Tendances et événements au Proche-Orient

Depuis plusieurs mois déjà, le Pakistan occupe le devant de la scène et l’administration Bush semble avoir placé ce pays en tête de son agenda. La recrudescence des combats dans la province du Waziristan, limitrophe de l’Afghanistan, est le résultat direct des tiraillements dus aux exigences sécuritaires des États-Unis, qui se heurtent aux capacités d’exécution du régime de Pervez Musharraf. Selon des analystes, le régime de Musharraf est une sorte de montage transitoire en attendant la redéfinition des équilibres internes au Pakistan, après la fin du partenariat entre les services de renseignement états-uniens et pakistanais qui est à l’origine de la création des Talibans et d’al-Qaida.
L’assassinat de Benazir Bhutto s’inscrit dans le contexte des bras de fer et des tiraillements en prévision de la reconstitution des équilibres politiques dans un des plus grands pays islamiques d’Asie, qui croule sous la pauvreté à cause des politiques occidentales qui ont entravé son développement. Les enjeux sont d’autant plus importants que le Pakistan possède la bombe atomique, jugée comme une nécessité par les États-Unis face à l’Inde. La fabrication de la bombe, il faut le rappeler, a été financée par l’Arabie saoudite, à la demande de Washington.
Depuis de longues décennies, les États-Unis se sont efforcés de garder sous leur contrôle le Pakistan, un pays clé dans la confrontation ancienne-nouvelle avec la Russie et la Chine, et qui se trouve, de surcroit, au carrefour des voies de transports du gaz et du pétrole de l’Iran et de la Caspienne.
La chaudière pakistanaise ne semble pas prête de se refroidir après l’assassinat de Bhutto. La tentative des États-Unis de sortir du bourbier afghan en exportant la crise vers le Pakistan voisin (Waziristan) est claire, même au prix d’un démembrement du pays, victime de profondes contradictions –religieuses et ethniques- depuis la séparation avec l’Inde.

Presse et agences internationales

AL-KHALEEJ (QUOTIDIEN ÉMIRATI)
Quelle malédiction s’est-elle abattue sur le Pakistan afin que ce pays sombre dans le sang et les larmes ? À peine sort-il d’une crise que de nouvelles difficultés, encore plus graves, apparaissent-elles. En 1979, Zulfikar Ali Bhutto est exécuté. Et voilà que Benazir Bhutto, sa fille, dirigeante du parti opposant du Peuple, est tuée dans un attentat-suicide commis à la sortie d’un meeting électoral, après qu’elle eut échappée à une attaque qui a visé son convoi le jour de son retour au Pakistan après un long exil, il y a deux mois. Benazir Bhutto, qui a expérimenté les plus dures batailles politiques, est rentrée dans son pays en pensant être en mesure de naviguer entre les immenses vagues. Mais deux mois seulement ont prouvé qu’elle avait tort.

• Dans son numéro de vendredi, Al-Khaleej commence la publication d’une série intitulée « Des documents britanniques dévoilent des plans d’urgence israéliens élaborés il y a trente ans pour occuper les champs de pétrole arabes ». Ces documents révèlent l’existence d’un plan israélien visant à occuper les régions arabes riches en pétrole au cas où l’administration de l’ancien président US, Jimmy Carter, avait exercé sur lui des pressions pour le pousser à présenter des concessions « inacceptables ».
Tendances va publier au fur et à mesure ces documents en commençant par le premier portant la signature de Sir Peter Wikfield et appelé « Des plans d’urgence israéliens » :
 1. Des informations provenant de trois sources différentes laissent croire que si les Israéliens sont soumis de la part des États-Unis à des pressions inacceptables, ils projettent de lancer une attaque pour occuper les champs pétrolifères arabes. La première source est Dory Chamoun (Le chef du Parti national libéral libanais, aujourd’hui membre du mouvement du 14-mars, Il est connu pour ses affinités avec les Israéliens, ndlr), même si nous savons que ses informations ne sont pas toujours fiables. Mais connaissant les liens de Chamoun avec les Israéliens, il est important de ne pas négliger ses notes. Dory Chamoun a indiqué que les deux incendies qui se sont produits récemment dans le champ pétrolier saoudien de Bakik ont été provoqués par les Israéliens. Par ailleurs, nous savons par un autre canal que les Syriens prennent au sérieux le scénario de l’occupation par Israël des champs de pétrole en Arabie saoudite et dans le sud du Golfe.
 2. Jeffrey Hankook a alors tenté de vérifier ces informations. Il en a parlé au chargé d’affaires US le colonel Padolato, un officier solide et bien renseigné, qui a travaillé dans le passé avec l’armé israélienne. Le colonel Padolato a confirmé l’existence de plans d’urgence israéliens visant à occuper les champs pétroliers en Arabie saoudite et dans le sud du Golfe et a ajouté que les États-Unis avaient établi des plans similaires. Des concertations ont même eu lieu entre les deux pays à ce sujet.
 3. Il ne fait pas de doute que les Israéliens sont capables d’attaquer les champs de pétrole arabes. Mais il n’est pas sûr que cela soit dans leur intérêt. Dans tous les cas, en brandissant cette menace, ils effraient les États-Unis et d’autres parties. Ils veulent prouver que les Arabes ne sont pas les seuls à pouvoir interrompre les livraisons de pétrole en cas de crise majeure. Les États-uniens pourraient alors lancer une contre-occupation pour rouvrir les voies d’approvisionnement. Israël espère tirer profit du désordre provoqué par ces développements.
 4. Je me demande si d’autres parties expriment les mêmes craintes. Quelle est votre évaluation à Londres. Je vous serais gré de protéger la confidentialité des informations de Padolato.
 5. Je vais envoyer une copie de ce rapport aux directeurs permanents des ministères concernés, et à Tel-Aviv, Jeddah, Damas et Washington.

