan Baker de l’Onu. Les 1725 délégués se sont prononcés à l’unanimité pour une reprise de la lutte armée. Ils ont reçu un soutien appuyé de Cuba, de la Bolivie et de l’Afrique du Sud, et bien sûr du FLN et de plusieurs partis politiques algériens.

LE MONDE (QUOTIDIEN FRANÇAIS, SOCIAL-DEMOCRATE)
Alors que la France s’est mobilisée par le soldat Gilad Shalit, bi-national franco-israélien détenu en Palestine, elle ignore le cas de Salah Hamouri, jeune franco-palestinien, emprisonné depuis 2 ans et demi en Israël. Il est accusé d’avoir comploté pour assassiner le rabbin Ovadia Yossef, cependant s’il a bien évoqué par bravade un tel projet avec des camarades, il n’a jamais fait quoi que ce soit pour le mener à exécution.

LE FIGARO (QUOTIDIEN FRANÇAIS, MAJORITE PRESIDENTIELLE)
Deux des personnes suspectées d’avoir assassiné quatre touristes français en Mauritanie sont liées à l’ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) algérien, qui se fait appeler désormais al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Ayman al-Zawahiri, le numéro deux d’Oussama Ben Laden, a plusieurs fois menacé de s’en prendre aux Français au Maghreb. Depuis mardi, ce sont tous les Français résidant ou voyageant dans la région qui peuvent se sentir visés. Les regards se tournent à présent vers le rallye Paris-Dakar, qui doit s’élancer le 5 janvier de Lisbonne et rallier la Mauritanie six jours après.

LE SOIR (QUOTIDIEN BELGE)
Il y a quatre jours, en Belgique, quatorze personnes ont été interpellées pour terrorisme puis relâchées. Un entretien du journal avec deux des suspects met en évidence l’importance des moyens de surveillance mis en place depuis un an contre ce groupe et l’absence d’éléments tangibles. L’erreur pourrait provenir de mauvaises traductions d’écoutes téléphoniques.

THE CANADIAN PRESS
Le ministre canadien de la Défense, Peter MacKay, en visite pour Noël auprès de ses troupes stationnées à Kandahar, a accusé l’Iran de fournir des armes aux insurgés afghans. C’est la première fois qu’un membre du gouvernement canadien porte une telle accusation.

THE INDEPENDENT (QUOTIDIEN BRITANNIQUE)
Le gouverneur d’Helmand, Assadullah Wafa, a fait arrêter Michael Semple (directeur par intérim de la mission de l’Union européenne en Afghanistan) et Mervin Patterson (n°3 de la mission de l’Onu). Les deux hommes sont accusés de mener des négociations illégales avec un chef de guerre afghan, Musa Qala. Compte tenu de leur statut diplomatique, ils ont été expulsés. Les deux hommes nient les faits, cependant Gordon Brown aurait bien donné instruction pour que des contacts soient pris avec des chefs insurgés de bas niveau pour les rallier au gouvernement Karzaï.

WASHINGTON TIMES (QUOTIDIEN ÉTATS-UNIEN, GROUPE MOON)
L’International Fellowship of Christians and Jews (IFCJ) du rabbin Yechiel Eckstein a financé à hauteur de 45 millions de dollars US sur trois ans une opération de « rapatriement » de juifs iraniens en Israël organisée par l’Agence juive. Avec 28000 membres, la communauté juive iranienne est la plus importante du Moyen-Orient. Elle jouit sur place d’un niveau de vie relativement élevé. Hier, une quarantaine d’entre eux sont arrivés secrètement à Tel-Aviv. Ils ont reçu un don de 10000 dollars chacun pour leur implantation.

Audiovisuel international

AL-ALAM (CHAINE IRANIENNE ARABOPHONE)
Interview spéciale
 Général Moustapha Najjar, ministre iranien de la Défense
L’Iran va recevoir de la Russie un nouveau système antimissile sophistiqué. Cette livraison s’inscrit dans le cadre d’un ancien contrat signé avec la Russie. Nous annoncerons ultérieurement la date de livraison de ce système moderne et complexe.
La participation du président Mahmoud Ahmadinejad au sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) à Doha a eu des résultats positifs pour l’ensemble de la région.

