En 2003, j’ai été voir Paul Wolfowitz pour lui dire ce que j’avais vu à Bagdad suite au renversement de Saddam Hussein. Pendant près d’une heure j’ai décris les conséquences catastrophiques de l’invasion et la colère des Irakiens contre nous. J’ai également décrit deux évènements, l’un dont j’ai été le témoin, l’autre qui m’a été raconté.
Le 16 avril 2003, une foule a attaqué et pillé l’équivalent du centre de contrôle des maladies et ont pris des échantillons du virus du Sida ou de la fièvre noire. Les troupes états-uniennes, stationnées à deux rues de là ne sont pas intervenues car elles ne savaient pas qu’il y avait là quelque chose à défendre. De la même manière, des pillards ont également mis la main sur du matériel nucléaire irakien entreposé dans des dépôts. Les barils d’uranium ont sans doute été vidés de leur contenu puis utilisés pour chercher de l’eau mais cela aurait pu être beaucoup plus grave si les pillards avaient su ce qu’ils prenaient. Ces bâtiments n’étaient pas secrets et ils auraient dû être défendus.
Aujourd’hui, les pillages ne sont plus spontanés, au gré de foules qui ne savent pas ce qu’elles pillent. D’après l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), on assiste à un pillage systématique des installations ayant un jour servi au programme nucléaire. Le matériel volé se dirige vraisemblablement vers l’Iran. Pourtant, le matériel irakien était répertorié avant la guerre mais L. Paul Bremer admet aujourd’hui que les États-Unis manquaient de troupes et que ces dernières ne disposaient des renseignements suffisants.
Même après mes avertissements, les responsables du Pentagone n’ont rien fait pour aider à la sauvegarde des sites nucléaires. J’ai soutenu le renversement de Saddam Hussein et je pense que l’Irak est mieux sans lui. Cependant, je considère aussi que le vol de matériel peut être évité avec une meilleure stratégie d’après guerre.

Source
International Herald Tribune (France)
L’International Herald Tribune est une version du New York Times adaptée au public européen. Il travaille directement en partenarait avec Haaretz (Israël), Kathimerini (Grèce), Frankfurter Allgemeine Zeitung (Allemagne), JoongAng Daily (Corée du Sud), Asahi Shimbun (Japon), The Daily Star (Liban) et El País (Espagne). En outre, via sa maison-mère, il travaille indirectement en partenarait avec Le Monde (France).

« Eyewitness to a failure in Iraq », par Peter W. Galbraith, Boston Globe, 27 octobre 2004.
« Eyewitness to failure in Iraq », International Herald Tribune, 29 octobre 2004.