AL-BAYAN (QUOTIDIEN EMIRATI)
Selon des sources diplomatiques, le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, examine la possibilité de relancer les efforts de la Ligue en vu de régler la crise libanaise. Le secrétaire général sonde actuellement le terrain pour voir si sa venue à Beyrouth serait utile ou pas. Amr Moussa a raison d’être prudent dans le traitement du dossier libanais, compliqué et délicat. Il est déjà allé au Liban plusieurs fois, a fait des navettes entre les différentes parties, sans le moindre résultat. Mais la crise libanaise a atteint un seuil tellement critique que la reprise des démarches de la Ligue arabe est une urgence.

• Dans un article publié dans la presse russe, Leonid Alexander revient sur la désignation de Vladimir Poutine personnage de l’année 2007 par Time Magazine. L’hebdomadaire états-unien l’a choisi pour ses efforts en vue de renforcer la stabilité de la Russie et son rôle dans le monde. La revue estime que la dernière année du règne de Poutine a été la plus réussie. Mais il est clair que le président russe ne pense pas à lui en tant que personnalité exceptionnelle. Il estime que lorsqu’un dirigeant commence à se voir comme un grand leader hors du commun, il se déconnecte de la réalité. Vladimir Poutine pense que la confiance des gens est le principal critère de réussite. Le dernier sondage effectué dans le pays montre que Poutine jouit de la confiance de plus de 70 % des ses concitoyens. C’est pour cela qu’il est le personnage de l’année 2007, et il n’est pas exclu qu’il soit aussi celui de 2008.

Audiovisuel international

AL-ALAM (CHAINE IRANIENNE ARABOPHONE)
Émission : Avec l’événement
 Sayyed Bilal, émir de la Jamaa Islamiya au Pakistan
Le gouvernement de Pervez Musharraf doit démissionner et donner une chance nouvelle au peuple pakistanais afin qu’il élise un pouvoir le représentant et capable de gérer convenablement la sécurité.
Le gouvernement pakistanais assume la responsabilité de l’assassinat de Benazir Bhutto. La politique de Musharraf est responsable de l’instabilité sécuritaire dans le pays. Elle a fourni à certains groupes la possibilité de se développer et de maitriser les moyens de lancer de telles attaques.