Tendances et événements au Liban

Longue confrontation en perspective

Le Liban est au seuil d’une longue confrontation après la décision du gouvernement de Fouad Siniora d’exercer pleinement les prérogatives de la présidence de la République, vacante depuis le 23 novembre, à l’issue d’une intervention des États-Unis qui ont saboté les démarches françaises de conciliation entre le 14-mars et l’opposition. Les chances d’un règlement rapide de la crise s’éloignent de plus en plus et les dangers d’une détérioration de la situation sur tous les plans pèsent de nouveau.
Une lecture attentive des développements permet de noter les observations suivantes :
 1. Le gouvernement de Fouad Siniora s’apprête à prendre de nouvelles décisions s’inscrivant au cœur des prérogatives dévolues au président de la République et dépassant largement le cadre de l’expédition des affaires courantes. Pourtant, Siniora s’était engagé auprès des médiateurs, notamment le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, à ne pas exercer les compétences de la présidence en cas de non-élection d’un successeur à Emile Lahoud. Selon des informations concordantes, le Premier ministre aurait reçu le feu vert des chrétiens du 14-mars et du patriarche maronite pour exercer les prérogatives présidentielles au lendemain de la visite à Beyrouth du secrétaire d’État adjoint David Welch, qui a donné le signal du début d’une nouvelle phase dans la crise libanaise.
 2. Les politiciens du 14-mars et les journalistes et analystes tournant dans l’orbite de cette coalition s’efforcent de créer un climat de mésentente et de suspicion entre le commandant en chef de l’Armée et l’opposition. Ils tentent de faire assumer à l’opposition la responsabilité du blocage du processus électoral qui retarde l’accession du général Michel Sleimane à la présidence. Ils essaient aussi de lui faire assumer la responsabilité de la prolongation du vide à la tête de l’État. Pourtant, en restant attaché à un accord politique global avant l’élection, l’opposition veut optimiser les chances de réussite du mandat Sleimane, afin qu’il ne devienne pas l’otage du 14-mars comme l’a été le président sortant Émile Lahoud ces trois dernières années.
 3. Face à l’entêtement du gouvernement à exercer les prérogatives présidentielles, l’opposition n’a pas encore dépassé le stade de la mise en garde. Mais si le 14-mars persiste à vouloir mettre la main sur toutes les institutions du pays, elle pourrait avoir recours à des mesures exceptionnelles. Selon des informations sûres, les principaux dirigeants de l’opposition ont intensifié leurs concertations ces dernières heures pour se préparer à toutes les éventualités.
 4. Une source dirigeante de l’opposition assure que le pari du 14-mars sur une mésentente entre l’armée et l’opposition est perdant d’avance. Car la confiance et le respect mutuels sont grands. Et la candidature du général Sleimane a été à l’origine avancée par l’opposition. Le 14-mars l’avait rejetée catégoriquement fin novembre.
 5. La machine médiatique et politique du 14-mars a commencé une vaste campagne de dénigrement contre le chef chrétien de l’opposition, le général Michel Aoun, dans la rue chrétienne. Il semble que des instructions états-uniennes ont été données aux loyalistes afin qu’ils concentrent leurs attaques sur le général Aoun et sur le président du Parlement, Nabih Berry.

Presse libanaise

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Les officiers supérieurs de l’armée ont tenu une réunion élargie, mercredi, au ministère de la Défense, pour débattre de la question des promotions annuelles dont doivent bénéficier 1500 officiers, parmi lesquels figurent des martyrs tombés lors de la bataille de Nahr el-Bared. Ces promotions s’accompagnent souvent d’une amélioration des soldes. Après de longues discussions, une écrasante majorité d’officiers a insisté sur le fait que les promotions doivent être contre-signées par le président de la République, et ne peuvent pas être adoptées par le gouvernement de Fouad Siniora.
Le commandant de l’armée, le général Michel Sleimane, accompagné du directeur du renseignement militaire, le général Georges Khoury, a informé le ministre de la Défense Élias Murr, le Premier ministre Fouad Siniora et le Patriarche maronite Nasrallah Sfeir, de la décision de l’état-major de refuser que les promotions soient accordée par le gouvernement actuel.

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
À cinq jours du nouveau rendez-vous au Parlement, samedi prochain, les chances sont nulles de voir cette séance se terminer par l’élection d’un président. Des contacts ont eu lieu entre des acteurs externes après que le ton soit dangereusement monté entre les différentes parties libanaises. Des efforts sont déployés pour empêcher un dérapage.

Audiovisuel libanais

AL-MANAR (HEZBOLLAH)
Émission : Et après ?
 Nawaf el-Moussaoui, responsable des relations internationales du Hezbollah
Il y a une tentative visant à éliminer le général Michel Aoun en tant que personne et que représentant d’un large courant politique. Le Courant patriotique libre du général Aoun est la principale cible du 14-mars dans la période actuelle.
Si les ténors du 14-mars tentent de nommer des ministres chiites pour remplacer ceux de l’opposition qui ont démissionné, ils vont se brûler. S’ils décident d’élire un président à la majorité simple, ils auront jeté le pays dans une confrontation ouverte et totale. Ils peuvent considérer mes propos comme des menaces.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.