Tendances et événements au Liban

Avertissement de l’opposition, possible reprise de la médiation française

La crise libanaise évolue dans un climat de tension et reste sujette à des développements imprévisibles. C’est l’attitude du gouvernement de Fouad Siniora à l’égard des prérogatives présidentielles qui déterminera la suite des événements. Après l’avertissement lancé par l’opposition jeudi, on peut brosser le tableau suivant :
 1. Des contacts intensifs ont eu lieu entre le Grand sérail (résidence du Premier ministre Fouad Siniora), le patriarcat maronite et le commandement de l’armée, en vu de retirer le projet de promotions militaires de l’ordre du jour de la réunion du Conseil des ministres prévue ce vendredi. Il n’est pas certain que cette question ne sera pas examinée par le gouvernement, mais des figures du 14-mars (la coalition au pouvoir) l’ont laissé entendre, alors que d’autres ont carrément assuré qu’il n’a jamais été question de débattre de cette question.
 2. La pétition parlementaire signée par des députés du 14-mars proposant un amendement constitutionnel ne va probablement aboutir nulle part. Le Parlement clôt le 31 décembre sa session ordinaire, et le projet d’ouverture d’une session extraordinaire, approuvé par l’équipe Siniora, n’a pas été réceptionné par le président de la Chambre. Nabih Berry, qui estime que le gouvernement est illégitime et n’a pas, par conséquent, les compétences nécessaires pour prendre de telles mesures.
 3. La séance de l’élection présidentielle prévue samedi 29 décembre va probablement être reportée. Nabih Berry va sans doute fixer un autre rendez-vous pour le courant de janvier 2008.
 4. La communication téléphonique entre le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem, et le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, pourrait paver la voie à une reprise de la médiation française au début de l’année prochaine. Mais des sources politiques bien informées ont exclu une telle éventualité, en raison d’une forte opposition états-unienne à toute entente entre le 14-mars et l’opposition. Toutefois, des milieux journalistiques proches de l’opposition assurent que la France va effectivement reprendre ses efforts de bons offices.
 5. La crise politique n’occulte pas la crise économique aigüe qui sévit. Les conditions de vie sont de plus en plus difficiles, les prix des produits alimentaires et des carburants augmentent et le pouvoir d’achat diminue. Le gouvernement de Fouad Siniora pourrait très vite être rattrapé par cette dimension de la crise qu’il tente d’ignorer depuis des mois, en rejetant la faute de la hausse vertigineuse des prix sur des facteurs externes.

Presse libanaise

AS-SAFIR (QUOTIDIEN PROCHE DE L’OPPOSITION)
Alors que la crise politique se complique, l’enquête sur le meurtre de l’ancien chef des opérations de l’Armée libanaise, le général François al-Hajj, revient sur le devant de la scène. L’interrogatoire de dizaines de membres et de sympathisants du groupuscule intégriste sunnite de Jund al-Cham dans la plaine de la Békaa a permis de recueillir des aveux sur des liens présumés avec cet attentat. Mais des sources militaires haut placées ont démenti l’existence d’aveux. Par ailleurs, les enquêteurs ont dressé les portraits-robots des deux acheteurs de la voiture piégée. Mais des questions se posent sur les raisons pour lesquelles des autorités judiciaires ont interdit la publication de ces portraits dans la presse.

AN-NAHAR (QUOTIDIEN PROCHE DU 14-MARS)
La signature par 13 députés de la majorité d’une pétition réclamant l’amendement de l’article 49 de la Constitution pour permettre l’élection du général Michel Sleimane à la présidence n’a pas suscité une vague de protestations de la part de l’opposition semblable à celle qu’a soulevé le vote d’un projet de loi similaire par le gouvernement de Fouad Siniora. À travers cette pétition parlementaire, la majorité enregistre un point supplémentaire au détriment de l’opposition, lui faisant assumer la responsabilité du torpillage de l’élection présidentielle.

Audiovisuel libanais

NTV (CHAINE PROCHE DES THESES DE L’OPPOSITION)
Émission : La semaine en une heure
 Samir Geagea, chef des Forces libanaises (14 mars)
L’opposition ne veut pas organiser l’élection présidentielle. Elle fait tout pour saboter cette échéance. Le fait de réclamer le tiers de blocage dans le prochain gouvernement s’inscrit dans le cadre des tentatives de torpillage.
Trois mois après sa réélection à la tête du Parlement, Nabih Berry a rejoint de nouveau les rangs de l’opposition.
Le Hezbollah veut ramener le Liban sous l’ombrelle syrienne, car c’est le seul moyen d’assurer une protection à son grand projet.
En mandatant le général Michel Aoun pour négocier en son nom, l’opposition montre en fait qu’elle ne veut pas le dialogue. Personne dans les rangs du 14-mars n’accepte de négocier avec le général Aoun, car c’est une plaisanterie.
Il n’y a pas de risque d’une explosion généralisée de la situation car les principaux leaders sont conscients des dangers que court le pays.

Tendances est un bulletin quotidien de veille politique sur le Proche-Orient, réalisé par l’agence New Orient News à Beyrouth. Retrouvez-le sur Voltairenet.org, en versions allemande, arabe, anglaise, espagnole et française. Consultez également Indicators, le bulletin quotidien de veille économique sur le Proche-Orient, disponible en versions anglaise, espagnole et arabe.